Infertilité
Publié le 30 nov 2024Lecture 5 min
Préservation de la fertilité avant la puberté - Qu’avons-nous appris du suivi à long terme des patients ?
Hélène JOUBERT, d’après la communication du Dr Marc Kanbar
Le suivi à long terme des enfants ayant eu un cancer traité et chez lesquels la fertilité a été préservée est rassurant, mais il repose sur de petites séries. Parallèlement, les techniques de préservation de la fertilité restent expérimentales chez les enfants prépubères, avec très peu de naissances chez les femmes et aucune chez les hommes. Des registres internationaux se constituent afin d’identifier les patients qui pourraient réellement bénéficier de ces techniques, dont celui de la European Society of Human Reproduction and Embryology (ESHRE).
Le nombre de nouveaux cas de cancers chez les enfants de moins de 15 ans progresse en France : 1 817 cas pour les années 2014‐2020(1). Dans le monde, un enfant sur 800 est atteint par un cancer, dont plus de 80 % survivront à 5 ans (83 % à 5 ans en France sur la période 2000‐2016) et 70 % à long terme(2). Les cancers les plus fréquents en prépubertaire sont les leucémies, les tumeurs du système nerveux central, les neuroblastomes et les lymphomes(1). Or, les traitements anticancéreux sont toxiques pour les gonades.
Quelles options pour préserver la fertilité ?
« L’insuffisance ovarienne précoce survient chez 8 à 10 % des patientes traitées pour un cancer pédiatrique, énonce le Dr Marc Kanbar (Cliniques universitaires Saint‐Luc, Belgique). Le risque d’azoospermie à l’âge adulte chez des enfants ayant été traités et ayant survécu à un cancer pédiatrique varie de 18 à 43 % selon la littérature. Par conséquent, compte tenu du risque d’infertilité à l’âge adulte, la question de la préservation de la fertilité chez les enfants sous traitement anticancéreux est essentielle. »
Plusieurs solutions existent pour la préservation de la fertilité, mais, concernant les techniques de préservation des gamètes ou du tissu germinal, celles‐ci dépendent principalement du stade pubertaire des enfants au moment du diagnostic(2). Chez les filles et garçons prépubères, une biopsie permettant de préserver un fragment de tissu gonadique (cryopréservation de fragments tissulaires chez les filles, congélation lente de fragments de tissu testiculaire immature chez les garçons) est la seule option disponible à ce jour. Pour les enfants péripubères et post‐pubères, la vitrification ovocytaire et la congélation de spermatozoïdes sont les méthodes standard.
En ce qui concerne les techniques de congélation de tissu germinal, la question est de savoir qui devrait réellement en bénéficier. Jusqu’en 2021, il n’existait pas de recommandations internationales pour la préservation de la fertilité chez les enfants, et la décision de préservation reposait sur une estimation du risque d’infertilité après traitement. Cette évaluation était basée sur le type de maladie, sur le stade du diagnostic ainsi que sur les modalités et la combinaison des traitements. Mais récemment, les recommandations du consortium PanCareLIFE et du Groupe international d’harmonisation des lignes directrices sur les effets tardifs du cancer de l’enfant ont été publiées. Elles préconisent une biopsie pour congélation du cortex ovarien chez les patientes prépubères et uniquement pour celles qui vont recevoir une chimiothérapie à base de fortes doses d’agents alkylants, une radiothérapie ou un traitement de conditionnement avant une greffe de moelle. La notion de forte dose a été définie comme une dose équivalente en cyclophosphamide (CED) supérieure à 6 000 à 8 000 mg/m²(3). Chez les garçons, la biopsie testiculaire pour congélation de tissu est recommandée uniquement chez les patients prépubères qui vont recevoir un traitement à haute dose d’agents alkylants (CED légèrement inférieur à celui fixé chez les filles), une radiothérapie ou un traitement de conditionnement avant une greffe de moelle(4). Cette option est également préconisée chez les patients péripubères chez qui il n’a pas été possible de récupérer des spermatozoïdes soit par éjaculation assistée, soit par biopsie testiculaire.
Les recommandations françaises
Depuis 2022, la France possède ses propres recommandations qui sont très similaires à celles du consortium PanCareLIFE(5). Elles stipulent que, chez les femmes, un conseil de préservation de la fertilité doit être systématiquement proposé entre 15 et 38 ans, en cas de traitement incluant des agents alkylants, avec une CED supérieure à 6 g/m² ou pour des doses de radiations sur les ovaires supérieures ou égales à 3 Gy.
Pour les patientes postménarchiques, la vitrification ovocytaire après stimulation ovarienne est la technique de préservation de la fertilité de première intention. La cryopréservation du tissu ovarien doit être discutée comme approche de première ligne en cas de traitement avec un risque élevé de gonadotoxicité, lorsque la chimiothérapie a déjà commencé ou dans les cas d’urgence. La transposition ovarienne doit être envisagée avant une radiothérapie pelvienne impliquant un risque élevé d’insuffisance ovarienne prématurée. Chez les filles prépubères, la cryopréservation du tissu ovarien doit être proposée en cas de traitement présentant un risque élevé de gonadotoxicité.
Chez les garçons pubères, la cryopréservation de sperme doit être systématiquement proposée à tout patient devant subir un traitement contre le cancer, indépendamment de la toxicité. La cryopréservation du tissu testiculaire doit être proposée aux garçons incapables de conserver du sperme, lorsqu’ils doivent subir un traitement avec un risque moyen ou élevé de gonadotoxicité.
Chez les garçons prépubères, la préservation du tissu testiculaire est recommandée pour une chimiothérapie avec une CED ≥ 7 500 mg/m² ou une radio‐ thérapie ≥ 3 Gy sur les deux testicules et proposée pour une chimiothérapie avec une CED ≥ 5 000 mg/m² ou une radiothérapie ≥ 2 Gy.
À ce jour, il existe très peu d’études à long terme. Le taux de retransplantation est faible, de 2 % seulement (3/149)(6). En revanche, plus de 200 naissances ont été observées chez les adultes, avec un taux de réussite de grossesse d’environ 30 %(7). Toutefois, les patientes concernées sont encore jeunes, ce qui soulève la question du risque de retransplantation de la maladie ; 12 % du tissu cryoconservé présenterait un risque de contamination(8). Par conséquent, la transplantation de tissu ovarien doit encore être considérée comme expérimentale chez les filles prépubères.
D’après la communication du Dr Marc Kanbar, « Préservation de la fertilité avant la puberté : Qu’avons‐nous appris du suivi à long terme des patient(e)s ? »,
29es journées de la FFER, Brest, septembre 2024.
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