Publié le 30 aoû 2011Lecture 4 min
L’origine du mâle
Philippe BRENOT, Directeur DIU de sexologie, Université Paris Descartes
On ne partage plus grand-chose sinon les factures, témoigne Sylviane. Il ne me parle pas, ne m’embrasse jamais. On n’est jamais ensemble. Sa mère habite à vingt kilomètres, il l’appelle tous les jours et va déjeuner avec elle deux ou trois fois par semaine : je ne supporte plus ce manque d’attention et son permanent retour « chez lui », comme il dit. Lui, ça ne le dérange pas. Il dit qu’il ne peut pas faire autrement, qu’il doit s’occuper d’elle (sa mère). Seulement, c’était la même chose il y a quinze ans. Je ne sais pas ce que je fais avec lui. »
« La cause est entendue, poursuit Jean Cournut dans son livre Pourquoi les hommes ont peur des femmes ? Le fils aime et respecte la mère ; la mère se dévoue pour son fils avec tendresse, au besoin avec acharnement. Ils s’aiment indéfectiblement. » Cette relation mère-fils est souvent « idyllique », à des années lumières du lien mère-fille qui, lui, peut être très tumultueux. Le fils idéalisé se construit comme un être tout puissant qui substitue son propre regard à celui de sa mère pour être l’objet de son amour. La relation entre la mère et son fils est ainsi fondée sur un narcissisme que rien ne viendra déranger par la suite. Le fils et sa mère La montée de l’ego n’est cependant pas inéluctable*. Alain Braconnier distingue cinq types de mères dont les attitudes sont susceptibles de modeler différemment le socle de cet homme en puissance : la mère amoureuse a une influence puissante, l’ego sera souvent très fort ; la mère surprotectrice, qui exige l’exclusivité du lien avec son fils, érige une statue souvent gigantesque ; la mère distante, celle qui a peur de mal faire, fera un fils hautain et parfois misogyne ; la mère castratrice façonne un homme soumis, fuyant, mais parfois violent par réaction ; enfin, la mère bienveillante atténuera l’ego de son enfant, le teintant d’altruisme pour un meilleur équilibre dans sa relation avec les autres. On voit combien le façonnage maternel est certainement très constituant de cet ego si masculin. C’est d’ailleurs en parvenant à se débarrasser de l’empreinte maternelle que le jeune garçon deviendra un homme. Le narcisse, en général, ne s’en séparera pas. Ce narcisse égoïste cultive donc les travers, se met en avant, ne parle que de lui, raconte ses prouesses, il est orgueil, vanité, prétention, vantardise, « qualités » que les femmes jugent insupportables car c’est à l’opposé des valeurs qu’elles cultivent, mais qui donnent aux hommes plus d’assurance et de confiance en eux. « Oui, j’ai l’impression d’être un peu égoïste, avoue Richard, de penser plutôt à mon bien-être, à mes passetemps, à mon golf, au prochain club que je vais m’acheter... et puis à ma mère, c’est bien naturel. » Evelyne, sa femme, supporte très mal son attitude, il le reconnaît : « Elle dit tout le temps que je ne pense qu’à moi et pas à elle ni aux enfants. Mais j’ai toujours été comme ça, que voulez-vous que j’y fasse ! » Richard confirme cet état de fait où, pour lui, rien ne semble avoir changé depuis l’enfance. Le paradoxe est qu’il est assez fier de ce qu’il appelle « son autonomie ». « J’ai tout de même réussi, j’ai un excellent salaire, je peux faire ce que je veux et faire vivre ma famille, je n’ai pas besoin d’aide, je suis autonome ! » Autonomie qui, aux yeux de ses proches, s’appelle plutôt dédain, abandon, individualisme, égocentrisme… Ce tableau, quelque peu caricatural, n’est malheureusement pas rare et se présente encore sous une forme atténuée chez la majorité des hommes qui, le plus souvent, tentent de le masquer par des efforts d’altruisme. Le narcissisme ne serait-il pas l’énergie du moteur masculin à caresser dans le bon sens ?!
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