Publié le 28 sep 2023Lecture 5 min
Carence en fer et anémie ferriprive pendant la grossesse - Retour d’expérience en vraie vie et pistes d’amélioration
Marie SPARTE, Paris
Pendant la grossesse, la carence en fer et l’anémie ferriprive sont fréquentes et peuvent avoir des conséquences néfastes au niveau maternel, fœtal et obstétrical(1). Plus de 25 % des femmes enceintes en France sont anémiées, et ce pourcentage est en hausse malgré les recommandations de supplémentation en fer faites depuis de nombreuses années(2). Comment expliquer cela et quelles sont les pistes à travailler pour améliorer la situation ?
Une enquête quantitative prospective descriptive multicentrique réalisée en France auprès de 200 femmes s’est intéressée à l’observance et aux motifs de non-observance des femmes enceintes dans la prise de supplémentation en fer(2). Sélectionnés et présentés de façon synthétique, les résultats issus de l’analyse des questionnaires (élaborés à partir des données de la littérature médicale) révèlent les comportements et les connaissances actuelles qui permettent d’extrapoler sur les actions d’amélioration de la prévention et du traitement de la carence martiale.
Prescription
• Seulement 76,9 % des femmes présentant au moins un facteur de risque de carence ont été supplémentées.
• Parmi les femmes ayant eu une ordonnance, 15,7 % ont pris du fer moins de six semaines.
Les deux pistes d’amélioration potentielles seraient donc une meilleure identification des femmes à risque et une communication insistant sur la durée de traitement nécessaire pour obtenir une efficacité.
Observance
• La bonne observance (définie par un respect quotidien des doses prescrites) est inférieure à 50 %.
• L’observance est moins bonne chez les multipares par rapport aux primipares et chez les patientes de catégorie sociale défavorisée (CMU ou autre aide sociale).
Il paraît important de renouveler les messages concernant l’intérêt de la supplémentation en fer à chaque grossesse(2). Avec les personnes défavorisées, dont la santé est souvent reléguée au second plan compte tenu de difficultés économiques ou sociales, il convient d’insister sur l’absence d’impact financier de la prise de ces traitements : aucune avance de frais en pharmacie pour les bénéficiaires de la CMU(2).
Motifs de non-observance ou d'observance irrégulière*
• 64,1 % des oublis (minimum 1 par semaine) sont liés à la prise journalière.
• 50 % à la survenue d’effets indésirables.
• 2,8 % à l’utilité non comprise du traitement.
Pour lutter contre ces obstacles, seule une communication sur les conséquences – facilement compréhensibles – d’une carence en fer sur le nourrisson et la mère pourrait être un levier : retard de croissance in utero, prématurité, fatigue, susceptibilité aux infections…
Croyances sociétales
• 80,5 % des femmes interrogées pensent que manger suffisamment de viande rouge ne nécessite pas une supplémentation en fer.
Une discussion sur les produits consommés contenant du fer doit permettre de redonner les informations clés sur les quantités nécessaires, les différences d’assimilation du fer selon l’origine animale ou végétale et des conseils pour améliorer son absorption.
Impacts de l'anémie ferriprive
Selon le trimestre de la grossesse et sa gravité, les répercussions peuvent avoir des conséquences différentes sur :
– la mère : une fatigue accrue, une perte de mémoire à court terme, une diminution de la durée d’attention et des performances(1,5). Sont aussi retrouvés une susceptibilité accrue aux infections, un risque plus important d’insuffisance cardiovasculaire et de choc hémorragique, ainsi qu’un besoin plus élevé de transfusions sanguines peripartum(1). Le risque de mortalité maternelle est directement corrélé à la gravité de l’anémie ferriprive(1) ;
– les conditions obstétricales : un faible poids à la naissance, un retard de croissance intra-utérin, un statut néonatal en fer faible, un risque d’accouchement prématuré lorsque l’anémie est présente aux 1er et 2e trimestres. En cas d’anémie modérée à sévère, le risque de prématurité est quasiment doublé et augmenté de 10 à 40 % en cas d’anémie légère(1) ;
– le nouveau-né : la carence en fer augmente les anomalies cognitives et comportementales jusqu’à 10 ans après la réplétion en fer(4), et ce de façon statistiquement significative.
Signes cliniques et facteurs de risque
Les signes cliniques pouvant révéler la présence d’une anémie ferriprive sont inconstants et dépendent de la vitesse d’installation de l’affection(4).
Ils sont en lien avec l’hypoxie tissulaire (asthénie, dyspnée, vertiges, pâleur, céphalées) ou des mécanismes compensatoires (tachycardie), ou associés à des altérations plus spécifiques comme des troubles des phanères, des fissures des commissures labiales(4).
Certains facteurs de risque de la carence martiale sont facilement détectables à l’interrogatoire(6) :
– une alimentation insuffisante en quantité (ration inférieure à 2 000 kcal/jour) et en variété, excluant des aliments d’origine animale;
– des antécédents d’anémie ou des saignements récents ;
– des grossesses multiples ou rapprochées ;
– un jeune âge de la femme enceinte (adolescente) ;
– des hémoglobinopathies.
Dépistage et supplémentation
Le dépistage fait partie des examens pouvant être proposés à la première consultation de suivi de grossesse avant 10 semaines d’aménorrhée(6).
La supplémentation en fer peut être proposée aux femmes ayant une anémie ferriprive ou identifiées à risque de carence martiale, après prise en compte des autres sources d’apport (alimentation, polyvitamines…)(7). Elle est recommandée si le taux d’hémoglobine est inférieur a 11 g/dl aux 1er et 3e trimestres, et inférieur a 10,5 g/dl au 2e trimestre, ou si le taux de ferritine est inférieur a 12 μg(2).
La posologie est de 30 à 60 mg/jour jusqu’à la correction de l’anémie(8), pendant plus de 6 semaines(2).
Afin de maximiser l’absorption, la prise doit être concomitante de la prise de vitamine C à jeun ou au moins hors des repas, 1 heure avant ou 2 heures après la prise de calcium, d’inhibiteurs de la pompe à protons, d’antiacides, de phytates (avoine, blé, son), de polyphénols (thé, kaki, raisin, soja, fruits rouges), de café, de lait ou d’œufs(9).
*plusieurs motifs possibles par personne.
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