Publié le 01 oct 2013Lecture 8 min
Images subtiles en mammographie
B. BOYER(1,2), C. BALLEYGUIER(2), O. GRANAT(1), C. PHARABOZ(1)
1. Cabinet de radiologie, Paris
2. Institut Gustave-Roussy, service de radiodiagnostic, Villejuif
Une bonne moitié des cancers se présentent en mammographie sous forme non typique : ce sont les images subtiles ou les images pièges.
Les images subtiles sont représentées ici par les anomalies architecturales et les asymétries de densité. Elles exposent au risque d’erreur de détection : l’anomalie est présente, mais n’est pas détectée par le lecteur. Les images pièges seront abordées dans un prochain numéro.
Figure 1. Anomalie architecturale par convergence.Altération de l’harmonie des fibres conjonctives sans masse centrale, bien visible sur l’incidence oblique (a), plus difficilement sur l’incidence de face (b), confirmée par l’incidence en compression localisée (c) : carcinome lobulaire infiltrant.
Figure 2. Anomalie architecturale par rétraction focalisée.
Rétraction focalisée du bord profond de la glande sur l’incidence oblique (a) et convergence des fibres sur l’incidence de face (b). Confirmation sur l’incidence avec compression localisée (c). L’échographie ne retrouvera pas d’anomalie et la preuve histologique sera obtenue par biopsie chirurgicale : carcinome canalaire infiltrant.
Figure Figure 3. Seule l’analyse minutieuse des bords superficiels de glande permet de détecter une rupture de continuité à droite (flèche) (rétraction focalisée), alors que le bord glandulaire à gauche est harmonieux (flèche). L’anomalie architecturale droite est confirmée par l’incidence en compression localisée : carcinome lobulaire infiltrant.
Figure 4. Anomalie architecturale (convergence).
Anomalie architecturale détectée par analyse de la graisse sur l’incidence de face (a) sous forme d’une image de convergence sans centre dense, plus difficile à visualiser en oblique (b). Indication d’une incidence localisée qui confirme l’anomalie (c). C’est l’échographie qui permettra la localisation exacte et la vérification biopsique : carcinome canalaire infiltrant de type tubuleux.
Figure 5. Anomalie architecturale en graisse sous-cutanée.
Rétraction focalisée du bord superficiel de la glande en incidence oblique (a) et crânio-caudale (b) dont la détection est facilitée par l’analyse comparative systématique des bords de glande et de la graisse sous-cutanée : carcinome canalaire infiltrant.
Figure 6. Centre d’Aschoff.
Anomalie architecturale sans centre dense à longs spicules courbes d’aspect variable selon l’incidence, sans traduction clinique, en incidence oblique (a), de face (b) et en oblique avec agrandissement (c). L’aspect radiologique est en faveur d’un centre prolifératif d’Aschoff, mais nécessite une vérification biopsique. Histologie : Centre d’Aschoff sans carcinome associé.
Figure 7. Anomalie architecturale de détection difficile.
Suspicion d’anomalie architecturale supérieure droite en incidence oblique non retrouvée de face (a). L’incidence localisée confirme l’anomalie architecturale (b). L’échographie complémentaire ne retrouve pas d’anomalie : indication d’IRM qui retrouve une prise de contraste à contours spiculés en région supéro-interne droite (c). La preuve histologique sera obtenue après repérage sous scanner (d et e) : carcinome lobulaire infiltrant.
Figure 8. Anomalie architecturale sans traduction échographique.
Anomalie architecturale supéro-externe droite par convergence des fibres sans centre dense, retrouvée en oblique (a) et de face (b). Confirmation de l’anomalie sur l’incidence avec compression localisée (c). Bien que l’anomalie n’ait pas de traduction échographique, indication de biopsie après repérage : carcinome lobulaire infiltrant.
Figure 9. Asymétrie de densité.
Asymétrie de densité supéro-interne gauche à bords convexes, non détectée en première lecture (carcinome canalaire infiltrant).
Figure 10. Asymétrie de densité supéro-externe gauche, en oblique (a) et surtout de face (b) confirmée par l’incidence en compression localisée (c) qui révèle une masse à contours spiculés : carcinome canalaire infiltrant.
Figure 11. Asymétrie de densité rétro-aréolaire gauche visible en oblique (a) et de face (b).
Le profil (c) a le double intérêt de bien localiser l’anomalie et de montrer la présence d’une masse à contours spiculés : carcinome canalaire infiltrant.
Figure 12. Asymétrie de densité.
Asymétrie de densité visible en oblique (a) et de face (b). L’incidence localisée (c) confirme la présence d’une anomalie qui sera retrouvée en échographie (d) sous forme d’une masse à contours irréguliers et atténuante, permettant la vérification biopsique : carcinome canalaire infiltrant.
Parmi les cancers du sein détectés en mammographie, un peu plus d’un tiers sont typiques (39 % selon Sickles(1)), se manifestant sous forme de masses à contours spiculés ou de foyers de microcalcifications linéaires) et ne posent pas de problèmes de détection. À l’opposé, d’autres cancers n’ont pas de traduction mammographique et sont dits occultes (7 à 16 % selon les séries(2)).
Distorsions architecturales
Les distorsions architecturales résultent de l’altération de l’harmonie du tissu conjonctif. Elles englobent les images de convergence et les rétractions focalisées. Les images de convergence se traduisent par la présence de spicules convergents mais sans masse centrale.
Elles réalisent une image stellaire sans centre dense, parfois nommée « étoile noire » du fait de l’absence de centre dense (figure 1) par opposition à la classique image stellaire avec centre dense ou masse à contours spicules, dite « étoile blanche ».
Les rétractions focalisées de bord de glande sont difficiles à détecter : elles peuvent intéresser le bord profond (figure 2) ou le bord superficiel de la glande (figure 3).
Fréquence
Elles représentent dans la majorité des séries environ 6 % des anomalies rencontrées dans les campagnes de dépistage(3), dont 10 à 40 % se révèleront être des cancers à la biopsie. La présence de microcalcifications associées augmente la valeur prédictive positive de la biopsie jusqu’à 57 %(3).
Les distorsions architecturales constituent, par ailleurs, le troisième type d’anomalie révélatrice des cancers du sein après les masses et les microcalcifications.
Moyens de détection
Les anomalies architecturales constituent, selon Burell(4), la cause la plus fréquente des cancers d’intervalle. L’analyse minutieuse en miroir, l’inspection des zones graisseuses du sein plutôt que celle des zones fibreuses « regarder dans le noir » (figure 4), ainsi que l’analyse des bords de la glande mammaire à la recherche de signes de convergence (figure 5) facilitent leur détection.
En revanche, les systèmes de détection assistée par ordinateur (CAD) sont peu performants, ne permettant de détecter que la moitié de ces anomalies(5).
Étiologie
Une distorsion architecturale peut correspondre à des lésions bénignes (centre prolifératif d’Aschoff, adénose sclérosante, plus rarement tumeur d’Abrikossof ou fibrome hyalinisé) ou malignes (carcinome in situ ou infiltrant), en sachant qu’il peut y avoir association de lésions bénignes et malignes notamment dans le centre prolifératif d’Aschoff.
Les cancers associés au centre prolifératif d’Aschoff
Certains signes mammographiques orientent vers un centre d’Aschoff (spicules fins et longs, pas de masse palpable et absence de centre dense) (figure 6), mais ces signes ne sont pas suffisamment spécifiques : dans 30 à 60 % des cas, ces images correspondent à un cancer(10). Sur une série de 142 distorsions évocatrices de cicatrice radiaire(6), seulement 66,2 % étaient des cicatrices radiaires alors que 28,6 % étaient des carcinomes et 7 % des maladies fibrokystiques.
De plus, le centre prolifératif d’Aschoff lorsqu’il est diagnostiqué doit faire l’objet d’une exérèse car il peut être associé dans 30 % des cas à un carcinome(6), le plus souvent un carcinome tubuleux.
Les cancers isolés
Une étude de Patterson sur 175 distorsions architecturales révèle 16,9 % de carcinomes in situ et 15,7 % de carcinomes infiltrants(7).
Enfin, la distorsion architecturale est un mode de révélation classique du carcinome lobulaire infiltrant qui se présente sous cette forme dans 16 à 20 % des cas, selon les auteurs(8,9).
Conduite à tenir
La mise en évidence sur une mammographie d’une distorsion architecturale impose de vérifier que l’image n’est pas construite puis, si la distorsion architecturale est confirmée, de proposer une vérification histologique. Il faut déterminer si l’image est construite ou non et on réalisera un cliché en compression localisée (figure 7). Le caractère construit de l’image sera conforté par la normalité de l’examen clinique et de l’échographie.
Lorsque l’image n’est pas construite, elle nécessite une vérification histologique car elle correspond à une étiologie néoplasique dans un nombre trop élevé de cas pour se limiter à une simple surveillance.
Plusieurs moyens sont disponibles :
Échographie
La valeur diagnostique de l’échographie est satisfaisante avec un taux de détection des cancers > 85 %(7) : elle facilitera le geste biopsique par la présence d’une cible plus précise qu’en mammographie, mais sa normalité ne dispense pas de la réalisation d’une vérification histologique(8) (figure 2).
Biopsie stéréotaxique
Elle est difficile à réaliser compte tenu de la variabilité de l’anomalie d’une incidence à l’autre. S’il n’y a pas de cible clairement identifiée, on lui préfèrera la biopsie chirurgicale après repérage mammographique (figure 8).
IRM
Elle peut être proposée dans les cas où les autres examens ne permettent pas un repérage correct de la distorsion : sa bonne valeur prédictive négative permettra l’arrêt des investigations lorsque la distorsion n’est pas retrouvée et qu’il n’y a pas de prise de contraste anormale dans le sein. Lorsque la distorsion est confirmée ou/et qu’il y a une prise de contraste, le repérage de la distorsion pourra se faire sous guidage TDM ou IRM (figure 7).
Asymétries de densité
Elles se définissent par comparaison avec le côté opposé comme une quantité plus grande de tissu mammaire sur une surface significative. On distingue les asymétries globales de densité et les asymétries focales de densité :
les asymétries globales de densité constituent une variante du normal : il conviendra simplement de s’assurer qu’elles ne s’associent pas à une anomalie palpable cliniquement ;
les asymétries focales de densité : visibles sur une ou deux incidences, elles doivent être différenciées des masses.
Les arguments en faveur de la bénignité sont les suivants(10) :
une forme variable dans l’espace selon les incidences,
l’absence de masse centrale,
la présence de graisse,
des bords concaves,
l’absence de microcalcifications ou de distorsion architecturale,
la normalité de l’examen clinique d’autant plus si l’anomalie est de grande taille.
L’absence d’un de ces critères traduit une lésion suspecte (figure 9).
Conduite à tenir
Elle sera guidée par la réalisation d’une incidence localisée (figure 10) ou d’un profil qui aura l’avantage de bien localiser l’anomalie (figure 11) avant la réalisation d’une échographie ciblée qui doit être proposée dès que la sémiologie mammographique est suspecte (figure 12).
Grâce à la valeur prédictive négative proche de 100 % de l’échographie(11), on pourra reclasser l’anomalie ACR 2 en cas de stabilité dans le temps et d’absence de traduction échographique. En l’absence de document antérieur, l’asymétrie sera classée ACR 3 et fera l’objet d’une surveillance. En cas d’anomalie échographique, une biopsie échoguidée sera réalisée.
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