Sexologie
Publié le 08 oct 2009Lecture 4 min
J’aime pas les préliminaires !
Philippe BRENOT, Université Paris 5
Les opinions négatives sur la sexualité (« c’est sale, ça fait mal… »), très fréquentes il y a quelques décennies, ont presque disparu à l’exception de quelques affirmations qui semblent relever de préférences, intimes ou érotiques, mais qui recouvrent en définitive une réelle aversion sexuelle ou la méfiance d’une dimension érotique. L’affirmation « j’aime pas les préliminaires » (ou l’opinion rapportée par le conjoint : « elle n’ aime pas les préliminaires ») est une fréquente position défensive, prise la plupart du temps pour une préférence érotique, comme s’il y en avait qui aimaient les préliminaires et d’autres non.
Dans l’absolu, cela peut se comprendre, et certaines femmes très disponibles, se connaissant très bien, peuvent avoir développé une appétence pour un coït très direct, certainement physique et sans phase de préparation. Mais pour la très grande majorité des femmes, ces « préliminaires » sont un temps indispensable qui les différencie de leurs partenaires masculins. En effet, si le mâle de l’espèce humaine est disponible à l’accouplement en très peu de temps (quelques secondes à une minute à 20 ans), cette même phase nécessite plusieurs dizaines de minutes (on a l’habitude de dire au moins 20 à 30 minutes) pour la plupart des femmes. La physiologie de l’excitation a été magistralement décrite par William Masters et Virginia Johnson, dans leur travail sur Les Réactions sexuelles, publié en 1966, qui reste, encore aujourd’hui, la seule étude d’importance de la physiologie sexuelle humaine. L’un des progrès dans l’éducation à la sexualité a ensuite été de populariser la notion de préliminaires, pour permettre aux hommes de comprendre la différence d’accès de leur partenaire à l’excitation. L’excitation Il faut bien rappeler ici l’importance de la phase d’excitation, seule condition indispensable pour une sexualité mutuellement épanouie. Ce moment essentiel de l’amour peut donc, dans certains cas, être très court, mais il peut aussi durer indéfiniment. L’une des difficultés, pour un homme, sera de contenir son excitation au cours de cette phase qui verra accroître celle de sa partenaire. Le délai d’excitation masculin, très court à l’âge de 20 ans (5 à 10 secondes), augmente progressivement au fil des ans (15 à 20 min ou plus chez les sujets âgés) se rapprochant ainsi du profil de l’excitation féminine. C’est pourquoi les relations dans le couple sont souvent plus épanouies avec le temps. Certaines femmes cependant disent combien ce temps leur paraît trop souvent insuffisant : « il me faut bien une heure de caresses… avant d’être excitée », affirmation qui semble relever d’une sorte de fatalité (« je n’y peux rien, je suis comme ça ! ». Or, la sexualité est essentiellement apprentissage et découverte progressive des réactions personnelles. Bien que les caresses et l’acte du partenaire soient des facteurs qui contribuent à la « montée du désir », c’est surtout le lâcher prise de la femme sur son corps qui permet l’excitation. Les femmes très disponibles savent allier stimulations externes (caresses) et fantasmes intérieurs, rappel de souvenirs, évocations érotiques, pour accéder à cette disponibilité qui recouvre des modifications physiologiques notables : distension et vasocongestion des muqueuses, lubrification suffisante, sensation d’être « prête à la pénétration ». En l’absence de cette disponibilité, physique et psychique, le rapport sera douloureux pour certaines, décevant pour d’autres. Mais il est important de ne pas l’attribuer à une insuffisance du partenaire, sinon au risque de ne jamais l’atteindre par méconnaissance de soi. Cette préparation peut s’allonger encore, parfois indéfiniment, soit par une méconnaissance de la femme par elle-même et impossibilité d’abandon, ou par tension anxieuse trop importante ne permettant pas que l’excitation soit jamais atteinte. On pourrait enfin évoquer le sadisme inconscient de certaines femmes envers leurs partenaires, les conduisant à mettre la barre au-dessus de toute réalisation possible ! Si les préliminaires sont une condition sine qua non de l’amour, celles qui les refusent ne connaissent en général pas l’excitation, mais trouvent des complices en la personne de leurs partenaires qui profitent de cette apparente préférence pour raccourcir une phase qui leur semble inutile ! C’est aussi aux hommes qu’il faut apprendre que les préliminaires sont indispensables pour permettre l’excitation et l’épanouissement à deux.
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