Publié le 12 déc 2012Lecture 7 min
Synéchies utérines et infertilité. Pronostic de la section hystéroscopique et prévention de la récidive
C. FREY, C. PONCELET, CHU Jean Verdier, Bondy
Le succès du traitement endoscopique des synéchies utérines dans le cadre de l’infertilité est corrélé au taux de conception postopératoire. Cet enjeu fonctionnel dépend de la sévérité des lésions initiales, de leur localisation et du nombre de gestes nécessaires. La prévention des récidives est donc fondamentale. Bien que la littérature soit encore pauvre en études prospectives, le choix d’une technique opératoire adaptée, l’utilisation de barrières antiadhérentielles et la réalisation d’une hystéroscopie de contrôle semblent conseillés pour limiter le risque de récidive.
Les synéchies ont été décrites en 1948 par Asherman, dont le syndrome du même nom correspond à un accolement partiel ou complet des parois utérines. Ce dernier est secondaire à un traumatisme de la cavité utérine en période gravide ou non, ou la séquelle d’une infection, en particulier après tuberculose génitale(1,2). La symptomatologie qui en découle est dominée par les troubles du cycle, une infertilité et la survenue de fausses couches spontanées(3). Le diagnostic peut être fait à l’aide de l’hystérosalpingographie, d’une hystéroscopie ou d’une hystérosonographie. Le traitement des synéchies repose sur la réalisation d’une hystéroscopie opératoire, qui permet : – la description précise des lésions ; – la restauration d’une cavité utérine de morphologie normale ; – la prévention des réaccolements postopératoires. Cependant, tout geste hystéroscopique peut en lui-même être responsable de synéchies, si bien que l’enjeu majeur devient la prévention de leur survenue. De nouvelles stratégies ont été élaborées ces dernières années, en particulier l’utilisation de gels antiadhérentiels, mais leur efficacité anatomique et fonctionnelle dans la prévention des synéchies après hystéroscopie opératoire est encore peu documentée(4). Classifications des synéchies Plusieurs classifications existent. Elles ont été établies en se basant sur les constatations faites en hystéroscopie et/ou hy s térosalpingographie. Aucune n’a démontré sa supériorité par rapport aux autres. Les plus couramment utilisées sont celles de March(5) et celle de la Société américaine de fertilité(6) (tableaux 1 et 2). Cette dernière prend d’ailleurs en considération les troubles fonctionnels, notamment menstruels, mais ne précise pas la localisation de la synéchie. Fertilité après cure hystéroscopique de synéchie Pabuccu et coll. en 2008, à l’aide d’une revue de la littérature concernant le traitement hystéroscopique des synéchies tous stades confondus, ont retrouvé un taux de grossesses vivantes suite au geste opératoire allant de 20 à 70 %(7). Roy et coll., en 2010, ont mis en évidence un taux de conception de 60 % à 1 an de la chirurgie et de 95 % à moins de 2 ans(8). Selon les auteurs, la section hystéroscopique des synéchies est le traitement de choix. Impact de la sévérité des synéchies Selon les séries, le taux de conception varie de 16 à 33 % en cas de synéchie sévère à 51 à 58 % en cas de synéchie légère(8,9). Stade I : score de 1 à 4 - Stade II : score de 5 à 8 - Stade III : score de 9 à 12. En revanche, les taux de naissances vivantes sont très variables, avec des résultats allant de 0 à 66 % en cas de synéchie sévère, et de 44 à 94 % en cas de synéchie légère, selon les mêmes auteurs(8,9). Le pronostic des synéchies légères en termes de taux de conception postopératoire semble donc meilleur. Impact de la localisation des synéchies La localisation cervico-isthmique semble de pronostic plus favorable en termes de grossesse, comme l’ont souligné Kdous et coll. en 2003, avec un taux de conception de 31 % en cas de localisation corporéale versus 73 % en cas de localisation cervico-isthmique, et un taux de naissances vivantes de 30 % en cas de localisation corporéale versus 46 % en cas de localisation cervicoisthmique(9). Impact des sections itératives Le pronostic en termes de fertilité est réservé en cas de gestes endoscopiques itératifs. Kdous et coll. ont en effet rapporté un taux de conception de 47 % et un taux de naissances vivantes de 35 % après une seule hystéroscopie, alors que ces mêmes taux passaient à respectivement 33 % et 0 % après 2 et 3 gestes endoscopiques respectivement(9). Reformation des synéchies après le geste opératoire Elle est en corrélation directe avec le taux de conception postopératoire. La reformation des synéchies est mise en évidence au cours d’une hystéroscopie diagnostique 2 mois après la chirurgie. Yu et coll., en 2008, ont observé un taux de conception de 59% en cas d’hystéroscopie de contrôle normale, contre 12 % en cas de synéchie(10). Le risque de reformation des adhérences intracavitaires est majoré en cas de synéchie utérine complexe initialement. Il en découle que la mise en oeuvre de moyens préventifs est à privilégier. Moyens de prévention Les différents moyens médicamenteux décrits dans la littérature se sont tous avérés décevants, qu’ils aient été utilisés en pré- ou en postopératoire. Les thérapies hormonales, notamment les estrogènes utilisés avant ou après le geste chirurgical dans le but de favoriser la prolifération endométriale, n’ont pas montré leur efficacité(11). Les progestatifs, les analogues de la LHRH et le danazol n’ont, quant à eux, montré leur efficacité que dans la réduction du temps opératoire(12-14). L’antibiothérapie systématique n’est pas non plus recommandée(15). La pose d’un dispositif intrautérin ou d’une sonde de Foley en fin de geste endoscopique ne réduit pas non plus le taux de synéchies postopératoires(16,17). Choix de la technique hystéroscopique et contrôle postopératoire La prévention la plus efficace parait reposer sur le choix de la technique hystéroscopique. En effet, les techniques les moins invasives sont à privilégier, à savoir une section par électrode bipolaire en milieu salin, même si son impact moindre dans la reformation d’adhérences n’a pas été montré après section de synéchies mais après résection de fibromes sousmuqueux(18). La réalisation d’une hystéroscopie diagnostique de contrôle, à distance du geste opératoire, est efficace dans le diagnostic et le traitement de la récidive lorsqu’elle est peu importante(19). Les barrières antiadhérentielles L’acide hyaluronique sous forme de gel autoréticulé semble aujourd’hui l’agent antiadhérentiel le plus adapté à une utilisation en hystéroscopie. Il est commercialisé sous le nom de Hyalobarrier® et possède un marquage CE dans son utilisation en hystéroscopie. Ce gel biocompatible, biodégradable, non inflammatoire et non allergénique a déjà montré son efficacité dans la prévention des adhérences après chirurgie abdomino-pelvienne(20). Les études concernant son efficacité dans la prévention des synéchies après hystéroscopie opératoire sont plus limitées. Guida et coll. en 2004, dans une étude prospective randomisée, ont montré une réduction des synéchies postopératoires dans le groupe avec Hyalobarrier® : 17 patientes sur 65, soit 26 % dans le groupe hystéroscopie seule, versus 7 patientes sur 67, soit 10 % dans le groupe hystéroscopie avec Hyalobarrier®(21). Il faut cependant noter que, dans cette étude, les indications opératoires n’étaient pas des synéchies mais des fibromes, des polypes et des cloisons. Acunzo et coll. en 2003, dans une étude prospective randomisée portant sur 92 patientes présentant des synéchies, ont montré un taux de récidive dans le groupe avec utilisation de Hyalobarrier® nettement moins important que dans le groupe avec traitement hystéroscopique seul : 14 % contre 32 %(22). Cependant, l’impact sur la fertilité ultérieure n’a pas été étudié. Prise en charge des synéchies : un enjeu anatomique et surtout fonctionnel… Récemment, Picketty et coll. se sont interrogés sur le bénéfice de la section hystéroscopique des synéchies(23). Leur conclusion est que, dans le contexte de l’infertilité, la balance est en faveur du geste endoscopique. Afin de minimiser la reformation d’adhérences postopératoires, il semble judicieux de confier la réalisation de ce geste à des équipes entraînées : – utilisant le courant bipolaire, – ayant accès aux agents antiadhérentiels, – et pouvant réaliser le contrôle hystéroscopique ambulatoire indispensable à 2 mois de la chirurgie.
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