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Grossesse

Publié le 24 déc 2024Lecture 5 min

Gare aux apnées du sommeil chez la femme enceinte

Denise CARO, d’après la communication du Dr Gérard Peiffer (CHR de Metz‐Thionville)

La grossesse favorise les troubles respiratoires du sommeil, avec des répercussions négatives de ces hypoxémies répétées pour la mère et pour l’enfant. Certaines femmes sont plus à risque que d’autres et doivent bénéficier d’un dépistage, d’un diagnostic et d’une prise en charge adaptée.

Les troubles respiratoires du sommeil correspondent à des épisodes récurrents d’obstruction des voies aériennes supérieures (VAS). Le ronflement est le fait de vibrations des VAS légèrement rétrécies. L’apnée est définie par une pause respiratoire complète qui dure de 10 à 30 secondes, voire plus (jusqu’à 50 secondes) ; l’hypopnée correspond à une obstruction incomplète avec un débit d’air réduit d’au moins 50 %. Ces épisodes répétés caractérisent le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS). Le sommeil est alors de mauvaise qualité, avec des ronflements sévères, des pauses respiratoires, des micro‐réveils et une nycturie fréquente. Le trouble respiratoire entraîne également des répercussions durant la journée, avec une céphalée frontale matinale, une somnolence, une asthénie et des difficultés à se concentrer. Le SAHOS concerne environ 9 % des femmes entre 30 et 49 ans(1).   Les facteurs favorisants   Durant la grossesse plusieurs facteurs favorisent l’apparition ou la majoration d’un SAHOS. En effet, la gestation s’accompagne d’une baisse de la contractilité des muscles pharyngés, d’un œdème nocturne des VAS, d’une traction trachéale réduite, de modifications hormonales (ocytocine) et de contraintes mécaniques au niveau pulmonaire. La prévalence du SAHOS chez la femme enceinte est estimée à 15 % ; elle augmente au fur et à mesure des trimestres(1). Or, la répétition d’hypoxémies est responsable d’une augmentation des marqueurs de l’inflammation, d’un stress oxydatif majoré, d’une activation du système sympathique et d’une résistance à l’insuline ; autant de facteurs qui ont des répercussions négatives sur le déroulement de la grossesse et sur la santé de l’enfant(2,3).   Les complications gravidiques   Une étude américaine portant sur 3 700 femmes enceintes nullipares ayant bénéficié d’une polysomnographie à la 12e et à la 28e semaine de grossesse a montré une augmentation du risque de prééclampsie (OR : 1,95), d’HTA gravidique (OR : 1,73) et de diabète (OR : 2,79), cela même pour les SAHOS peu sévères (avec un indice apnée hypopnée de 5 à 15)(4). Une métaanalyse regroupant 33 études confirme l’augmentation des ces complications gravidique (prééclampsie [OR : 2,3], HTA gravidique [OR : 1,97], diabète gestationnel [OR : 1,5]). Un âge maternel supérieur à 35 ans, un IMC élevé avant grossesse, une prise de poids importante pendant la gestation, une circonférence du cou élevée et des antécédents d’HTA sont des facteurs de risque de développer un SAHOS durant la grossesse(1). Celui‐ci expose également l’enfant à un risque de complications : naissance prématurée (OR : 1,62), admission en unité de soins intensifs néonataux (OR : 1,28) et élévation du risque d’obésité au début de la vie(5). Enfin, le trouble obstructif du sommeil peut ou non persister après la grossesse. Il convient donc de refaire une polygraphie à distance de l’accouchement pour confirmer ou infirmer la disparition du trouble respiratoire nocturne. « Certaines femmes avaient sans le savoir un SAHOS avant d’être enceintes ; l’aggravation du trouble respiratoire durant la gestation aura permis son diagnostic », a noté le Dr Gérard Peiffer (CHR de Metz‐Thionville).   Les mesures à prendre   Le dépistage du SAHOS chez la femme enceinte repose sur l’interrogatoire à la recherche de symptômes évocateurs (nocturnes et diurnes). En cas de suspicion, et chez les femmes à haut risque de SAHOS, une poly‐somnographie doit être réalisée pour confirmer le diagnostic et évaluer la sévérité du trouble. Dans tous les cas, des mesures générales s’imposent : surveillance étroite de la pression artérielle et de la glycémie, contrôle de la prise de poids, arrêt du tabac et de l’alcool, éviction des médicaments dépresseurs respiratoires (benzodiazépines). En cas de ronflements ou d’apnées, il semble préférable de dormir en décubitus latéral gauche avec le haut du corps légèrement surélevé. Selon une étude, les femmes en fin de grossesse dormant dans cette position auraient un risque diminué de mort in utero de leur bébé(6).   L’intérêt de la PPC   Reste à déterminer quelle est la place du traitement par pression positive continue (PPC), en plus des mesures générales déjà évoquées. Une étude comparant la PPC aux soins courants chez des femmes enceintes avec un indice apnée hypopnée (IHA) > 5 et un diabète n’a pas retrouvé de supériorité de la PPC au niveau des glycémies mais a montré un certain bénéfice du traitement sur la prématurité, le risque de césarienne et les admissions des nouveau‐nés en soins intensifs. À noter que l’observance de la PPC était médiocre dans cette étude(7). Une autre publication portant sur les patientes avec un IAH relativement faible mais un IMC supérieur à 30kg/m2 a également mis en évidence une mauvaise observance du traitement et un impact réduit sur les glycémies(4). Enfin, un essai chez des femmes enceintes avec un SAHOS, une HTA, une obésité, des antécédents de prééclampsie, de diabète ou diabète gestationnel a montré un bénéfice de la PPC (en dépit, encore une fois, d’une observance médiocre) sur la PAD (‐2,2 mmHg, p = 0,014) et le taux de prééclampsie (13,1 % vs 22,3 %)(8).   Les recommandations américaines   En 2023, des recommandations américaines ont été publiées. Elles indiquent qu’il faut dépister le SAHOS gestationnel en cas de IMC > 30, de diabète et d’HTA, en interrogeant les femmes sur la présence de ronflements nocturnes, de somnolence diurne, de pauses respiratoires (signalées par l’entourage) et d’un âge supérieur à 35 ans. En cas de suspicion de SAHOS à l’interrogatoire, une polygraphie ventilatoire ambulatoire doit être réalisée. Ce dépistage doit être fait au 1er trimestre de la grossesse et renouvelé ensuite. Les recommandations américaines estiment qu’il faut traiter par PPC autopilotée (la pression s’adapte en fonction de l’importance du blocage), même si les preuves de son bénéfice sont limitées, en s’efforçant toutefois de ne pas ajouter de stress(9). Enfin, une publication récente passe en revue le point de vue des obstétriciens sur la prise en charge du SAHOS chez les femmes enceinte, base qui pourrait servir à l’élaboration de recommandations futures(10). D’après la communication du Dr Gérard Peiffer (CHR de Metz‐Thionville), « Apnées du sommeil chez la femme enceinte », Infogyn 2024.

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