Publié le 06 avr 2009Lecture 4 min
Amour, désir, besoin
P. BRENOT, Université Paris 5
Ces trois termes sont régulièrement sources de malentendus entre homme et femme, dans un couple à propos de la sexualité. Si l’amour semble une notion plus partagée et dont le sens est proche pour les hommes et les femmes, désir ou besoin sont souvent le lieu d’affrontements sémantiques !
Nous (hommes ou femmes) n’avons pas la même représentation de ce qu’est le désir sexuel et de ce que serait un besoin sexuel. Première différence : si le mot « désir » est un référent féminin, ce ne sont quasiment que des hommes qui parlent de besoin. Et même lorsque nous parlons de désir, le terme ne signifie pas réellement la même chose pour un homme et pour une femme. Désir ou besoin ? Il est tout d’abord important de préciser la réalité du vécu masculin de la sexualité. Les hommes, surtout au début de leur sexualité, sont dominés par un réflexe érectile très puissant qui se déclenche sous de nombreuses stimulations (visuelles, tactiles, idéiques, fantasmatiques). Ce réflexe est immédiat, pouvant provoquer une érection totale et puissante en quelques secondes, érection réflexe qui survient bien avant que le désir n’ait le temps de s’installer. Dans la mesure où cette érection se produit dans l’intimité avec l’être aimé, elle est interprétée comme l’expression du désir, mais il est bien évident qu’un homme « bande » avant de désirer et que cette érection peut être déclenchée par toute stimulation venant même d’un objet (personne, image, idée, fantasme) non aimé. Pour sa partenaire, chez qui le désir est une réalité subtile, acquise et capricieuse, l’érection est alors comprise comme une marque du désir et un signe de l’amour. C’est ici une seconde source de malentendus car, au milieu de la vie ou dans les moments de grande émotion, lorsque cette érection fait défaut, elle est aussi interprétée comme une défaillance du désir et donc de l’amour : « Il ne bande plus, donc il ne me désire plus et il ne m’aime plus ! ». Troisième malentendu : le besoin sexuel, fréquente plainte masculine trop souvent relayée par une partenaire culpabilisée : « Je n’ai pas assez de désir pour lui, car il a beaucoup de besoins ! » Or, j’ose affirmer que le besoin sexuel n’existe pas, du moins comme il est ici formulé, c’est-à-dire comme étant une impérieuse nécessité du rapport sexuel. Il est important de rassurer ces femmes, mais aussi de le préciser à leur compagnon : il ne s’agit en rien d’un besoin comme nous avons des besoins alimentaires ou d’élimination… Si un homme ne fait pas l’amour pendant un mois, un an, dix ans…, il ne lui arrive aucune maladie, il est seulement — pour certains — frustré dans son habitude sexuelle, cette habitude d’éjaculer régulièrement ! Tous les mâles de l’espèce humaine feraient l’amour tous les jours de leur vie. Ils se régulent ensuite en fonction de la vie sociale et du respect de la partenaire. Mais il est important que les hommes apprennent à désirer car sinon, au milieu de la vie, lorsque le réflexe érectile faiblit, ils peuvent alors présenter un trouble érectile dans la mesure où ils n’ont pas développé la capacité de déclencher l’érection par le désir. Cette différence fondamentale entre l’émotion réflexe masculine et le désir féminin, qui est, toutes les femmes le savent, progressivement compris, développé, apprivoisé afin de laisser venir l’excitation, doit ainsi être expliqué à nos patientes pour que les partenaires vivent ensemble un réel désir partagé. Amour Si l’amour semble un terme plus consensuel, il n’est pas, lui non plus, à l’abri des malentendus. Aimer est un sentiment qui se décline en attachement, passion, désir, parfois même tendresse, amitié. Le sentiment d’« être amoureux » n’est alors qu’une part du verbe aimer, très difficilement partagé par les hommes et les femmes. Si les hommes sont le plus souvent très amoureux de la femme avec qui ils font l’amour, les femmes sont plus nuancées et peuvent être très amoureuses, passionnées, moins qu’elle ne l’ont été, plus distantes, aimant profondément mais sans passion… Les hommes, eux, sont en général plus binaires, ils aiment ou n’aiment pas, avec la dimension désirante qui accompagne nécessairement leur amour.
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