Publié le 11 fév 2008Lecture 9 min
Éjaculation rapide : des solutions extra-pharmacologiques
M. VELUIRE Clinique Caron, Athis-Mons
Les définitions de l’éjaculation rapide sont très différentes les unes des autres suivant l’item pris en compte. Faut-il mettre en avant la satisfaction féminine ? Le temps de pénétration vaginale ? Le nombre de poussées pelviennes ?…
La définition du DSM4 dit : « Éjaculation constante ou fréquente avant, pendant, ou juste après la pénétration, sans le désirer ET causant une détresse ou des difficultés interpersonnelles. »
On considère qu’un homme est éjaculateur rapide lorsqu’il éjacule après 5 à 10 poussées pelviennes ou en moins de 2 minutes. L’éjaculation rapide dans toutes les études est retrouvée en moyenne chez un homme sur trois, ce qui en fait la pathologie sexuelle masculine la plus fréquente. Il s’agit effectivement d’un comportement biologique normal qui se modifie au fur et à mesure des apprentissages. Ce qu’il faut savoir Tout et n’importe quoi a été dit autour des causes de l’éjaculation rapide. Récapitulatif de ce que nous savons actuellement. Les éjaculateurs rapides ont le même taux de testostérone que les sujets contrôlant leur éjaculation (Pirke et coll., 1979). Il n’y a pas de différence concernant la sensibilité pénienne entre les éjaculateurs rapides et les autres (Rowland et coll.,1993). Le paramètre influant le plus sur la rapidité de l’éjaculation est la fréquence des rapports sexuels, cette fréquence dépendant de chaque homme (Spiess et coll., 1984). Les éjaculateurs rapides ont significativement plus de croyances erronées et de pensées négatives liées à leur sexualité (Baker, 1993). L’éjaculation étant un réflexe, elle ne peut être contrôlée lorsque le point d’imminence éjaculatoire est dépassé. Il s’agit donc d’un problème d’excitation sexuelle mal gérée et non d’un problème de contrôle éjaculatoire. Les dysfonctions sexuelles féminines telles que l’anorgasmie coïtale ou les dyspareunies peuvent cacher une éjaculation rapide du partenaire. Il est donc toujours nécessaire d’interroger la patiente en consultation gynécologique, sur la fonctionnalité du partenaire lorsqu’un symptôme sexuel féminin est mis en avant. Les dysfonctions sexuelles féminines telles que l’anorgasmie coïtale ou les dyspareunies peuvent cacher une éjaculation rapide du partenaire. Techniques de traitement très discutables Des techniques ont été proposées, visant à diminuer la sensibilité aux stimuli psychiques : • penser à des choses désagréables (Hastings, 1966), • contracter le sphincter anal (Kinsey, 1948), • se pincer la peau, se mordre la langue ou loucher des yeux. Ainsi que des techniques visant à diminuer la sensibilité aux stimuli physiques : • utilisation de préservatifs serrés, • limitation de la fréquence ou de l’amplitude des mouvements du pénis à l’intérieur du vagin (Hasting, 1966), • application d’une crème anesthésiante sur le gland (Hawton, 1988). Les rapports cliniques portant sur l’usage de ces méthodes rapportent des résultats décevants. Ces pratiques sont d’une qualité douteuse car créant une atmosphère anti-érotique lors des relations sexuelles pour l’homme et pour la femme. De plus, ces activités de diversion empêche l’homme de se concentrer sur ses réactions corporelles indicatrices de l’éminence éjaculatoire et donc de pouvoir modifier celles-ci dans une perspective de contrôle. Le reconditionnement de la réponse sexuelle Ce programme, mis au point en 1970 par Masters et Johnson, comprend de l’éducation sexuelle, des techniques de sensibilisation au toucher, des techniques de communication et la technique de la pression pénienne (squeeze). L’éducation sexuelle Elle porte sur l’anatomie des organes génitaux et la physiologie de la réponse sexuelle masculine et féminine. Elle comprend également des informations sur les causes et les effets de l’éjaculation rapide sur la vie sexuelle et conjugale et revoit les mythes et les illusions que le couple peut entretenir à propos de la sexualité. Les techniques de sensibilisation corporelle et de communication Les techniques de sensibilisation corporelle et de communication (sensate focus) consistent en des exercices de toucher. Un conjoint agit en tant que donneur et l’autre en tant que receveur et ils interchangent leurs rôles régulièrement. Le donneur a pour tâche de toucher, caresser ou masser le receveur. Lors de la première séance, les attouchements des organes génitaux sont proscrits, le but étant de s’appliquer à percevoir les sensations reçues ou données sans obligation de performance quelle qu’elle soit (orgasme, ne pas éjaculer, etc.), juste dans une perspective de plaisir. À la deuxième séance, les conjoints sont invités à se faire part de leurs ressentis, d’indiquer leurs préférences, de guider avec leurs mains le partenaire, et la stimulation des organes génitaux et des seins est possible, mais toujours dans une perspective de plaisir sans obligation de performance. La technique de pression pénienne Elle consiste, pour la partenaire, à effectuer une pression sur le frein durant 3 à 4 secondes dès que l’homme est parvenu à l’érection après stimulation manuelle. Celui-ci perd alors son besoin d’éjaculer, ainsi que 10 à 30 % de son érection. Cette alternance stimulation/pression est effectuée 4 ou 5 fois pour permettre à l’homme de reconnaître les niveaux d’excitation qu’il peut conserver sans éjaculer. L’étape suivante utilise la pénétration, l’homme étant couché sur le dos, la femme procède à l’intromission du pénis dans son vagin et demeure immobile. Dès que l’homme sent son excitation approcher du point de non retour, la femme se retire et applique une pression sur le pénis ; cette opération est répétée 3 ou 4 fois. Les étapes suivantes consistent à progressivement permettre le mouvement du bassin de la femme, puis à pratiquer la pénétration vaginale sur le côté, tout en utilisant autant que nécessaire la technique de pression pénienne. Il est recommandé par les auteurs d’utiliser la pression pénienne pendant 6 à 12 mois, d’avoir des préliminaires avant la pénétration et surtout des rapports sexuels réguliers. Les résultats obtenus sont excellents, mais il n’y a pas de groupe contrôle, pas de mesure objective du temps de pénétration vaginale et un biais dans la sélection des patients. L’inconvénient majeur est le caractère anti-érotique de la pression pénienne et la nécessité de la présence de la partenaire lors des séances thérapeutiques. Le traitementde l’éjaculation rapide selon Kaplan (1974) Le but de cette thérapie est d’augmenter la perception des sensations précédant le réflexe éjaculatoire. L’homme doit se concentrer de façon continue sur ses sensations pré-orgasmiques sans porter attention à sa partenaire (de façon à éliminer l’anxiété de performance). L’élément thérapeutique est la technique du « stop and go » : • la première séance consiste en une stimulation manuelle du pénis par la partenaire qui s’arrête dès que l’homme perçoit les sensations indicatrices de la venue de l’éjaculation. Ces « départs/arrêts » sont renouvelés 3 à 4 fois avant d’autoriser l’éjaculation ; • à la deuxième séance, l’homme guide la main de sa partenaire pour explorer les vitesses, les pressions et les différentes caresses. Les fois suivantes, ils utilisent de la vaseline, toujours avec répétition 3 à 4 fois des « départs/arrêts » ; • après 3 à 10 séances, l’homme sent qu’il a acquis un certain contrôle. Le couple procède alors à la pénétration. C’est la femme qui bouge son bassin, guidé par l’homme qui est couché sur le dos. De la même façon, toute stimulation est arrêtée dès que l’homme sent l’imminence éjaculatoire. Au fur et à mesure, quand un certain contrôle est acquis, le couple passe à la position sur le côté puis en position du missionnaire. Avec cette technique, Kaplan rapporte de très bons résultats, mais il n’y a pas de mesure objective du temps de pénétration, ni de groupe contrôle. La technique sexo-corporelle Le but de cette technique (Crépault et Desjardins, 1978) est d’amener l’homme à conscientiser son excitation sexuelle et à la moduler. Pour débuter, l’homme doit explorer son excitation sexuelle au moyen de la masturbation, de façon à identifier les phénomènes précédant l’imminence de l’éjaculation. Il doit également explorer sa capacité à moduler la tension sexuelle et utiliser des fantasmes de type coïtal. Ensuite, en couple, l’homme est encouragé à se laisser aller à recevoir des caresses lentes, autant globales que génitales et prendre conscience de sa tension sexuelle. Enfin, lors de rapports sexuels, l’homme apprend à diffuser sa tension sexuelle des organes génitaux à tout le corps. Toutes ces étapes se font en apprenant à utiliser les lois du corps que sont les rythmes, l’espace (avec la bascule du bassin), les tensions musculaires et la respiration. Cette technique provient davantage d’explorations cliniques et de réflexion, que de recherches expérimentales. Une place importante est consacrée au développement, par l’homme, d’habiletés reliées à l’acquisition du contrôle éjaculatoire. Il existe une étude visant à comparer l’approche comportementale de type Masters et Johnson et l’approche sexo-corporelle : 36 couples ont participé à l’étude, répartis aléatoirement en 2 groupes et un groupe contrôle (De Carufel, Thèse Québec, 1996). Les résultats sont identiques pour la perception de la latence éjaculatoire et pour la satisfaction sexuelle qui est améliorée significativement dans les 2 groupes en post-traitement et à la relance. Il en est de même pour la satisfaction liée aux interactions sexuelles. En conclusion Les stratégies visant à diminuer la sensibilité aux stimuli érotiques sont inefficaces. Les seuls traitements provoquant une modification importante de la réponse sexuelle sont ceux comportant la technique du « stop and go » et la pression pénienne. Leur efficacité tient au fait qu’ils favorisent l’apprentissage de la discrimination du point d’imminence éjaculatoire. Mais ces traitements souffrent de lacunes sur le plan érotologique en raison du caractère mécanique des techniques de contrôle utilisées. Ils laissent peu de place au plaisir et à l’érotisme et impliquent un arrêt du déroulement normal des activités sexuelles. L’approche sexo-corporelle tente de pallier cette difficulté, tout en montrant un niveau d’efficacité comparable à celui des stratégies comportementales.
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