Infertilité
Publié le 01 sep 2021Lecture 7 min
Qualité des gamètes et chances de succès en insémination intra-utérine
Moncef BENKHALIFA, Henri COPIN, Rosalie CABRY, Amiens, Dominique CORNET, Martine COHEN-BACRIE, V. KOUBI, Paris et H. CHAHINE, Dax
En reproduction humaine, un remaniement chromosomique, une prémutation dynamique ou une mutation génique complète au niveau somatique ainsi qu’une immaturité de transcription et/ou de traduction au niveau gamétique ou embryonnaire peuvent réduire le potentiel implantaire du blastocyste, augmenter les avortements précoces et produire des enfants porteurs de maladies chromosomiques, génétiques ou d’empreintes.
Durant l’investigation de base de l’infertilité, le spermogramme et le spermocytogramme ne sont plus suffisants pour explorer le potentiel de fertilité masculine, d’où l’importance d’analyser le génome et l’épigénome du spermatozoïde pour mieux comprendre la contribution paternelle aux échecs destechniques d’AMP, en particulier dans les échecs d’insémination intra-utérine. Au niveau ovocytaire, la reprise de la méiose peut aboutir à des métaphases II aneuploïdes, à un dysfonctionnement mitochondrial et à une insuffisance de maturation cytoplasmique qui peuvent contribuer à une mauvaise réponse à la fécondation, à la condensation prématurée de l’ADN mono-brin et au stress oxydant ayant comme conséquences le blocage du développement embryonnaire précoce ou la production d’un embryon anormal avec un potentiel implantatoire réduit.
Anomalies chromosomiques et/ou géniques et pathologie de la reproduction
Les anomalies chromosomiques constituent une cause majeure d’infertilité. Elles résultent le plus souvent d’une anomalie de la ségrégation des chromosomes au cours de la méiose. Elles ont pour conséquence des fausses couches spontanées plus ou moins précoces, des malformations, des retards psychomoteurs. Une anomalie chromosomique constitutionnelle peut altérer la gamétogenèse par action spécifique sur la méiose ou sur la différenciation des cellules germinales. En cytogénétique post-natale, le caryotype constitutionnel a montré une incidence 10 à 15 fois plus élevée d’anomalies chromosomiques chez les couples infertiles que la population générale. Par exemple, il existe une corrélation entre la numération desspermatozoïdes et l’incidence des anomalies chromosomiques. En cas d’oligozoospermie inférieure à 10 millions de spermatozoïdes/ml, le taux des anomalies chromosomiques est estimé à 5-7 %. Ce taux atteint près de 20 % chez les hommes présentant une azoospermie sécrétoire non obstructive.
Des études chez la souris ont permis de démontrer que certains gènes sont associés à des phénotypes d’altérations/arrêt de la spermatogenèse. Il s’agit principalement des mutations de SPATA16 et AURKC associées à la globospermie et de la mutation NR5A1 liée à l’hypospermatogenèse non syndromique. Un grand nombre de variants polymorphiques sont rapportés comme étant associés à la fertilité masculine, y compris USP26, DAZL, MTHFR, BOULE, POLG, FSHRR, ESR, DNAII, DNAH5, DNAH11, KIT, KITLG, ES et PRM.
Chez la femme en échec de reproduction, les principales indications du caryotype constitutionnel sont : les avortements spontanés à répétition (≥ 3), l’aménorrhée primaire, l’insuffisance ovarienne précoce. La littérature a rapporté également l’importance de prescrire un caryotype sanguin aux conjointes d’hommes infertiles en raison d’une augmentation de la prévalence d’anomalies chromosomiques chez ces femmes.
Classiquement, chez les femmes, les anomalies les plus rencontrées sont des anomalies de nombre des chromosomes X, homogènes ou en mosaïque, des translocations robertsonniennes, des inversions, et plus rarement des marqueurs surnuméraires ou des anomalies de structure du chromosome X. Des anomalies génétiques peuvent être à l’origine de plusieurs pathologies telles que les insuffisances ovariennes ou le syndrome des ovaires polykystiques ainsi que des polymorphismes des récepteurs des hormones de l’axe gonadotrope.
Anomalies du spermatozoïde
Les hommes porteurs d’une anomalie chromosomique constitutionnelle présentent un risque de donner naissance à une descendance anormale sur le plan cytogénétique ou génique. Des avortements spontanés surviennent fréquemment chez les conjointes de ces patients. L’établissement du caryotype des spermatozoïdes a permis pour la première fois une analyse détaillée de la ségrégation des chromosomes d’hommes porteurs d’un réarrangement chromosomique (translocations ou inversions). La fréquence des compléments déséquilibrés varie de 19 à 77 % pour les translocations réciproques et de 8 à 27 % pour les translocations robertsoniennes.
Il est admis que la réalisation d’un caryotype constitutionnel s’impose chezles hommes candidats à l’ICSI présentant une azoospermie ou une oligozoospermie sévère (< 10 millions de spermatozoïdes/ml). Cependant, il est important que cet examen soit complété en cas d’anomalies chromosomiques par une analyse du sperme en FISH qui permet d’étudier la ségrégation méiotique dans les spermatozoïdes et l’effet interchromosomique éventuel.
Durant la spermatogenèse, l’apoptose ou le stress oxydatif peuvent produire une fragmentation de l’ADN en affectant le processus de production de sperme ainsi que sa qualité. Plusieurs études ont démontré le rôle de la désorganisation nucléaire du spermatozoïde dans les échecs des techniques d’AMP. Des relations évidentes entre le degré d’intégrité de l’ADN du spermatozoïde et le potentiel de fertilité, du taux de grossesse et de fausse couche ont été démontrées.
Un haut indice de fragmentation et/ou de dénaturation de l’ADN dans le sperme peut expliquer l’échec d’activation ovocytaire et de développement embryonnaire précoce. Les pourcentages d’apoptose sont significativement plus bas chez les sujets fertiles. Après migration, il y a une baisse significative des spermatozoïdes à noyau apoptotique. Maisil faut être prudent sur l’analyse et l’interprétation des résultats.
La méthylation de l’ADN évolue tout au long de la vie. En effet, il y a deux remaniements de la méthylation qui s’opèrent. Ces deux remaniements se déroulent au cours du développement embryonnaire et lors de la gamétogenèse.
L’état de méthylation de la chromatine est l’un des régulateurs clés de l’activité transformationnelle des gènes. Son altération pourrait ainsi contribuer à des défauts d’expression des gènes au cours de la différenciation des cellules de la lignée germinale et ainsi conduire à des paramètres spermatiques anormaux (faible numération, problème de mobilité, morphologie et vitalité). Ces aberrations épigénétiques pourraient également conduire à une altération des caractéristiques du sperme et, pluslargement, avoir des conséquences sur la fécondation, l’activation des ovocytes et l’embryogenèse.
Anomalies chromosomiques et épigénétiques de l’ovocyte
Dans les techniques d’aide médicale à la procréation, l’appréciation de la maturité des ovocytes est basée sur l’observation microscopique du complexe cumuloovocytaire et donne lieu à une classification codifiée des ovocytes recueillis. La présence du premier globule polaire est le seul critère cytologique direct du degré de maturité nucléaire. L’étude cytogénétique est, quant à elle, basée sur l’observation et l’identification de métaphases de première et deuxième divisions méiotiques permettant une détermination précise du degré de maturité nucléaire de l’ovocyte.
Une déficience de ce mécanisme intracellulaire pourrait être responsable de la non-expulsion du premier globule polaire et de l’arrêt de la maturation nucléaire. Une alternative compatible avec l’observation de deux lots chromosomiques consiste en la fécondation d’un ovocyte bloqué en métaphase II par un spermatozoïde qui subit une activation sous l’action de facteurs de décondensation ovocytaire, mais celle-ci s’opère sans phase S préalable, d’où l’observation de chromatides simples à l’intérieur de l’œuf. Les études cytogénétiques des ovocytes non clivés après tentatives de FIV/ICSI ont démontré entre 20-25 % d’ovocytes avec des anomalies chromosomiques suite à n’importe quel type de protocole de stimulation ovarienne.
D’où l’idée préconçue de trouver une fréquence élevée d’aneuploïdies dans les gamètes femelles bien que la fréquence globale d’aneuploïdies puisse être sousestimée, puisque l’étude des ovocytes II ne permet pas de comptabiliser les éventuelles non disjonctions de deuxième division méiotique. Les taux élevés de condensation prématurée des chromosomes (PCC) pourraient être dus à un retard de fécondation. Le fait qu’aucune corrélation n’ait été observée entre lamaturité nucléaire de l’ovocyte etla qualité du cumulus, laisse supposer qu’il y aurait peu de liaisons entre la maturité cytoplasmique de l’ovocyte et la qualité nucléaire. Il est possible que le quart des ovocytes provenant d’un échec de FIV aient perdu leur maturité cytoplasmique ainsi que leur potentiel de développemental sans problème de fécondabilité.
L’effet de l’âge maternel sur la fécondité et la survenue d’anomalies chromosomiques est un problème complexe. Il est clairement établi qu’à la naissance, les trisomies sont plus fréquentes chez les femmes âgées.
Conclusion
Pour comprendre la physiopathologie et la contribution des désordres génomiques et épigénétiques (au niveau nucléaire, cytoplasmique ou mitochondrial) en pathologie de la reproduction, il est utile d’étudier le génome somatique du couple consultant pour infertilité ainsi que le génome des gamètes, des embryons et des produits d’avortement. Grâce à l’application destechniques de génomique, de transcriptomique, de métabolomique et de biologie moléculaire, il est aujourd’hui possible d’investiguer la contribution paternelle et ainsi de proposer de nouvelles possibilités de prise en charge préventives et thérapeutiques en aide médicale à la procréation telle qu’une thérapie à la DNA se pour réduire l’ADN libre circulant, le dosage de la PCL-zeta et sa micro-injection ainsi que l’analyse du méthylome.
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