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La France à l'international

Publié le 20 déc 2024Lecture 8 min

LA FRANCE À L’INTERNATIONAL : Les publications des Français dans les revues internationales

Daniel ROTTEN, Paris

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La direction précoce du travail augmente le taux de césariennes   La direction active du travail combine la rupture des membranes et l’administration d’oxytocine. La pratique de la direction précoce du travail a été introduite dans la conduite obstétricale à la fin des années 1960. Dans ce cadre, les gestes sont réalisés de manière précoce et systématique, en dehors de toute anomalie d’avancement du travail. Cette conduite a pour but théorique de raccourcir la durée du travail et d’augmenter le taux d’accouchements par voie vaginale.   Dans les faits, la direction précoce du travail (DPT) réduit effectivement la durée du travail, mais cette réduction se fait aux dépens d’un nombre accru de césariennes. L’hypothèse généralement retenue est que l’on observe une augmentation de la fréquence des anomalies de la contractilité utérine, responsable à son tour d’anomalies du rythme cardiaque fœtal, et, in fine, de l’élévation du taux de césariennes. Les recommandations professionnelles découragent désormais cette pratique, mais on observe qu’elle reste répandue. Dans leur travail, Anne Girault et coll. ont évalué la fréquence actuelle de la mise en œuvre de la DPT dans les maternités françaises. Les objectifs que les auteurs se sont fixés sont également de mesurer l’excès de taux de césariennes et les éventuelles complications maternelles et fœtales que la DPT induit.   Méthodes   Les auteurs ont mis à profit les données recueillies dans la dernière enquête nationale périnatale française. Cette enquête analyse de manière détaillée tous les accouchements ayant eu lieu en établissement en France pendant une semaine. La dernière a eu lieu en mars 2016. Dans le travail actuel, seuls les dossiers concernant des grossesses avec fœtus singletons en présentation céphalique et nés vivants ont été retenus (n = w). Pour l’analyse, la DPT est définie comme une rupture des membranes pratiquée moins de 1 heure après l’admission en salle de travail, ou l’instauration d’une perfusion d’oxytocine moins de 1 heure également après l’admission en salle de travail, ou encore un délai entre rupture des membranes et instauration de la perfusion d’oxytocine de moins de 1 heure (n = 1 524). Dans les autres cas, il y a soit direction active standard du travail (n = 3 225) soit absence totale de direction du travail (n = 2 447). La figure résume les différentes situations relevées. Les comparaisons entre les paramètres mesurés lorsqu’une DPT a été utilisée et les autres femmes sont faites par une régression logistique multivariée. Les résultats exprimés sous forme d’odds ratio ajustés (aOR) pour les covariables habituelles (± intervalle de confiance à 95 %). Deux types de calculs statistiques ont également été réalisés pour tenir compte des risques de biais auxquels s’exposent les études rétrospectives. Un score de propension a été utilisé pour tenir compte du biais de choix de mode de gestion de l’accouchement par le praticien responsable (choix ou non d’utiliser une DPT). Une analyse de sensibilité a été utilisée pour tenir compte du fait que les femmes chez lesquelles on utilise une direction active standard du travail ont un risque plus élevé de césarienne. Figure. Répartition des femmes selon les modalités de direction du travail.   Résultats   Constatation préalable : le taux de DPT reste élevé malgré les recommandations professionnelles contraires, puisqu’il est de plus de 20 % (figure). Deuxième observation : le taux d’accouchements par césarienne est plus élevé en cas d’utilisation d’une DPT. Il est de 8,40 % contre 6,15 % (p < 0,01). L’odds ratio ajusté correspondant est de 1,45 (IC 95 % = 1,15‐1,82). Les césariennes sont réalisées de façon plus précoce dans le groupe DPT. Le délai médian (± SD) entre admission en salle de travail et réalisation de la césarienne est de 5,9 ± 4,2 heures dans le groupe DPT contre 7,2 ± 4,9 heures en l’absence de DPT (p < 0,01). Pour l’analyse, les indications de césariennes sont réparties en quatre groupes : anomalie du rythme cardiaque fœtal, absence de progression du travail, cause mixte, indications diverses. Il n’y a pas de différence dans la répartition selon qu’une DPT a été mise en œuvre ou non. Le taux de complications maternelles ou fœtales sévères analysées ne diffère pas selon qu’une DPT ait été instaurée ou non (tableau).   Mais il faut souligner que l’étude manque de puissance statistique pour l’analyse de ces complications étant donné leur rareté.   En résumé   Bien que non recommandée, la DPT reste encore fréquemment utilisée en pratique obstétricale. On n’observe pas d’augmentation des complications maternelles ou néonatales sévères. Cependant la DPT est associée à une augmentation de fréquence des accouchements par césarienne. Girault A, Blondel B, Fraser W et al. Maternal and neonatal consequences of early augmentation of labor among women with spontaneous onset of labor : a national population‐based study. Birth 2024 Sep 30 ; doi : 10.1111/birt.12883. (Online ahead of print).   Accouchement en maison de naissance ou en unité obstétricale hospitalière   Il existe en France huit maisons de naissance. Elles prennent en charge des femmes sans pathologie médicale connue, et présentant des grossesses à bas risque en début de travail. Elles sont réglementairement adossées à un service hospitalier, et assurent chacune environ 600 naissances par an.   L'étude de Clara Rollet et coll. compare les morbidités maternelles et néonatales sévères ainsi que la voie d’accouchement, observées selon que les femmes ont fait le choix d’accoucher dans une « maison de naissance gérée par des sages‐femmes » (MNSF) ou dans une unité obstétricale hospitalière (UOH). À noter qu’il s’agit du choix initial, en début de travail, et non du lieu final d’accouchement (ce qui rend l’analyse comparable du point de vue méthodologique à une étude en intention de traiter).   Méthodes   Les critères de sélection des femmes pour inclure leurs dossiers dans l’étude sont présentés dans l’encadré. Les critères de bas risque adoptés suivent les définitions du National Institute for Health and Care (NICE) britannique (encadré).   Les données concernant le groupe MNSF sont extraites de la base maintenue par l’AUDIPOG, qui est exhaustive pour ces grossesses. Elles concernent les années 2009‐2019. Les dossiers de 1 294 femmes sont retenus. Les données du groupe UOH sont extraites de l’enquête nationale périnatale conduite en France en 2016 (toutes les naissances survenues en France dans 501 UOH, pendant une semaine en 2016). Un soin parti‐ culier a été apporté à la sélection d’une population témoin la mieux appariée possible. Les dossiers concernent 5 985 femmes. Pour analyser la morbidité, une dizaine de critères maternels ou néonatals ont été sélectionnés par les auteurs. Ils sont analysés, soit séparément, soit sous forme de scores composites en raison de la rareté de leur survenue dans un groupe à bas risque. Les paramètres retenus sont présentés dans l’encadré.   Morbidité sévère   Les chiffres bruts montrent que le score composite associant morbidités maternelle et néonatale sévères est plus élevé pour le groupe MNSF comparé au groupe UOH, avec des pourcentages respectifs de 4,6 % et 3,4 % (p = 0,04). Mais l’analyse multivariée, après ajustement pour différentes covariables (âge, parité, indice de masse corporelle avant la grossesse…), montre que la différence n’est pas significative, avec un odds ratio dont l’intervalle de confiance à 95 % ne diffère pas de 1 (ORa = 1,37 ; IC 95 % = 0,92‐2,05) (figure 1). Concernant la morbidité néonatale sévère, il n’y a pas de différence entre MNSF et UOH, que soit au niveau des chiffres bruts (1,7 % vs 1,6 %) ou après ajustement (figure 1). En revanche, il existe une différence pour la morbidité maternelle sévère lorsqu’on considère celle‐ci isolément. Les pourcentages respectifs d’incidence des éléments constitutifs du score composite de morbidité maternelle sévère sont de 3,0 % dans le groupe MNSF vs 1,9 % dans le groupe UOH (p = 0,01). La différence reste significative en analyse multivariée avec un odds ratio ajusté de 1,61 (IC 95 % = 1,09‐2,39) (figure 1). Cette différence provient essentiellement d’une différence d’incidence des hémorragies sévères du post‐partum, dont l’incidence est de 2,4 % versus 1,1 % (p = 0,001), avec un odds ratio ajusté de 2,37 (IC 95 % = 1,29‐ 4,36) (figure 1). Le taux d’administration prophylactique d’oxytocine dans le cordon à la naissance est de 28 % dans le groupe MNSF contre 80 % dans le groupe UOH. Le calcul permet de montrer que cette différence de fréquence d’utilisation de l’oxytocine entre les deux groupes est responsable pour 39 % de la différence d’incidence des hémorragies sévères du post‐partum. Figure 1. Morbidités maternelle et néonatale selon la structure d’accouchement. La figure présente les odds ratios ajustés (± intervalle de confiance à 95 %). La ligne pointillée représente la référence.   Mode de naissance   Le taux d’accouchements par voie basse spontanée est plus élevé dans le groupe MNSF comparé au groupe UOH (89,3 % vs 81,1 %, p < 0,001). Les taux d’accouchements par voie basse instrumentale (6,6 % vs 13,2 %, p < 0,001) comme ceux de césariennes (2,6 % vs 5,7 %, p < 0,001) sont à l’inverse plus bas dans le groupe MNSF (figure 2). Près de 80 % des femmes ayant choisi d’accoucher dans une MNSF accoucheront dans cette structure. Un transfert vers une UOH sera nécessaire pour 20,4 % d’entre elles. Figure 2. Voie d’accouchement selon la structure d’accouchement. Même légende que la figure 1.   En résumé   Cette étude compare le déroulement de l’accouchement chez 1 294 femmes à bas risque obstétrical qui ont choisi en début de travail d’accoucher dans une MNSF et 5 985 femmes qui ont choisi d’accoucher en UOH. Elle permet de faire plusieurs constatations et laisse entrevoir des pistes d’amélioration de la prise en charge obstétricale. Remarque préliminaire : globalement, il n’existe pas de différence d’incidence de la morbidité sévère totale entre les deux structures analysées ; mais on observe que le taux de survenue des accidents chez des femmes présentant pourtant un risque obstétrical faible lors de leur entrée en travail est proche de 4 %. On observe un excès d’hémorragies sévères du post‐partum en cas d’accouchement en MNSF. Inversement, dans ces structures, le taux d’accouchements spontanés est plus élevé. L’ensemble de ces constatations fait réfléchir à l’intérêt d’une convergence de pratiques. Toutefois on n’observe pas de différence d’incidence de la morbidité néonatale sévère entre les deux types de lieux d’accouchement.   Rollet C, Le Ray C, Vendittelli F et al. Severe adverse maternal and neonatal outcomes according to the planned birth setting being midwife‐led birth centers or obstetric‐led units. Acta Obstet Gynecol Scand 2024 ; 103(12) : 2465‐74.

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