Publié le 30 nov 2024Lecture 11 min
Le transfert embryonnaire en AMP en 2024
Lionel LARUE, Centre de fertilité du Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint‐Simon, Paris
La réussite de la fécondation in vitro (FIV) dépend de trois principaux facteurs : la qualité de l’embryon, la réceptivité de l’endomètre, la qualité du transfert(1). Trente pour cent des échecs de FIV peuvent être attribués à cette dernière(24). Les transferts difficiles sont responsables d’une baisse des résultats(57). Une attention particulière à cette étape finale de l’assistance médicale à la procréation (AMP) est donc souhaitable.
Revue de la littérature : les facteurs influençant le succès du transfert d’embryon
• Guidage par échographie
Le guidage par échographie permet le placement précis de l’embryon dans la cavité et la visualisation du transfert par les patients et l’opérateur, ce qui peut réduire le niveau d’anxiété(8,9). Il nécessite une main‐d’œuvre supplémentaire, allonge la durée du transfert et peut entraîner un inconfort du fait de la vessie pleine(10). Certaines études ont montré que le transfert d’embryon guidé par ultrasons n’a pas d’avantage pour des opérateurs expérimentés, mais que l’échoguidage peut être intéressant pour l’apprentissage(11,12). Plusieurs métaanalyses montrent que la mise en place d’embryon guidée par ultrasons améliore le taux de grossesse(13,14). Le bénéfice du guidage par échographie transvaginale (figure 1) apparaît dans certaines études(15,16) et pas dans d’autres(17) (la différence de qualité d’image se voit sur les figures 2 et 3).
Figure 1. Transfert sous écho graphie vaginale. Suivi du trajet du KT et du dépôt embryonnaire.
Figure 2. Écho abdominale. Vision correcte de la muqueuse, col souvent invisible, définition limitée de l’image, vessie pleine nécessaire.
Figure 3. Échographie endovaginale. Très bonne qualité d’image, y compris de tout le défilé cervical liée à la distance sonde/cible et à la fréquence de la sonde.
L’échographie vaginale est performante en cas de transfert difficile(18,19), en cas de mauvaise visualisation de l’endomètre et chez les femmes obèses(20). L’échographie abdominale 3D ne semble pas augmenter le taux de grossesse(21).
• Type de cathéter de transfert
Il existe deux catégories de cathéters (KT) :
– les KT droits ou coudés, en plastique rigide, qui sont simples à utiliser et peu coûteux mais qui peuvent causer un rainurage de la muqueuse lorsqu’ils progressent dans la cavité utérine, avec des risques de traumatisme de l’endomètre (figure 4) et de libération de molécules stimulant les contractions utérines.
– les KT « soft », composés d’une gaine destinée à passer le défilé cervical sans franchir l’orifice interne du col. Une fois en place, un cathéter ultra souple chargé de l’embryon peut progresser de façon atraumatique dans la cavité utérine jusqu’au point de dépôt. L’absence d’endommagement de l’endomètre se traduit par un risque moindre de colmatage de l’extrémité du cathéter par du sang, du mucus ou de la matière endométriale et moins de risques de contractions. L’échoguidage peut être amélioré par des KT échogènes(22,23). L’utilisation des KT soft nécessite un apprentissage, et leur coût est plus élevé.
Figure 4. Traumatisme muqueux vu en hystéroscopie.
• Compétence du transféreur
Antonio Angelini et coll. ont rapporté une variation significative du taux de grossesse clinique entre deux opérateurs (36,1 % vs 20,6 % [p ≤ 0,01]), toutes les autres conditions étant comparables(24). Selon le consensus de Maribor, pour la formation, le nombre de procédures à suivre est estimé à 75(25) et un suivi de compétences est souhaitable.
• Dépôt de l’embryon dans la cavité utérine
Le cathéter ne doit pas traumatiser l’endomètre ni provoquer de contractions. Le placement des embryons doit se faire au niveau du tiers médian ou supérieur de la cavité utérine et à 1 cm maximum du fond utérin(26‐29). Une fois le transfert terminé, l’embryologiste doit vérifier le cathéter pour détecter d’éventuels embryons retenus. En cas de rétention, l’embryon doit être réinjecté immédiatement, ce qui n’altère pas le résultat final(30).
• Temps entre chargement du cathéter et transfert
Les transferts faciles sont associés à des taux de grossesse plus élevés que ceux des transferts difficiles(7,18,31). Les résultats baissent lorsque le temps entre le chargement du cathéter et le transfert augmente(32,33). C’est la difficulté de transfert qui affecte négativement le taux de grossesse et non la durée du transfert(34), sous réserve que le temps entre le chargement du cathéter et le dépôt soit court (< 44 s pour Abdelmassih et coll.(35)).
• Intervalle de temps entre le dépôt et le retrait du cathéter
Il n’y a pas de différence entre un retrait immédiat et une attente jusqu’à 60 s(36,37).
• Test d’essai de transfert
Le test de transfert peut être réalisé au cours du cycle qui précède le cycle de fécondation in vitro(38) au moment du prélèvement des ovocytes(39) ou juste avant le transfert(40). Il permet une analyse de la position utérine et la facilité du transfert(41,42). Il convient de noter qu’un utérus rétroversé peut changer de position, ce qui remet en question l’intérêt du test de transfert(43). Il a été démontré qu’il n’augmente pas la fréquence des contractions utérines(44). Ce test paraît moins utile depuis la possibilité de faire des échosonographies qui permettent d’étudier la morphologie cervico‐utérine et de prévoir un modelage du cathéter(45). L’hystéroscopie systématique pour toutes les femmes ou celles ayant eu au moins deux tentatives de FIV infructueuses ne montre pas de bénéfice(46).
• Remplissage de la vessie
La vessie pleine redresse l’angle cervico‐utérin, ce qui facilite le passage du cathéter dans la cavité utérine(47,48) et permet la visibilité en échographie abdominale. La distension de la vessie peut créer un certain niveau d’inconfort pour la patiente, et la visualisation peut être difficile en cas d’utérus rétroversé. Filomenamila Lorusso et coll. ont conclu que la distension de la vessie n’altère pas le résultat de la FIV(49). Un bénéfice est noté dans certaines études(50), non confirmé dans d’autres(48‐51). Ce remplissage vésical est inutile sous échographie vaginale(17).
• Rinçage du col et ablation de la glaire cervicale
La présence de glaire cervicale peut obstruer l’extrémité du cathéter, retirer l’embryon du site de dépôt, contaminer la cavité utérine avec des microbes cervicaux (figure 5). À l’inverse, l’ablation de la glaire cervicale peut provoquer des saignements et stimuler les contractions utérines. La majorité des études est en faveur de l’élimination de la glaire cervicale avant le transfert, ce qui est associé à un taux de réussite plus élevé(52,53).
Figure 5. Rinçage du col par flush de sérum physiologique (A) puis mouchage doux du col par une compresse (B).
• Réalisation du transfert
Le praticien doit faire passer le cathéter le plus facilement possible selon une trajectoire axiale sans le plier ni irriter le col ou l’endomètre (figure 6). Les flexions, les tentatives répétées de passage ou les difficultés à progresser dans la cavité utérine peuvent entraîner une irritation du myomètre, créant des micro‐contractions(54). La qualité de l’échographie combinée à une technique tactile douce peut faire la différence et améliorer le taux de grossesse. La pression sur le col peut être réalisée par effet mécanique en dévissant le spéculum pour appliquer une légère pression pendant le transfert d’embryon(55,56). L’étude de Caanen et coll n’a pas montré d’efficacité supérieure pour le transfert régulé par pompe(57). Trente pour cent des transferts présentent des difficultés avec un cathéter droit, 10 % avec un cathéter préformé coudé ou courbé ; 2 à 5 % des transferts sont vraiment difficiles. Dans ces cas, il est nécessaire de pouvoir modeler la gaine avec un mandrin suffisamment rigide pour garder la forme en mémoire, mais assez souple pour se déformer lors du retrait sans entrainer la gaine(18).
Figure 6. Mise en place de la gaine sous contrôle visuel (A) puis du cathéter chargé de l’embryon sous échographie vaginale (B).
• Alitement après le transfert d’embryons
Une revue Cochrane conclue à l’inutilité de l’alitement après le transfert d’embryons(58).
• Utilisation de la colle embryonnaire
Des taux plus élevés de grossesse et de naissances vivantes en cas d’utilisation de la colle embryonnaire ont été observés dans certaines études(59) mais non confirmés dans d’autres(60).
• Autres facteurs
Le comité de pratique de l’ASRM 2017 ne recommande pas, faute de preuves suffisantes, les pratiques suivantes(30) :
– l’acupuncture, la stimulation électrique transcutanée des points d’acupuncture (TEAS), la massothérapie, l’utilisation d’analgésiques, d’antibiotiques ou la médecine chinoise ;
– Les utilisations de l’atosiban, du G‐CSF et de l’hCG ont montré une tendance à l’augmentation du taux de grossesse clinique, mais des essais plus vastes sont nécessaires avant d’adopter ces interventions dans la pratique clinique ;
– l’hCG ajoutée dans le milieu de culture ou en injection intra‐utérine (500 UI en moyenne) montre dans la plupart des études une augmentation des grossesses cliniques et des naissances ;
– les corticostéroïdes, les anti‐inflammatoires non stéroïdiens, les antibiotiques, la nifédipine, l’ajout de liquide séminal, la perfusion de plasma, l’injection de caproate de 17‐hydroxyprogestérone, la relaxine porcine, le trinitrate de glycéryle, qui n’ont pas montré de bénéfice significatif de résultats ;
– l’écoute de musique pendant le transfert, l’utilisation de la pleine conscience, la massothérapie, l’hypnose, qui n’entraînent pas non plus d’augmentation des résultats(61).
• Salle de transfert
Le transfert devrait être réalisé dans une pièce proche du laboratoire afin de minimiser l’exposition des embryons aux chutes de température et de variations de pH. Si le laboratoire est éloigné de la salle de transfert, des dispositions doivent être prises pour maintenir la température et le pH pendant le transport des embryons(62). La température recommandée de la salle de transfert est de 22 à 23 °C(63).
• Préparation du cathéter
Deux principales méthodes de chargement du cathéter ont été décrites : la méthode air‐fluide (air‐embryon‐air ou milieu‐air‐embryon‐air‐milieu) (schémas A et B) et la méthode fluide uniquement (schéma C).
Schémas A, B, C. Méthodes de rechargement du cathéter.
Une revue systématique et une métaanalyse ne montrent pas de différence en termes de résultats de ces deux méthodes. L’utilisation d’un volume faible de milieu (10 à 30 µl) est recommandée. Un volume important (> 60 µl) peut augmenter le risque de grossesse extra‐utérine, un petit volume (< 10 µl) ainsi que des bulles d’air semblent avoir un effet négatif sur les taux d’implantation et de grossesse. Cependant, certaines études n’ont trouvé aucune différence en termes de résultats cliniques entre un volume de transfert faible (15 à 25 µl) et un volume de transfert élevé (35 à 45 µl). Le chargement du cathéter directement à partir de la micro-goutte de culture sous l’huile par rapport au chargement à partir de la boîte de transfert sans couche d’huile conduit à des taux de grossesse similaires(64).
En conclusion
Le transfert d’embryon est essentiel en FIV. Les interventions soutenues par la littérature pour améliorer les taux de grossesse sont(30) :
– le guidage échographique du transfert ;
– l’utilisation de KT soft de transfert ;
– l’ablation de la glaire cervicale ;
– le placement de l’embryon dans la zone centrale supérieure ou moyenne de la cavité utérine ;
– la déambulation immédiate après la fin de la procédure de transfert d’embryon.
Plusieurs agents pharmacologiques semblent faciliter l’implantation d’embryons et augmenter la grossesse clinique, notamment l’acide hyaluronique, le G‐CSF, l’atosiban et l’hCG. Les autres interventions sont inefficaces ou nécessiteraient des recherches supplémentaires.
Recherches et expérience du centre de fertilité du groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint-Simon
Le transfert embryonnaire peut se décomposer en deux temps distincts : le franchissement du col et le dépôt des embryons en bonne place.
• Le franchissement du col(15)
Cette étape est plus ou moins facile mais n’a pas de conséquences sur les résultats si les embryons ne sont pas chargés dans le cathéter (schéma D).
Schéma D. Franchissement du col.
• Le dépôt des embryons en bonne place(15)
Le dépôt embryonnaire doit être doux, atraumatique et précis. La qualité de sa réalisation influence directement les résultats (Schéma E et figure 7).
Schéma E. Dépôt des embryons.
Figure 7. Exemples de lieux inappropriés de dépôt embryonnaire.
• Le type de cathéter de transfert
L’expérience du centre de fertilité Diaconesses Croix Saint‐Simon est en accord avec les données de la littérature :
– cathéter classique 338 G/906 T = 37,3 % ;
– cathéter soft 592 G/1318 T = 44,9 %.
Une augmentation des grossesses de 7,6 % est obtenue avec les KT soft (p = 0,0003)
• La compétence du transféreur
Une différence significative est à noter entre les quatre meilleurs transféreurs (bleu) et les cinq autres (rouge) (graphique 1). Un gain de 7 à 15 % de grossesse est possible en réduisant l’écart entre les transféreurs.
Graphique 1. Grossesses/transferts TEC 20142018 selon les transféreurs (expérience du groupe des Diaconesses).
• Le transfert simple
Il l’est de manière prioritaire en cas d’anatomie normale en présence d’un utérus anté (figure 8A) ou rétroversé (figure 8B) avec un angle cervico utérin faible et un endocol régulier.
Figure 8. Utérus anté (A) et rétroversé (B).
• Le transfert difficile(17,18)
Il est très important de bien analyser les causes d’un transfert difficile pour pouvoir trouver les solutions. Des difficultés de transfert sont rencontrées dans environ 10 % des cas, et, dans 2 à 5 %, elles nécessitent le recours à des artifices décrits ci‐après (modelage du KT grâce à un mandrin courbé, coudé ou les 2).
Les causes les plus fréquentes de transferts difficiles sont :
– les cryptes endocervicales (figures 9 et 10) ;
– les versions prononcées avec angulation cervico‐utérine (figure 11) ;
– les trajets tortueux (figure 12).
L’association cryptes + version marquée + angulation cervico utérine est la cause la plus fréquente de transfert difficile (figure 13).
Figure 9. Exemples de causes de passage cervical difficile.
Figure 10. Cryptes endocervicales.
Figure 11. Angulation cervicoutérine.
Figure 12. Trajets tortueux.
Figure 13. Cryptes + version marquée + angulation cervico-utérine.
Les causes plus rares rencontrées sont les isthmocèles (figure 14), les faux trajets cervicaux (figure 15) ou encore les associations (figure 16).
Figure 14. Isthmocèles.
Figure 15. Faux trajet cervical.
Figure 16. Associations.
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.
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