Publié le 05 juin 2020Lecture 12 min
Illustration des RPC de la HAS sur la prise en charge de l’endométriose
A.-E. MILLISCHER Radio-diagnostic, Paris
Les recommandations de la Haute autorité de santé en matière d’endométriose abordent le diagnostic clinique, les examens de première, de deuxième et de troisième intention et la cœlioscopie mais aussi l’information de la patiente, les traitements hormonaux ainsi que les autres traitements dont les alternatives thérapeutiques non médicamenteuses.
DEFINITIONS ET GENERALITES
Définitions
La définition de l’endométriose est histologique : présence de glandes ou de stroma endométrial en dehors de l’utérus. C’est une maladie multifactorielle, résultant de l’action combinée de facteurs génétiques et environnementaux, et de facteurs liés aux menstruations.
L’endométriose nécessite une prise en charge lorsqu’elle a un retentissement fonctionnel (douleur, infertilité) ou lorsqu’elle entraîne une altération du fonctionnement d’un organe.
Évolution de l’endométriose
Les données ne sont pas en faveur d’une progression de l’endométriose au fil du temps, que ce soit en termes de volume ou de nombre des lésions.
En l’absence de symptômes, il n’y a pas lieu de faire une surveillance systématique par imagerie des patientes traitées pour endométriose.
Endométriose et dépistage
L’endométriose n’a pas systématiquement de conséquences pathologiques et peut être observée chez des femmes indolores et fertiles.
En conséquence :
il n’y a pas lieu de faire un dépistage de l'endométriose dans la population générale ;
il n’y a pas lieu de faire un dépistage dans des populations à risque augmenté, que ce soit sur des facteurs génétiques (endométriose chez une apparentée) ou sur des facteurs de risques menstruels (volume menstruel augmenté, cycles courts, premières règles précoces).
Endométriose et cancer
Le lien causal entre endométriose et cancer de l’ovaire n’est pas démontré.
Il n’y a donc pas lieu de faire un dépistage du cancer de l'ovaire chez les patientes souffrant d'une endométriose.
DIAGNOSTIC CLINIQUE
Les principaux symptômes évocateurs et localisateurs de l’endométriose sont :
les dysménorrhées intenses : évaluées par une intensité de 8 ou plus, un absentéisme fréquent, ou une résistance aux antalgiques de niveau 1 ;
les dyspareunies profondes ;
les douleurs à la défécation à recrudescence cataméniale ;
les signes fonctionnels urinaires à recrudescence cataméniale ;
l’infertilité.
Il n’y a pas lieu de rechercher une endométriose en cas de dysménorrhée isolée et contrôlée par une contraception hormonale, sans autre symptôme douloureux ni souhait de grossesse immédiat.
Douleur associée à l’endométriose
En cas de consultation pour douleurs pelviennes chroniques ou suspicion d'endométriose, il est recommandé de :
évaluer la douleur (intensité, retentissement) ;
évaluer la qualité de vie ;
rechercher les symptômes évocateurs et localisateurs de l'endométriose.
Évaluation de la douleur :
utiliser une échelle pour mesurer l'intensité de la douleur ;
rechercher une symptomatologie évocatrice de sensibilisation : la manifestation des symptômes douloureux est variable d’une femme à l’autre et l’endométriose peut être associée à une modification des seuils douloureux.
Évaluation de la qualité de vie :
utiliser un questionnaire de qualité de vie tel que : l’Endometriosis Health Profile-30 (EHP-30) et sa version courte l’EHP-5, ou le questionnaire SF-36.
Examen gynécologique
Faire un examen gynécologique orienté (si possible) incluant l’examen du cul-de-sac vaginal postérieur, à la recherche de signes évocateurs :
visualisation de lésions bleutées à l’examen au spéculum du vagin ;
palpation de nodules au niveau des ligaments utérosacrés ou du cul-de-sac de Douglas ;
douleur à la mise en tension des ligaments utérosacrés ;
utérus rétroversé ;
annexes fixées au toucher vaginal.
EXAMENS DE PREMIERE INTENTION
Les examens de première intention (schéma 1) sont :
l’examen clinique (gynécologique si possible) ;
l’échographie pelvienne.
(figure 1)
Schéma 1 : Examens de première intention à la recherche d’une endométriose.
Figure 1 : Endométriome en échographie. 1A – voie sus-pubienne : le kyste est hypoéchogène, avec une composante plus hyperéchogène témoignant d’un sédiment hématique. 1B – voie endovaginale : aspect typique de l’endométriome, présentant un contenu échogène, en « verre dépoli » (Ground Glass Classification IOTA), avasculaire, avec présence d’un niveau hémorragique témoignant de sang frais et plus ancien.
L’échographie pelvienne et l’IRM pelvienne ont des performances similaires pour le diagnostic d’endométriome.
Le diagnostic d’endométriome (endométriose ovarienne) doit être posé avec prudence après la ménopause pour ne pas méconnaître une tumeur maligne.
En cas de masse ovarienne indéterminée (non typique d’endométriome) visualisée en échographie : faire une IRM pelvienne et/ou une nouvelle échographie par un expert.
En cas de diagnostic d’endométriome : rechercher une endométriose profonde associée.
EXAMENS DE DEUXIEME INTENTION
Les examens de deuxième intention (schéma 2) sont :
l'examen pelvien orienté (clinicien référent), avec recherche d’une endométriose profonde en cas de douleur à la défécation pendant les règles, de signes urinaires cycliques, de dyspareunie profonde intense, ou d’infertilité associée ;
l’IRM pelvienne (interprétée par un radiologue référent) ;
l’échographie endovaginale (échographiste référent).
L’échographie pelvienne et l’IRM apportent des informations différentes et complémentaires. La réalisation de ces deux examens est à discuter en fonction du type d’endométriose suspecté, de la stratégie thérapeutique envisagée et de l’information à donner à la patiente.
Le compte rendu des examens (IRM ou échographie) doit décrire la taille des lésions ainsi que les localisations anatomiques de l'endométriose visibles sur l’examen. (figures 2, 3 et 4)
Schéma 2 : Examens de soins de deuxième intention à la recherche d’une endométriose.
Figure 2 : Endométriome en IRM. 2A – axial T2, l’endométriome (étoile) présente un aspect « grisé », soit un « shading sign », témoignant de contenu hématique semi récent. Les contours du kyste sont réguliers. 2B – axial T1 avec saturation de graisse : l’endométriome (étoile noire) présente un hypersignal T1, homogène, témoignant du contenu hémorragique.
Figure 3 : Ligaments utéro-sacrés en échographie. 3A – coupe parasagittale : un ligament utéro-sacré normal apparaît sous forme d’une fine ligne, ne dépassant pas 1 à 2 mm d’épaisseur, hyperéchogène, uniquement visible quand du liquide entoure la structure normale. 3B – coupe parasagittale : ligament utéro-sacré, infiltré par de l’endométriose, lui donnant cet aspect arrondi à contours spiculés, hypoéchogène, contrastant avec la graisse alentour.
Figure 4 : Ligaments utéro-sacrés en IRM. 4A – coupe parasagitale montrant un ligament utéro-sacré normal, apparaissant comme une fine structure linéaire en hyposignal T2, ne dépassant pas 1 à 2 mm d’épaisseur, contrastant avec la graisse autour, en hypersignal T2. 4B – coupe parasagitale montrant un ligament utéro-sacré épaissi, en hyposignal T2, à contours irréguliers.
Bilan de la maladie endométriosique
Ces examens sont destinés à :
évaluer l’extension de l’endométriose ;
prévoir la prise en charge spécialisée.
Avant chirurgie d'exérèse de l’endométriose pelvienne profonde et en cas de discordance entre des symptômes évocateurs ou localisateurs d’endométriose et des examens de première intention négatifs :
il est recommandé de réaliser une IRM pelvienne et/ou une échographie pelvienne de deuxième intention afin de prédire la nécessité d’éventuels gestes urinaires ou digestifs.
Modalités de l’IRM
En cas d’IRM pelvienne discordante avec la clinique ou l’échographie, il est recommandé de proposer une seconde lecture de l’IRM par un radiologue référent.
Concernant les critères de qualité de l’IRM pelvienne, il est recommandé de faire le diagnostic d’endométriose pelvienne en utilisant des séquences multiplanaires en T2 et T1 avec et sans saturation de graisse. L’injection de gadolinium est une option notamment pour caractériser une masse annexielle complexe. L’opacification du vagin ou du rectum est utile en l'absence de préparation digestive préalable. Elle n'est pas indispensable en cas de préparation digestive préalable, ce qui devrait être la pratique privilégiée.
Il est recommandé de faire une acquisition à vessie semi-pleine pour ne pas gêner l’interprétation.
EXAMENS DE TROISIEME INTENTION
Ces examens complémentaires de troisième intention sont demandés par le spécialiste dans des situations spécifiques.
Explorer une endométriose recto-sigmoïdienne
Avant de réaliser une chirurgie d'exérèse pour une endométriose profonde avec suspicion d’atteinte digestive, il est recommandé de confirmer ou non la présence de cette atteinte en préopératoire afin :
d'informer la patiente ;
d'organiser, si besoin, une prise en charge multidisciplinaire.
Afin de confirmer l'atteinte digestive et de préciser ses caractéristiques (multi ou unifocalité, diamètre lé-sionnel, profondeur d’infiltration, hauteur, circonférence, caractère sténosant) : réaliser un examen dédié : une échographie endovaginale, une IRM pelvienne, une échoendoscopie rectale (EER) ou un colo-scanner (colo-CT) (en fonction des expertises disponibles et des localisations lésionnelles).
Lorsque les examens d’imagerie de deuxième intention (échographie endovaginale, IRM pelvienne) ne permettent pas de conclure sur l’envahissement du colon par l’endométriose profonde :
les examens en troisième intention sont l’échoendoscopie rectale pour les localisations recto-sigmoïdiennes ou le colo-scanner pour les localisations coliques plus en amont ;
il n’y a pas lieu de faire une coloscopie en cas de suspicion d’endométriose rectosigmoïdienne. La coloscopie peut cependant être utile pour éliminer un diagnostic différentiel. (figures 5 et 6)
Figure 5 : Nodule pariétal sigmoïdien en échographie. 5A – nodule hypoéchogène, de morphologie semi-lunaire, à raccordement progressif avec la paroi, évoquant un aspect quasi typique d’endométriose digestive. 5B – reconstruction 3D volumique du nodule digestif, permettant d’évaluer le volume de la lésion.
Figure 6 : Nodule pariétal rectosigmoïdien en IRM. Nodule de la paroi antérieure de la jonction rectosigmoïdienne (flèches blanches), en sagittal T2 et axial T2, apparaissant sous forme d’une lésion hypo-intense en T2, de morphologie semi-lunaire, avec respect de la muqueuse et sous-muqueuse (couche grisée en arrière).
Explorer une endométriose urinaire
(Figures 7 et 8)
Une dilatation pyélocalicielle est présente dans 50 à 60 % des endométrioses urinaires.
En cas d’endométriose pelvienne profonde, il est recommandé de rechercher une dilatation urétéropyélocalicielle. En cas de dilatation urétéropyélocalicielle, il est recommandé de prendre un avis spécialisé pour l’étude du retentissement rénal.
En cas de douleur pelvienne chronique associée à des symptômes urinaires du bas appareil et une suspicion d’endométriose, il est recommandé de réaliser en première intention une IRM ou une échographie de référence pour explorer une atteinte vésicale ou urétérale de l’endométriose.
Figure 7 : Nodule de la paroi vésicale en IRM. 7A – Nodule en hyposignal T2 en coupe sagittale, de morphologie oblongue, avec quelques foci en hypersignal T2, l’ensemble contrastant avec le contenu en hypersignal T2 de l’urine dans la vessie. 7B – Nodule pariétal vésical en hypersignal T1 sur une coupe axiale, témoignant d’implants hémorragiques en son sein.
Figure 8 : Nodule de la paroi vésicale en échographie. Formation hyperéchogène en échographie, développée aux dépens de la paroi vésicale, et bombant dans la lumière vésicale. Les contours sont discrètement irréguliers.
Fertiloscopie
Il n’y a pas lieu de réaliser une fertiloscopie dans le but de faire le diagnostic de l’endométriose.
CŒLIOSCOPIE
Lorsque l’imagerie objective une endométriose sur des éléments caractéristiques et spécifiques (kyste et/ou lésions profondes), il n’y a pas lieu de réaliser une coelioscopie dans le seul but de confirmer le diagnostic.
Indication de la coelioscopie diagnostique
En cas de suspicion clinique d’endométriose alors que les examens préopératoires n’en ont pas fait la preuve.
Dans le cadre d’une stratégie de prise en charge des douleurs ou de l’infertilité.
Afin d’éliminer une endométriose si elle ne met pas en évidence de lésions macroscopiques visibles et si celle-ci a comporté une exploration satisfaisante de la région abdomino-pelvienne.
Modalités de l’examen
Réaliser des biopsies dirigées (avec examen anatomopathologique) en cas de lésions typiques ou atypiques lors d’une coelioscopie diagnostique pour confirmer le diagnostic d’endométriose. Il n’y a pas lieu de faire des biopsies sur péritoine sain.
Faire une description exhaustive et précise de la cavité abdomino-pelvienne incluant les adhérences et les différents types de lésions avec leur description macroscopique, leur taille, ainsi que leur localisation, dans le but de corréler les symptômes avec la pathologie et de guider la prise en charge thérapeutique.
Utiliser des classifications lésionnelles pour décrire l’étendue de l’endométriose et faciliter les échanges interprofessionnels. (schéma 3)
Schéma 3. Stratégie diagnostique devant des symptômes douloureux pelviens chroniques (dysménorrhée, dyspareunies, douleurs pelviennes non-menstruelles).
INFORMATION DE LA PATIENTE
En cas d’endométriose, les praticiens sont invités à dispenser une information éclairée :
informer les patientes sur les alternatives thérapeutiques, les bénéfices et les risques attendus de chacun des traitements, le risque de récidive, la fertilité, et prendre en compte les attentes et les préférences de la patiente ;
avant la chirurgie, apporter des informations supplémentaires sur son déroulement, son objectif, les inconvénients et les bénéfices escomptés, ses possibles complications, ses cicatrices, ses suites, ainsi que le déroulement de la convalescence ;
lors de la consultation, fournir et expliciter dans des termes adaptés à la patiente, une notice d'information (validée par les professionnels de santé) contenant les informations essentielles pour les patientes et leurs conjoints.
TRAITEMENTS HORMONAUX DANS LA PRISE EN CHARGE DE L'ENDOMETRIOSE DOULOUREUSE
Les traitements hormonaux en première intention dans la prise en charge de l’endométriose douloureuse sont :
la contraception par oestroprogestatifs ;
le SIU au LNG à 52 mg.
Le choix de ce traitement doit être guidé par les contre-indications, les effets indésirables potentiels, les traitements antérieurs et l’avis de la patiente. Les traitements hormonaux de deuxième intention sont :
la contraception microprogestative orale au désogestrel ;
l'implant à l'étonogestrel ;
les GnRHa en association à une add-back thérapie ;
le diénogest.
En cas de prescription d’un GnRHa dans un contexte d’endométriose :
● prescrire une add-back thérapie comportant un œstrogène afin de prévenir la baisse de densité minérale osseuse et améliorer la qualité de vie des patientes. L’AMM recommande d’y adjoindre un progestatif ;
● prescrire l’add-back thérapie avant le 3e mois pour limiter les effets secondaires.
Traitements hormonaux en association avec une chirurgie de l'endométriose
Avant chirurgie : un traitement hormonal préopératoire dans le seul but de prévenir le risque de complication chirurgicale, de faciliter la chirurgie, ou de diminuer le risque de récidive de l’endométriose, n’est pas systématique.
Après chirurgie : en l’absence de souhait de grossesse, un traitement hormonal (COP ou SIU au lévo-norgestrel 52 mg en première intention) permet de réduire le risque de récidive douloureuse de l’endométriose et d’améliorer la qualité de vie des patientes. Lors de la prescription d’une COP en postopératoire, privilégier une administration continue en cas de dysménorrhée.
Après chirurgie d’endométriome : la prescription d’une COP en postopératoire permet de prévenir le risque de récidive, en l’absence de contre-indication et de désir de grossesse. Il n’y a pas lieu de prescrire des GnRHa en postopératoire dans le seul but de prévenir la récidive d’endométriome.
Traitement hormonal de l’endométriose douloureuse chez l’adolescente
Chez l’adolescente ayant une endométriose douloureuse :
prescrire une contraception oestroprogestative ou microprogestative en première intention, en l’absence de contre-indication ;
en cas d’échec : demander un avis spécialisé pour préciser la meilleure stratégie diagnostique et thérapeutique à adopter ;
en raison des risques de déminéralisation osseuse, il n’y a pas lieu de prescrire les GnRHa en première intention ;
en cas de prescription GnRHa : il n’y a pas lieu de prescrire avant 16 ans (avant 18 ans selon l’AMM) et la durée de prescription ne doit pas dépasser 12 mois dans le cadre de l’AMM ;
associer à la prescription de GnRHa une add-back thérapie comportant au moins un oestrogène afin de prévenir la baisse de densité minérale osseuse et d’améliorer la qualité de vie.
ANTALGIQUES, AUTRES TRAITEMENTS ET ALTERNATIVES THERAPEUTIQUES NON MEDICAMENTEUSES
Ces thérapeutiques s’appliquent à l’ensemble des patientes ayant une endométriose douloureuse, après évaluation globale de la douleur et de son retentissement.
Antalgiques
La prescription d'AINS au long cours est à éviter en raison d’effets secondaires importants gastriques et rénaux.
En cas de suspicion d’une origine neuropathique de la douleur : proposer un traitement spécifique.
Options thérapeutiques non médicamenteuses
■ Les prises en charge non médicamenteuses qui ont montré une amélioration de la qualité de vie et qui peuvent être proposées en complément de la prise en charge médicale de l’endométriose sont :l’acupuncture ;
l’ostéopathie ;
le yoga.
En cas de douleurs chroniques : proposer une évaluation interdisciplinaire (gynécologues, algologues, sexologues, psychologues et assistantes sociales).
En cas d’endométriose douloureuse, les données sont insuffisantes pour recommander des régimes alimentaires ou des suppléments vitaminiques.
Place des « nouveaux traitements » de l’endométriose
Il n’y a pas lieu de prescrire les anti-aromatases, les SERM, les SPRM et les anti-TNF-α pour la prise en charge de l’endométriose douloureuse.
Il n’y a pas lieu de prescrire de SERM en postopératoire d’une chirurgie d’endométriose.
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