Virilité/fragilité

En revanche, rien d’atténué dans la « fierté » physique de la puissance sexuelle. Ce « phallus », tant sublimé par Freud, est présent dans tous les esprits masculins comme une obsession qui a beaucoup de mal à s’effacer. C’est un aiguillon sexuel, mais aussi le stimulant de la rivalité, le moteur de la compétition, des disputes, des conflits, des massacres, des guerres ! La rivalité commence dès l’enfance entre garçons et filles, d’abord pour montrer qu’ils en ont « plus », qu’ils en font « plus », puis entre garçons pour rivaliser de ce « plus ». Chaque garçon voudra montrer ce plus d’amour, de force, et puis bien sûr ce plus de pénis pour « être à la hauteur », mais surtout par peur d’avoir un trop petit pénis, alors que tous jouent à « qui a la plus grosse ». Ce jeu du vestiaire, nourri ô combien de complexes, n’est pas prêt de s’éteindre car, si les mâles ne rivalisent plus en force pour conquérir les femelles, la taille du sexe, réelle ou fantasmée, continue de nourrir leurs fantasmes. Combien de jeunes garçons et même d’hommes, consultent pour « petit sexe », rare réalité (on parle de petit pénis s’il fait moins de 5 cm en érection !), mais fréquent fantasme et surtout angoisse vis-àvis de la partenaire. Le jeu de la performance est, malgré nous, entré dans lesmoeurs : dans ma récente enquête sur plus de 2 000 hommes*, 57 % d’entre eux craignent de décevoir sexuellement leur partenaire. L’idée de la virilité comme idéal de soi pour les hommes n’est pas un vain mot. Les comportements changent, les mentalités aussi, mais la fragilité semble à la hauteur de la barre que l’on s’est fixée. Et les hommes sont certainement aujourd’hui beaucoup plus fragiles qu’ils ne paraissent, craignant les réactions (46 %) ou le jugement (52 % le craignent) de leurs compagnes.   L’homme nouveau Si l’homme nouveau a beaucoup de difficulté à baisser la garde du côté du sexe, il le fait plus volontiers en ce qui concerne le quotidien, ayant abandonné une noblesse de droit divin pour la noblesse démocratique du partage conjugal. Car il partait de très loin, cet homme en mutation ! Pierre Bourdieu poursuit : « En fait, il n’est pas exagéré de comparer la masculinité à une noblesse (…) outre que l’homme ne peut sans déroger s’abaisser à certaines tâches socialement désignées comme inférieures (entre autres raisons parce qu’il est exclu qu’il puisse les accomplir), les mêmes tâches peuvent être nobles et difficiles, quand elles sont réalisées par des hommes ou insignifiantes et imperceptibles, faciles et futiles, quand elles sont accomplies par des femmes ». Il rappelle en cela la différence entre le cuisinier et la cuisinière, le couturier et la couturière. Au quotidien il en va de même, mais les hommes des nouvelles générations acceptent plus de partager les tâches domestiques futiles et insignifiantes qui, du coup, redeviennent des tâches comme les autres. La fierté, si l’on devait conserver ce terme, aurait à recouvrir des valeurs compatibles avec l’évolution des rôles dans la nouvelle société de l’équilibre démocratique entre les sexes : la force altruiste, la puissance partagée, la galanterie, le courage d’agir et de décider. Car de vieilles coutumes comme la galanterie semblent rarement obsolètes aux yeux des hommes, mais aussi, et surtout, des femmes. Quelle femme, sinon extrémiste, refuse un geste galant sous prétexte d’asservissement ? Est aujourd’hui en train de naître une nouvelle galanterie, marque de séduction et non de possession.