Publié le 12 déc 2007Lecture 13 min
La cœlioscopie dans le bilan de l’infertilité du couple
E. LOURDEL, P. MERVIEL, N. GRENIER, R. CABRY-GOUBET, CHU d’Amiens
À l’heure actuelle, la problématique concernant la pratique systématique de la cœlioscopie dans le bilan d’une infertilité reste entière.
En effet, si elle était systématiquement réalisée dans les années 70-80, la cœlioscopie a ensuite été progressivement abandonnée durant les vingt années qui ont suivi. Aujourd’hui, des interrogations réapparaissent, notamment depuis la limitation à quatre du nombre de tentatives de fécondation in vitro.L’objectif de cet article est donc de proposer des arguments pour, puis contre, la pratique systématique de la cœlioscopie, afin de proposer une conduite à tenir.
En effet, si elle était systématiquement réalisée dans les années 70-80, la cœlioscopie a ensuite été progressivement abandonnée durant les vingt années qui ont suivi. Aujourd’hui, des interrogations réapparaissent, notamment depuis la limitation à quatre du nombre de tentatives de fécondation in vitro.L’objectif de cet article est donc de proposer des arguments pour, puis contre, la pratique systématique de la cœlioscopie, afin de proposer une conduite à tenir.
La cœlioscopie n’apparaît pas comme un examen systématique au sein du bilan d’infertilité du couple. Elle est indiquée en présence d’anomalies révélées par l’hystérosalpingographie et dans certaines situations bien définies : en cas d’antécédents infectieux ou chirurgicaux au niveau de la région pelvienne, en présence d’une infertilité secondaire inexpliquée ou d’une infertilité inexpliquée après 37 ans, ou encore après échec de 3 à 4 cycles d’inséminations intra-utérines bien menés. Le bilan étiologique de l’infertilité du couple passe par la réalisation d’examens complémentaires à la fois biologiques et morphologiques. Ainsi, l’exploration du tractus génital féminin fait partie intégrante du bilan initial d’une infertilité et comprend une échographie pelvienne et une hystérosalpingographie. Arguments pour la pratique systématique de la cœlioscopie Le bilan d’une infertilité du couple repose sur un trépied d’éléments cliniques, biologiques et morphologiques. Après un interrogatoire minutieux de chacun des deux membres du couple, un bilan de première intention sera réalisé, il comporte : un bilan hormonal en début de cycle, une échographie pelvienne, une hystérosalpingographie (plus ou moins une hystéroscopie selon certaines équipes), un test post-coïtal de Hühner et un spermogramme avec spermocytogramme. Secondairement, d’autres examens pourront être envisagés, soit sur point d’appel clinique, soit en cas d’anomalies décelées lors du bilan initial (dosages hormonaux complémentaires, test de migration-survie des spermatozoïdes, échographie scrotale, etc.). La cœlioscopie fait-elle partie du bilan de première intention ou constitue-t-elle un examen de seconde ligne ? Bilan de première intention Dosages hormonaux à J2 ou J3 du cycle Échographie pelvienne Hystérosalpingographie ± hystéroscopie Test post-coïtal de Hühner Spermogramme/spermocytogramme Pertinence de l’hystérosalpingographie dans le bilan d’infertilité Les partisans de la cœlioscopie militent pour sa pratique systématique, arguant du fait que l’hystérosalpingographie n’est pas un examen aussi fiable que la cœlioscopie pour l’évaluation tubaire et péritonéale. En effet, Glatstein(1) en 1997 fait état d’une variabilité interopérateur pour l’hystérosalpingographie de 20 %, ce qui justifie un apprentissage de sa réalisation et de sa lecture. La revue de la littérature met en évidence 2 à 50 % de faux négatifs et 15 à 32 % de faux positifs. La métaanalyse de Swart en 1995 retrouve une sensibilité de 65 % et une spécificité de 83 % en cas de lésions tubaires. Toute la problématique, pour les équipes prenant en charge ces couples infertiles, réside dans cet équilibre sensibilité/spécificité. Certains auteurs ont alors comparé l’hystérosalpingographie à la cœlioscopie. C’est le cas de Dhaliwal(2) qui retrouve 89 % d’anomalies tubaires à l’hystérosalpingographie avec 60 % de corrélation avec la cœlioscopie ; ce taux de corrélation atteint 66 % pour Rausmussen avec une plus grande fréquence d’anomalies à l’hystérosalpingographie en cas d’antécédents infectieux. Malgré cela, pour Opsahl, bien que 75 hystérosalpingographies soient normales chez 278 patientes ayant des antécédents infectieux, 28 % de lésions pelviennes sont retrouvées en cœlioscopie. De même, pour Capelo, la cœlioscopie permet de mettre en évidence des lésions jusque-là méconnues. Il a réalisé 92 cœlioscopies entre 1994 et 2002 chez des patientes présentant une infertilité primaire, un examen clinique normal, des cycles réguliers, des dosages hormonaux et une hystérosalpingographie sans particularité et des paramètres spermatiques normaux ; ces patientes avaient bénéficié de 4 cycles de citrate de clomifène. La cœlioscopie a révélé une endométriose dans 40 % des cas et des adhérences dans 30 % des cas, si bien qu’un tiers des femmes seulement avait une cœlioscopie jugée normale. Histoire de l’infertilité et antécédents infectieux La notion selon laquelle l’histoire de l’infertilité, ou les antécédents infectieux puissent orienter le clinicien vers la pratique d’une cœlioscopie, alors que l’hystérosalpingographie est normale, est discutée par certains auteurs. C’est le cas de Hubacher(3), qui a testé 323 nullipares par le biais d’un questionnaire reprenant les antécédents de salpingites, d’infections génitales basses, de leucorrhées, et la présence d’anticorps antichlamydiae. Il n’a démontré aucune corrélation entre les éléments du questionnaire et les constatations per-cœlioscopiques. Chez les patientes sans antécédent, 58 % de lésions tubaires étaient retrouvées dont la moitié était sévère. Objectivité ? Pour ce qui est du type d’infertilité, on peut penser qu’en cas d’infertilité secondaire, l’étiologie en cause est plus difficile à diagnostiquer. Ainsi, Hovay(4) en 1998 retrouve 15 % d’anomalies cœlioscopiques en cas d’infertilité primaire contre 24 % si l’infertilité est secondaire. Association hystéro-salpingographie et sérologie Chlamydia trachomatis Certains auteurs se sont alors proposés d’associer à l’hystérosalpingographie une sérologie Chlamydia trachomatis (CT), en partant du principe que ce germe est actuellement le premier en cause dans les infections génitales hautes, infections qui passent généralement inaperçues. Qu’elle soit réalisée par immunofluorescence, micro-immunofluorescence ou technique Elisa, cette sérologie a une sensibilité allant de 21 à 90 % et une spécificité de 29 à 100 %. Dans l’étude de Ficicioglu(5) en 1995, où 37 % des patientes présentaient des lésions tubaires en cœlioscopie, l’hystérosalpingographie a été couplée à la sérologie CT. Or, l’hystérosalpingographie ne semble pas gagner en sensibilité lorsqu’elle est associée à la sérologie CT, puisque la sensibilité de l’hystérosalpingographie seule est de 89 %, celle de la sérologie CT est de 52 % et celle des deux examens couplés n’est que de 34 % ; quant à la valeur prédictive de ces différents examens, elle est respectivement de 92 %, 80 % et 62 %. De même, Logan en 2003, démontre que la prise en compte des antécédents associés aux résultats de l’échographie pelvienne et à ceux de la sérologie CT ne permet pas de prédire d’éventuelles lésions tubaires d’origine infectieuse. Ainsi, les militants de la cœlioscopie partent du principe que l’hystérosalpingographie n’est pas un examen aussi fiable que la cœlioscopie, qu’elle ne peut être potentialisée par la prise en compte des antécédents ou de l’histoire de l’infertilité et qu’elle ne gagne pas en sensibilité avec l’adjonction de la sérologie CT. Ils s’appuient surtout pour sa pratique systématique sur les résultats à plus ou moins long terme des gestes chirurgicaux pouvant être réalisés dans le même temps. Ainsi, après néosalpingostomies, on observe jusqu’à 30 % de grossesses évolutives, 50 à 70 % après reperméabilisations tubaires, 50 à 60 % après multiperforation ovarienne et 50 % après adhésiolyses de type I ou II. C’est sans compter le nombre de grossesses observées après traitement des lésions endocavitaires dépistées en hystéroscopie, puisque cette dernière est fréquemment couplée à la cœlioscopie dans le même temps opératoire. Arguments contre la pratique systématique de la cœlioscopie Il apparaît évident que la cœlioscopie n’a pas de place chez une femme avec échographie pelvienne et hystérosalpingographie normales, dont le conjoint présente des altérations moyennes à sévères du sperme. C’est, en effet, l’indication même d’une prise en charge en fécondation in vitro ± micro-injection, situation de plus en plus fréquente dans notre exercice professionnel quotidien. Risque inhérent à la cœlioscopie Le principal facteur limitant pour la pratique systématique de la cœlioscopie est le risque lié à cette technique. La cœlioscopie comporte un risque de complications non négligeable. Il est estimé selon la série de Chapron(6) en 2001 à 1,84 pour 1 000 cœlioscopies diagnostiques (7 complications hémorragiques, 3 intestinales et 1 urologique) et ce risque s’accroît lorsque des gestes complémentaires y sont associés. Il est donc fondamental de toujours pouvoir justifier son indication opératoire. Cœlioscopie versus hystérosalpingographie et échographie ou IRM Certains auteurs se sont proposés d’associer d’autres examens à l’hystérosalpingographie. C’est le cas d’Ubaldi qui a couplé cette dernière à l’échographie pelvienne. Il a alors démontré que, bien que l’hystérosalpingographie ait une sensibilité insuffisante pour la détection des adhérences, la cœlioscopie pouvait être différée chez les femmes jeunes avec hystérosalpingographie et échographie endovaginale normales. Pour Ayida, l’hystérosalpingographie associée à l’IRM pelvienne permet de diagnostiquer les pelvis normaux et de retarder ainsi l’échéance de la cœlioscopie. Cœlioscopie et adhésiolyse On connaît l’importance de l’analyse des clichés tardifs sur l’hystérosalpingographie, afin d’évaluer le passage pavillonnaire et de dépister un éventuel phimosis distal ou des adhérences péritubaires, or le diagnostic de ces adhérences est particulièrement délicat. Il faut savoir que le risque d’adhérences abdomino-pelviennes postopératoires est de 1,6 % après cœlioscopie, de 20 % après Pfannenstiel et 50 % après laparotomie médiane sous-ombilicale. Par ailleurs, le risque d’adhérences est estimé à 0,5 % en l’absence d’antécédent chirurgical. En cas d’adhésiolyse per-cœlioscopique, le taux de grossesses atteint 50 % dans l’année qui suit. Mais l’efficacité réelle de ce geste est difficile à évaluer, car les adhérences sont rarement isolées ; d’autre part, le risque de grossesse extra-utérine après adhésiolyse est de 5 %. Analyse des plis muqueux distaux L’étude des plis muqueux distaux en hystérosalpingographie est essentielle pour le pronostic d’une grossesse future. Les résultats de la salpingoplastie distale sont fonction du score d’opérabilité tubaire. La salpingoscopie permet l’étude de visu de la muqueuse tubaire. Boer-Meisel(7) a établi un score qui, lorsqu’il est égal à 1 ou 2, permet l’obtention de 40 à 50 % de grossesses. En revanche, lorsque ce score est égal à 3, le taux de grossesses varie de 0 à 5 %, ce qui justifie une orientation du couple en FIV ; or, ce dernier aspect de la muqueuse tubaire est fortement suspecté à l’hystérosalpingographie et il n’y a donc pas d’indication à la réalisation d’une cœlioscopie. Obturations tubaires proximales Pour ce qui est des obturations tubaires proximales en hystérosalpingographie, Mol(8) a retrouvé 40 % de cœlioscopies normales en cas d’obturations tubaires proximales, soit par absence de spasme pendant la cœlioscopie, soit par levée d’un bouchon muqueux due à une pression plus importante du bleu de méthylène comparativement au produit de contraste. Inversement, en présence d’une hystérosalpingographie normale, on observe 7 % d’occlusions tubaires proximales par spasme en cours de cœlioscopie. D’une façon générale, l’auteur aboutit à la conclusion qu’en cas d’hystérosalpingographie récente, de moins de 10 mois, on ne retrouve que 4,5 % de lésions à la cœlioscopie. Endométriose pelvienne La principale pathologie à l’origine d’un grand nombre de controverses est l’endométriose pelvienne. Celle-ci pourra être suspectée sur la clinique et la paraclinique, mais elle ne sera réellement confirmée que grâce à la cœlioscopie. Cependant, la responsabilité de l’endométriose dans l’infertilité n’est pas clairement établie. Selon Saleh, il n’y a pas de relation entre l’endométriose et la survenue d’une grossesse ; de même, pour Marana, les taux de grossesses sont équivalents quel que soit le stade de l’endométriose avec certes, une diminution de ces taux en cas d’endométriose avec lésions tubaires. Dans la littérature, deux grandes études se sont opposées. En 1997, l’équipe canadienne de Marcoux et Maheux(9) ont démontré que la destruction des lésions d’endométriose stades 1 et 2 améliorait significativement les taux de grossesses (17,7 % de taux de grossesses avant traitement contre 30,7 % après destruction, p = 0,006), certes au prix de 7 cœlioscopies inutiles pour une positive. Donnez, en 2002, confirmait cette attitude, mais associait à la procédure chirurgicale un traitement médical. À l’opposé, Parazzini(10), en 1999, démontrait qu’il n’y a pas de différence en termes de taux de grossesses un an après la cœlioscopie en cas d’endométriose minime ou moyenne (20 vs 22 %, n = 101). La cœlioscopie n’est indispensable qu’avant la mise en route d’un traitement par analogues de la Gn-RH. Mais l’intérêt d’un traitement médical de l’endométriose n’est pas prouvé en cas d’infertilité et seul le traitement chirurgical des lésions tubaires (stade 4), suspectées dès l’hystérosalpingographie, améliore les taux de grossesses. Finalement, le débat reste entier concernant la pratique d’une cœlioscopie, dans le seul but de dépister une endométriose stade 1 ou 2, dont la responsabilité dans l’infertilité n’est pas clairement établie, et dont l’efficacité du traitement n’est pas prouvée. Même l’ESHRE (European Society of Human Reproduction and Embryology) dans ses recommandations ne préconise la cœlioscopie qu’en cas de symptômes d’endométriose(11). Alternatives à la cœlioscopie Concernant l’hystérosalpingosonographie, Boudghene retrouvait une bonne corrélation entre cet examen et la cœlioscopie, les limites étant l’évaluation des lésions proximales et l’appréciation de la qualité des plis ampullaires. Avec l’abandon progressif de la microcœlioscopie, seule la fertiloscopie (ou hydrolaparoscopie par voie transvaginale) semble constituer actuellement une alternative chirurgicale à la cœlioscopie. Gordts(12), tout comme Watrelot, la décrivent comme étant une technique simple, reproductible, mini-invasive et pratiquement dénuée de risques et il est maintenant clairement établi qu’elle est au moins aussi performante que la cœlioscopie chez les patientes dont l’hystérosalpingographie est soit normale, soit douteuse.
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