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Publié le 14 juin 2018Lecture 7 min

Du nouveau en biométrie fœtale !

Jean-Marc LEVAILLANT et coll.*, Commission échographie et commission médecine fœtale, Collège national des gynécologues obstétriciens français

Chaque année, plus de 800 000 grossesses sont suivies en France. Au cours des 3 échographies réalisées pour leur suivi, ce sont pratiquement 10 millions de mesures (LCC, BIP, PC, PA et LF) par an qui sont donc réalisées. Le dépistage des fœtus petits pour l’âge gestationnel (PAG) et en retard de croissance intra-utérin (RCIU), ou au contraire des fœtus macrosomes, est la première raison de la réalisation de ces mesures(1).

Il est donc essentiel pour apprécier ces mesures, d’utiliser des référentiels récents, précis, méthodologiquement indiscutables, extrêmement stables et validés. Plusieurs dizaines de publications proposent des courbes de référence ou des équations pour la datation de la grossesse, l’évaluation de la biométrie ou encore le calcul et l’évaluation de l’estimation de poids fœtal (EPF)(2-4). En pratique, trois grandes approches peuvent être distinguées pour apprécier les biométries et la croissance fœtale. L’approche descriptive, l’approche customisée (ou ajustée) et l’approche prescriptive. En pratique, il est temps que nous nous intéressions à l’applicabilité de ces trois approches sur la population française et il semble logique de s’intéresser aux publications les plus récentes pour statuer sur le meilleur outil à utiliser en France pour se rapprocher des normes internationales. Pour faire le point sur ce sujet essentiel et passionnant, nous reprenons ici les principales conclusions d’une réunion récente d’un groupe de travail(5) qui a rassemblé des membres des différentes sociétés savantes impliquées en échographie fœtale, de même que des experts des différentes approches. • L’approche descriptive est l’approche historiquement utilisée en prénatal. Elle consiste à établir une « référence » à partir d’une population peu ou pas sélectionnée de fœtus. La distribution observée (après exclusion éventuelle de certains cas sur des critères prédéfinis) est considérée comme la référence valide. Les courbes du CFEF, actuellement recommandées, sont un exemple typique de courbes descriptives(6-8). Avec cette approche, se pose la question de la généralisation de la référence. Est-elle applicable sur la seule population dont elle est issue ou peut-elle être appliquée à d’autres populations ? Se pose également la question de la réactualisation de cette référence. Tous les ans, tous les 10 ans ? Surtout, il faut noter que, par définition, les 10 % les plus petits de la distribution seront considérés inférieurs au 10e percentile ; les 10 % les plus gros seront considérés supérieurs au 90e percentile... Ainsi, cette approche, si elle est correctement appliquée, fixe qu’à tout moment et dans toute population, il y a 10 % de fœtus inférieurs au 10e percentile, donc 10 % de PAG et 10 % supérieurs au 90e percentile donc 10 % de macrosomes. Cette approche ne décrit donc pas la croissance idéale d’un fœtus, mais représente une « photographie » des biométries ou de la croissance fœtale dans une population donnée à un instant donné, effaçant les possibles déviations de la croissance tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle d’une population. L’approche ajustée ou customisée vise à « personnaliser » la référence en tenant compte de critères maternels (taille, poids, parité, parfois ethnie) et fœtaux (sexe). Ainsi, la référence établie sur une population est adaptée à chaque patiente et même à chaque grossesse. Cette approche a été développée pour le poids de naissance et l’estimation de poids fœtal, mais n’existe pas en France pour les paramètres biométriques échographiques(9,10). Toutefois, elle repose, là encore, sur des données observées en population (descriptives), sur lesquelles des modélisations statistiques sont appliquées. Celles-ci reposent sur des observations anciennes de modèle de croissance fœtale et des hypothèses statistiques. Cette approche a son intérêt en échographie diagnostique de 2e intention telle que recommandé par les RPC de 2013, après s’être assuré de l’absence d’autres anomalies associées. L’approche prescriptive est relativement nouvelle en prénatal et a été recommandée en 1995 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS/WHO) pour l’évaluation de la croissance pédiatrique(13). Elle vise à établir un standard biométrique et de croissance chez les fœtus dans des conditions optimales de santé et d’environnement. La population utilisée pour établir ces standards est donc très sélectionnée, sur des critères géographiques de population (environnement, altitude, absence de pollution, etc.) mais également sur des critères individuels (absence de comorbidité, état de santé, niveau socio-économique, etc.). Un des questionnements de cette approche est la généralisation de ce standard pour toutes les populations. En effet, si l’on estime l’effet éventuel de l’ethnicité peu significatif et non estimable(14), l’inadéquation entre la distribution dans une population et le standard traduit non pas l’inadéquation du standard mais une différence socio-économique, environnementale ou plus généralement d’état de santé de la population testée. Cette approche prescriptive a été appliquée dans l’étude OMS et dans l’étude INTERGROWTH-21st(15-22). Elle semble particulièrement séduisante et intéressante, et répond aux exigences de l’OMS et au nécessaire continuum avec l’approche dorénavant utilisée en post-natal. Parmi les deux grandes études existantes, l’approche développée par INTERGROWTH-21st présente l’avantage de proposer un jeu complet et homogène de standards, utilisables pour l’ensemble du suivi pré- et postnatal. Par ailleurs, sur le plan méthodologique dans cette étude, les mesures étaient réalisées en aveugle et sur un échantillon de plus grande taille que l’étude de l’OMS. Les courbes prescriptives de croissance fœtale, telles que celles présentées dans l’étude INTERGROWTH-21st décrivent un modèle optimal de croissance applicable dans le monde entier et permettant de repérer toute déviation significative par rapport à ce modèle, que cette déviation soit en rapport avec des conditions pathologiques réelles ou simplement environnementales. En outre, une étude a montré l’applicabilité de cette approche en France(23). Ainsi, il faut aujourd’hui recommander : de préférer une approche prescriptive ; d’utiliser des données : – récentes, – internationales, – acquises : • en aveugle • avec un strict contrôle de qualité • sur une population : – à bas risque parfaitement identifiée, – suivie dès le début de la gestation jusqu’à deux années après la naissance, – modélisées avec précision et dans les règles de l’art, – autorisant : • l’évaluation et la comparaison des pratiques, • des collaborations et recherches internationales ; d’utiliser un « kit biométrique » cohérent regroupant l’ensemble des paramètres nécessaires (datation, croissance, estimation pondérale). En conséquence, les standards INTERGROWTH-21st, validés sur les données biométriques actualisées du CFEF pour la population française(23), représentent la solution de choix pour le dépistage échographique des anomalies de croissance des grossesses uniques ou multiples (ces formules sont données en annexe). L’utilisation de ces standards, qui devrait s’appliquer dans le courant de l’année 2018, concerne : – la détermination de l’âge gestationnel à partir de la LCC(19), – l’évaluation des biométries fœtales(18), – le calcul et l’évaluation de l’EPF(22). L’utilisation des standards INTERGROWTH-21st s’inscrit dans la continuité des RPC du CNGOF de 2013. Ces RPC recommandaient l’utilisation pour le dépistage des courbes établies par le CFEF. Les nouvelles courbes INTERGROWTH-21st, validées sur les données biométriques actualisées du CFEF(23) devraient donc bientôt les remplacer. Une coordination avec les autres sociétés savantes, en particulier en gynécologie-obstétrique, en biologie et en pédiatrie est désormais nécessaire. En effet, si l’utilisation généralisée et homogène de standards internationaux représente une première avancée majeure dans notre domaine, il convient maintenant de définir, pour ces standards, les seuils de mesure nécessitant une prise en charge adaptée aux fœtus PAG ou macrosomes. La définition consensuelle de ces seuils (EPF au 3e, 5e, 10e ou 15e percentile pour les PAG et 85e, 90e, 95e ou 97e pour les macrosomes), adaptée à notre population et à nos objectifs de santé périnatale, est un prérequis essentiel pour l’utilisation de ces nouveaux standards et pour l’établissement de nouvelles recommandations. De plus, pour accompagner cette évolution, seront proposées : – des réunions permettant de faciliter la mise en place de ces standards avec les constructeurs de machines d’échographie et les concepteurs de logiciels, – des communications multiples dans les rencontres et congrès professionnels français, – la publication d’une fiche pratique, disponible également en ligne, explicitant ces recommandations, – la mise en place d’un outil en ligne permettant l’ensemble des calculs à partir des données échographiques. Enfin, une évaluation de l’effet de ces recommandations auprès des professionnels sera assurée avec la mise en place d’un comité de surveillance multidisciplinaire.

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