Publié le 11 juil 2018Lecture 5 min
Le recul des indications chirurgicales en gynécologie
D’après un entretien avec Hervé FERNANDEZ, CHU du Kremlin-Bicêtre
L’arrivée sur le marché français en août 2013 de l’acétate d’ulipristal, un modulateur sélectif de la progestérone (SPRM), indiqué dans le traitement du fibrome, a permis de réduire sensiblement le nombre d’interventions chirurgicales pour ce motif.
Les SPRM révolutionnent le traitement médical du fibrome
L’acétate d’ulipristal a obtenu une AMM européenne en 2012 et l’année suivante il a été autorisé en France pour le traitement des fibromes avec des symptômes modérés à sévères. En 4 ans, on a observé une baisse de 15 % des interventions chirurgicales liées au fibrome, qu’elles soient radicales ou conservatrices. « C’est la première fois que l’on enregistre une réduction de ces chirurgies », observe le Pr Fernandez.
Le schéma thérapeutique, d’un comprimé à 5 mg par jour pendant 3 mois, permet un contrôle des saignements chez 90 % des patientes et une réduction de 20 à 36 % du volume des fibromes selon les études (PEARL I et II).
Si la réduction de taille de la tumeur est jugée insuffisante pour faciliter l’abord chirurgical ou pour éviter l’opération, on prescrit une deuxième séquence thérapeutique de 3 mois, 2 mois après la fin de la première. « En Grande-Bretagne et au Canada les recommandations proposent de faire 4 séquences successives, séparées de 2 mois chacune, avant d’envisager une quelconque indication opératoire » précise le Pr Fernandez.
Une étude européenne, portant sur 1 500 femmes avec une indication chirurgicale pour fibrome, a montré qu’après 3 mois d’acétate d’ulipristal, moins d’une patiente sur deux a été opérée dans l’année qui a suivi.
L’acétate d’ulipristal, ayant une action sélective sur les récepteurs de la progestérone, le traitement a moins d’effets secondaires liés à l’hypo-estrogénie (bouffées de chaleur, maux de tête...). « Et c’est le premier traitement médical du fibrome qui évite une récidive de la tumeur, puisque le blocage des récepteurs à la progestérone induit une apoptose cellulaire ».
« Ce nouveau traitement médical a un intérêt tout particulier dans deux tranches d’âges, les femmes de plus de 48 ans et celles de moins de 40 ans ». Chez les plus de 48 ans, la possibilité de prescrire jusqu’à 4 séquences successives espacées de 2 mois chacune permet d’arriver jusqu’à l’âge de la ménopause et d’éviter l’opération. Chez les moins de 40 ans, surseoir à l’intervention permet d’éviter des complications comme les synéchies ou les adhérences intra-abdominales qui risquent d’empêcher ou de compliquer une grossesse.
En outre, le traitement médical du fibrome par l’acétate d’ulipristal, en diminuant le nombre de chirurgies, a permis une économie de santé de 8,5 millions d’euros entre 2013 et 2016, comme le montre une étude récente publiée dans le BMJ par l’équipe du Pr Fernandez(1). Une projection jusqu’en 2019 estime cette économie à 37,4 millions d’euros. Enfin, les interventions chirurgicales pour fibrome ont profité des progrès liés à l’utilisation de l’énergie bipolaire en hystéroscopie.
Endométriose, de nouvelles recommandations précisent les stratégies thérapeutiques
Bien qu’il n’y ait pas de grand changement dans le traitement de l’endométriose, de nouvelles recommandations précisent les stratégies de prise en charge permettant de réduire au maximum les indications chirurgicales. Il importe notamment de bien distinguer le traitement de la douleur, de celui de la fertilité. Le traitement de la douleur de l’endométriose est avant tout médical. En première intention, il repose sur les estroprogestatifs en continu ou en discontinu. Étant donné que la majorité des patientes ont une dysménorrhée, il est préférable de supprimer les règles et de choisir un schéma continu. En cas de spotting, ce schéma peut être aménagé pour contrôler au mieux à la fois la douleur et les saignements : par exemple, un traitement continu 3 mois, puis arrêt d’une semaine avant la séquence suivante de 3 ou 4 mois.
L’étape supérieure repose sur l’administration d’un progestatif efficace, le diénogest, qui malheureusement n’est pas remboursé en France (contrairement à tous les autres pays européens). À défaut, on peut choisir un traitement macroprogestatif en continu (acétate de chlormadinone).
En cas d’échec de ces traitements, on a recours aux agonistes de la GnRH avec add-back therapy, afin d’éviter les effets indésirables des agonistes. Le traitement consiste en une injection trimestrielle d’un agoniste de la GnRH, suivie 15 jours plus tard de la prescription quotidienne d’un estrogène ou d’une association estrogène et progestatif (comme un traitement substitutif de la ménopause). Ce traitement est prescrit un an.
« Il n’y a actuellement pas de place pour les modulateurs sélectifs de la progestérone dans le traitement de l’endométriose, les essais cliniques débutant à peine dans cette indication » précise le Pr Fernandez.
On parvient à contrôler le problème de la douleur par un traitement médical chez 90 % des femmes souffrant d’endométriose. La chirurgie pour douleur, quelle que soit l’extension de l’endométriose dans l’abdomen, ne concerne que les patientes qui échappent au traitement médical ou présentant des situations bien particulières, comme une sténose urétérale avec dilatation pyélocalicielle ou une sténose d’un côlon responsable d’occlusion, éventualités rares, ou de dyspareunies rebelles en lien avec un nodule de la cloison rectovaginale.
Préserver les possibilités de grossesse
« Quand la femme souhaite une grossesse à court terme, il faut se tourner vers une fécondation in vitro, explique le Pr Fernandez. Lorsqu’elle est jeune et qu’elle ne souhaite pas un enfant dans l’immédiat, il faut discuter avec elle d’une préservation de la fertilité avec conservation d’ovocytes ou d’embryons. Cette possibilité est prévue par la loi, mais pas encore très utilisée ; elle le sera de plus en plus à l’avenir. »
Enfin, s’il y a de gros kystes endométriosiques, on peut envisager une intervention chirurgicale. « Il faut alors faire très attention de ne pas altérer la réserve ovarienne au cours de la kystectomie, insiste le Pr Fernandez. Pour cela, il faut privilégier l’utilisation d’une technique opératoire parfaite pour retirer le kyste sans lésion vasculaire du hile de l’ovaire et sans ovariectomie partielle associée, ou utiliser de l’énergie plasma qui ne détruit pas les issus en profondeur et qui préserve ainsi les follicules. Dans tous les cas, qu’elle soit pour infertilité ou pour la douleur, l’intervention chirurgicale doit traiter l’ensemble des lésions et être la plus complète possible, car on n’opérera qu’une fois. Si une grossesse n’est pas envisagée à court terme, des estroprogestatifs en continu sont prescrits après chirurgie pour bloquer les règles et éviter les récidives. »
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