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Vaccination

Publié le 18 nov 2024Lecture 9 min

Vaccins anti-­HPV chez des patientes VIH+

Elisabeth GIRARDIN(a), Malika AMELLOU(a), Phang BAO(b)*, Saint-Ouen et Paris

Chez les sujets VIH+ (infectés par le virus de l’immunodéficience humaine), le risque d’infection à virus HPV est accru, entraînant le développement de cancers du col utérin et d’autres lésions génitales, et la progression plus rapide des tumeurs liées aux virus HPV(1). La co-­infection par plusieurs types de virus HPV est plus fréquente ainsi que les infections persistantes à HPV.

L'objectif de cette revue systématique est d’évaluer l’efficacité et la sécurité des trois vaccins anti‐HPV commercialisés en France (Cervarix®, Gardasil®, Gardasil 9®) chez des adolescentes et des femmes VIH+.   Méthode   Une recherche bibliographique sur Medline effectuée le 19 novembre 2021 et renouvelée les 27 décembre 2022, 4 juillet 2023 et 15 novembre 2023 a porté sur la recherche d’essais randomisés, de revues systématiques et de métaanalyses sur une période de 5 ans, avec résumés en anglais ou en français, concernant l’efficacité et la sécurité des vaccins anti‐HPV chez des adolescentes à partir de 11 ans et des femmes VIH+. Les essais incluant des enfants de moins de 11 ans ont été exclus ainsi que ceux n’incluant que des hommes. Les essais comportant une population mixte ont été conservés s’ils indiquaient des résultats par sous‐groupes selon le sexe. Les essais avec témoins historiques (faute de véritable groupe placebo) ont été exclus, sauf si le groupe des témoins historiques constituait un troisième groupe, en plus des deux groupes randomisés. Les essais randomisés en cours ont été recherchés sur le site de la FDA (Food and Drug Administration)*.   Résultats   • Métaanalyses La métaanalyse de la revue Cochrane en 2019(2) portant sur l’efficacité et la sécurité des vaccins anti‐HPV chez des sujets de tout âge, des deux sexes, en population générale et chez des patients (patientes) VIH+ a été utilisée pour en extraire les essais randomisés concernant les patientes VIH+. La métaanalyse de Staadegaard et coll.(3) 2023 portant sur l’efficacité clinique, l’immunogénicité et la sécurité d’un schéma vaccinal anti‐HPV avec quatre doses versus un schéma à trois doses chez des patients des deux sexes VIH+ a été exclue parce qu’elle incluait à la fois des essais randomisés et des essais non randomisés. Toutefois sa liste de références a été utilisée pour en extraire seulement les essais randomisés. Il en a été de même pour la métaanalyse de Zhan et coll. de 2019(4) portant sur l’efficacité de la vaccination anti‐HPV chez des personnes VIH+, exclue parce qu’elle incluait 12 essais non randomisés parmi les 24 essais retenus. Trente‐neuf références ont été trouvées, mais beaucoup concernent la sécurité des vaccins anti‐HPV en population générale, et peu sont spécifiques des patientes VIH+. Au total, les références retenues concernant des adolescentes ou des femmes VIH+ sont les suivantes : – trois essais randomisés portant sur l’immunogénicité et la sécurité(5, 6, 7) ; – essai randomisé portant sur l’immunité cellulaire(8) ; – deux revues systématiques(9, 10) ; – un essai randomisé en cours (NCT05495906), dont la fin est prévue en août 2026(11).   • Revues systématiques La revue de Mavundza et coll. 2020(9) a trouvé 504 références (du 1er janvier 2000 au 10 octobre 2018) et a finalement retenu cinq essais randomisés chez des sujets VIH+ : trois essais randomisés avec le vaccin Gardasil 4® versus placebo(12‐14), un essai randomisé avec le vaccin Cervarix® versus placebo(5), un essai rando‐ misé comparant les vaccins Cervarix® et Gardasil 4®(15) (tableau 1). Inj. : injection * https://clinicaltrials.gov/   La revue de Zizza et coll. 2021(10) a trouvé 162 références (jusqu’au 22 mai 2019) et a finalement retenu quatre essais randomisés chez des sujets VIH+ : les mêmes essais que ceux retenus dans la revue de Mavundza et coll. 2020(9), sans l’essai comparant Gardasil 4® et Cervarix®(6). À noter que ces deux revues systématiques n’ont pas trouvé d’essai randomisé avec Gardasil 9® achevé chez des sujets VIH+, malgré une recherche quasi exhaustive de la revue de 2021 qui a porté non seulement sur plusieurs bases de données électroniques (PubMed, Embase, Registre Cochrane des essais cliniques, clinicaltrials.gov, registre international des essais cliniques WHO) mais aussi sur des résumés de congrès.   Résultats d’immunogénicité   Après vaccination par Gardasil®(10‐12), la réponse immunitaire en anti‐ corps anti‐HPV est plus importante dans les groupes VIH+ vaccinés versus VIH+ non vaccinés. La comparaison des taux d’anticorps anti‐HPV en fin d’essai chez les femmes VIH+ sous placebo et les femmes VIH‐vaccinées par Cervarix® est illustrée dans les figures 1A et 1B(4) : après vaccination, le taux d’anticorps anti‐HPV chez les filles et les femmes VIH+ est plus faible que chez les filles et les femmes VIH‐vaccinées, mais est supérieur à celui des filles et des femmes VIH+ non vaccinées. Figures 1A et 1B. Taux moyen d’anticorps anti­HPV­16 et anti­HPV­18 concernant le vaccin Cervarix® d’après l’essai de Denny et coll., 2013(5).     Résultats de sécurité   Chez les filles et les femmes vaccinées VIH+, il n’a pas été noté d’effet indésirable nouveau par rapport à ceux déjà connus chez des sujets vaccinés non‐VIH+.   • Métaanalyse La revue systématique de Mavundza et coll. 2020(9) n’a pas comporté de métaanalyse à cause d’une différence importante des populations étudiées et des critères de jugement, contrairement à la revue de Zizza et coll. 2021(10) qui a effectué une métaanalyse à partir des mêmes essais moins un (celui comparant Cervarix® et Gardasil®). Selon les critères de jugement, la méta analyse a porté sur deux, trois ou quatre essais. Le taux moyen géométrique des anti‐corps anti‐HPV est significativement plus élevé après vaccination qu’après placebo : pour les anti‐corps anti‐HPV‐16 (MD = 4333,3 EL.U/mL, IC 95 % = 2701,4‐ 5961,1) et pour les anticorps anti‐HPV‐18 (MD = 1408,8 EL.U/mL, IC 95 % : 414,8‐2394,7). En regroupant les quatre essais de la revue, on n’observe pas de différence significative en termes d’événement indésirable grave entre groupes vaccinés ou entre le groupe vacciné versus le groupe placebo.   • Essais randomisés avec vaccins anti­HPV portant sur l’immunogénicité et la sécurité chez des adolescentes et/ou femmes VIH+ (tableau 2) C : groupe Cervarix® ; G : groupe Gardasil® ; NS : non significatif ; EI : événements indésirables   Un seul essai a comparé un vaccin anti‐HPV versus placebo (adjuvant seul)(5) ; les deux autres essais ont comparé deux vaccins (Cervarix® versus Gardasil®) avec le même schéma vaccinal dans chaque groupe (trois injections effectuées à T0 puis 1 mois ou 1,5 mois puis 6 mois)(6,15). Un seul essai randomisé a été effectué en double aveugle(15), les deux autres essais randomisés ont été conduits en simple aveugle(5,6). Le critère principal de jugement portant sur l’immunogénicité est le même pour les trois essais – taux d’anticorps anti‐HPV‐16 et d’anticorps anti‐HPV‐18 –, mais les techniques de dosage diffèrent(5,6). Les femmes VIH+ non vaccinées (recevant seulement l’adjuvant) n’ont pas d’anticorps anti‐HPV(4) ; les femmes VIH+ vaccinées produisent des anticorps anti‐ HPV‐16 et anti‐HPV‐18, mais moins que les femmes VIH‐vaccinées lors du prélèvement à 7 mois(5,6). En ce qui concerne la comparaison de Cervarix® versus Gardasil® chez les femmes VIH+, le taux moyen géométrique des anticorps anti‐HPV‐18 est significativement plus élevé avec Cervarix® qu’avec Gardasil® à 7 mois(5), la comparaison des anticorps anti‐HPV‐16 est discordante dans les deux essais testant les deux vaccins : le résultat est non significatif dans l’essai ayant le plus faible effectif (30 femmes VIH+ vaccinées)(15), mais le taux d’anticorps anti‐HPV‐16 est significativement plus élevé après vaccination par Cervarix® qu’après vaccination par Gardasil® dans l’essai ayant un grand effectif (257 femmes VIH+ vaccinées)(6). À noter pour ces deux vaccins qu’il existe une réactivité croisée objectivée par la détection d’anticorps anti‐HPV de types différents que ceux du vaccin(15). En ce qui concerne la sécurité, il n’a pas été noté d’effet indé sirable nouveau. La survenue des effets indésirables graves n’est pas différente entre les deux vaccins Cervarix® et Gardasil®(5,6), ni entre Cervarix® et l’adjuvant(5).   • Essai randomisé en cours : NCT 05495906(11) Cet essai multicentrique canadien a commencé en 2022, et sa fin est prévue en août 2026. Il compare deux schémas vaccinaux de Gardasil 9® (trois injections effectuées à 0‐2‐6 mois versus 0‐6‐12 mois) chez 450 femmes VIH+ âgées de 18 à 45 ans.   • Étude sur l’immunité cellulaire(7) Il s’agit d’un essai randomisé monocentrique effectué au Danemark, comparant Cervarix® (trois injections) versus Gardasil® (trois injections), chez 30 hommes et femmes (15 par groupe vaccinal), pour leurs effets sur l’immunité cellulaire. Les auteurs concluent que, quel que soit le vaccin anti‐HPV, le nombre de CD4+T spécifiques augmente dans les deux sexes chez des sujets VIH+ après vaccination anti‐HPV.   Discussion   • Population incluse dans les essais Les adolescentes et les femmes VIH+ incluses dans les trois essais randomisés doivent être au stade 1 à l’inclusion ; une charge virale indétectable < 400 copies/mL depuis au moins 6 mois à l’inclusion fait partie des critères. Les patientes incluses dans les trois essais randomisés ne reflètent pas l’ensemble de la population féminine VIH+, même en tenant compte de l’essai(6) ayant inclus quelques adolescentes et femmes VIH+ en stade 2. Les adolescentes de 13 à 17 ans sont absentes des essais randomisés des deux revues systématiques(9,10) – il y a des filles de 7 à 12 ans et des femmes de 18 à 25 ans. Or, la tranche d’âge 13‐17 ans fait partie de la population éligible aux vaccins anti‐HPV avec remboursement en France. Vacciner les femmes VIH+ après l’âge de 19 ans garde une efficacité sur le taux d’anticorps anti‐HPV selon un essai non randomisé(16) et deux essais randomisés(4, 11).   • Schémas vaccinaux Les schémas vaccinaux sont conformes à ceux de l’AMM chez des personnes à partir de 15 ans et sont quasiment identiques dans les trois essais randomisés concernant les adolescentes et les femmes VIH+, à part la seconde injection de vaccin effectuée un mois au lieu d’un mois et demi après la première injection dans un essai(4).   • Critères de jugement Dans tous les essais, les taux d’anticorps anti‐HPV ont été mesurés, à des moments différents ; l’immunogénicité est exprimée de façon différente selon les essais. On ne peut pas extrapoler que la production d’anticorps anti‐HPV après vaccination s’accompagne d’une réduction de la survenue de dysplasies cervicales et de cancers du col utérin, puisque le niveau requis d’anticorps anti‐HPV pour une protection clinique est actuellement inconnu(17). Aucune étude n’a rapporté l’incidence des néoplasies cervicales intraépithéliales et celle des cancers invasifs du col utérin, la durée des essais étant trop courte pour évaluer ces critères avant et après vaccination.   • Comparaison de l’immunogénicité des vaccins Chez les adolescentes et les femmes VIH+, Cervarix® semble provoquer une production d’anticorps anti‐HPV‐18 plus importante que Gardasil®(5,6). Toutefois, les résultats des anti‐ corps anti‐HPV‐16 sont discordants entre les études. Il existe une réactivité croisée avec les deux vaccins Cervarix® et Gardasil® chez 50 % des femmes VIH+(6), avec des anti‐ corps anti‐HPV pour davantage de types d’HPV avec Cervarix® (types 31,33,35,45,56 et 58) qu’avec Gardasil® (types 31,35 et 73).   • Sécurité Les événements indésirables ont toujours été recherchés mais rapportés de façon différente selon les essais. Il n’a pas été noté de nouvel effet indésirable chez les adolescentes et les femmes VIH+ vaccinées.   En conclusion   Après vaccination, le taux d’anticorps anti‐HPV chez les filles et les femmes VIH+ est plus faible que chez les filles et les femmes VIH‐vaccinées, mais il est supérieur à celui des filles et des femmes VIH+ non vaccinées(5,6). La tolérance des vaccins semble être la même avec ou sans infection VIH. Il faudrait entreprendre des essais randomisés pour trouver le schéma vaccinal anti‐HPV optimal chez les adolescentes et les femmes VIH+, peut‐être en effectuant davantage d’injections comme pour le vaccin de l’hépatite B. Un essai en cours compare deux schémas vaccinaux pour Gardasil 9® chez des femmes VIH+ avec espacement différent entre les trois doses de vaccin mais n’a pas prévu de groupe recevant quatre injections de Gardasil 9®. Il faudrait aussi effectuer des essais de puissance suffisante portant sur l’efficacité des vaccins à long terme, en ce qui concerne la réduction de l’incidence des lésions précancéreuses et des cancers du col utérin, chez les filles et les femmes VIH+ vaccinées(17).

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