Publié le 13 mar 2018Lecture 8 min
Impact du statut en vitamine D sur la fertilité féminine
Sophie DUBOURDIEU, CHU de Nantes
Un net regain d’intérêt pour la vitamine D est apparu ces dernières années concernant son rôle potentiel dans la reproduction humaine. La fécondation in vitro représente dans ce contexte un excellent modèle d’étude. L’objectif de cet article est de clarifier l’état des connaissances actuelles sur la vitamine D et la fertilité féminine.
Le déficit en vitamine D est fréquent, touchant l’ensemble de la population mondiale. Alors que son impact sur la fertilité a été bien démontré dans le modèle animal, celui sur la fertilité humaine reste encore controversé.
Physiologie de la vitamine D
Bien plus qu’une « simple » vitamine, la vitamine D doit être plutôt considérée comme une « pro-hormone ». En effet, la peau peut la synthétiser à partir du 7-déhydrocholestérol sous l’influence du rayonnement ultraviolet B et cette synthèse cutanée représente sa principale source d’apport. La vitamine D va subir une première hydroxylation hépatique pour former la 25-hydroxy-vitamine D(25(0H)D). Cette dernière représente la forme de réserve, principalement dans le tissu adipeux. La deuxième hydroxylation, effectuée au niveau rénal, aboutit à la forme active de la vitamine D : le calcitriol ou la 1,25 dihydroxy-vitamine D(1,25(OH)2D). Cette dernière agit via un récepteur nucléaire spécifique, le VDR présent dans de nombreux tissus. La 1,25(H)2D peut exercer des effets endocrines ainsi que des effets que l’on peut qualifier d’autocrines puisque de nombreux tissus, n’ayant rien à voir avec le métabolisme phosphocalcique, tels que l’hypothalamus, l’hypophyse, le tissu ovarien, utérin, testiculaire expriment le VDR.
S’il est maintenant acquis que le statut vitaminique D doit être évalué par la mesure de la 25(OH)D, la détermination des valeurs de référence n’est pas encore consensuelle. Pour de nombreuses sociétés savantes, dont la Société américaine d’endocrinologie, l’insuffisance en vitamine D est définie par un taux de 25(OH)D < 30 ng/ml et la carence en vitamine D est définie par un taux de 25(OH)D < 20 ng/ml. Pour d’autres, comme l’Institute of Medicine, une concentration ≥ 20 ng/ml est jugée comme suffisante et une concentration de 30 ng/ml ne serait pas toujours associée à un réel bénéfice.
Prévalence de la vitamine D
En France, selon l’Étude nationale nutrition santé 2006-2007(1), 81 % des femmes avaient une concentration sérique en 25(OH)D < 30 ng/ml et 49 % une concentration sérique en 25(OH)D < 20 ng/ml.
Aux États-Unis, la prévalence de la carence en vitamine D chez les femmes en âge de procréer est de 31 %. Il existe une très nette différence interraciale de statut en vitamine D puisque, selon les études, 82,1 % à 88 % des femmes noires afro-américaines sont déficitaires, suivies par les femmes asiatiques (83 %) et les femmes blanches d’origine hispanique (69,2 %).
Vitamine D et reproduction
Si son rôle dans la fertilité a bien été démontré dans le modèle animal, les mécanismes impliqués restent encore discutés. Notamment, il n’est pas possible de conclure sur un effet direct du déficit en vitamine D ou indirect via l’hypocalcémie qu’elle induit. Chez la femme, le récepteur VDR est présent au niveau de l’hypothalamus, l’hypophyse, l’endomètre et les ovaires. In vitro, sur un modèle de cellules de la granulosa obtenues après un recueil ovocytaire en fécondation in vitro (FIV), la vitamine D joue un rôle sur la stéroïdogenèse ovarienne en simulant la synthèse de la progestérone, ainsi que celle de l’estradiol. Elle exerce par ailleurs un effet inhibiteur certain sur l’expression des récepteurs de type II de l’AMH (AMHR-II) et plus modéré sur l’expression des récepteurs de la FSH (FSHR). La vitamine D joue un rôle positif sur l’implantation via une action sur la régulation de l’expression endométriale du gène HOX 10A, impliqué dans la réceptivité endométriale. Elle possède également un rôle immunomodulateur contribuant à l’implantation via une action sur la sécrétion de certaines cytokines par les cellules utérines natural killer.
Le modèle de la fécondation in vitro
La fécondation in vitro représente un excellent modèle d’étude du rôle de la vitamine D sur les différentes étapes de la reproduction et l’analyse des données actuelles permet de se poser un certain nombre de questions et d’y répondre.
La prévalence du déficit en vitamine D est-elle différente au sein de la population infertile et différente selon le type d’infertilité ?
La prévalence de la carence en vitamine D ne semble pas plus importante chez les femmes infertiles comparativement aux données épidémiologiques de chaque pays. Il semble difficile d’affirmer qu’il existe une association certaine entre le statut en vitamine D et un type spécifique d’infertilité. Concernant l’endométriose, les données sont contradictoires avec, pour certaines études, des valeurs hautes de vitamine D observées chez les patientes porteuses d’endométriose et, pour d’autres, pas de différence significative comparativement aux femmes normales. Concernant le syndrome des ovaires polykysiques (SOPK), si certaines équipes ont rapporté un taux bas de vitamine D, He dans une métaanalyse récente, ne rapporte pas de différence significative entre les femmes SOPK et les femmes contrôles.
Le statut en vitamine D affecte-t-il le taux de grossesses en FIV ?
Les résultats des différentes études sont contradictoires. Pour 6 des études publiées, il existe une corrélation positive entre la concentration en vitamine D et l’obtention d’une grossesse en FIV. À l’inverse, 7 études ne montrent aucun impact du statut en vitamine D sur les taux de grossesses en FIV. Une métaanalyse récente(2) a retenu 5 études parmi les précédentes et ne rapporte pas de corrélation significative entre une carence en vitamine D et un taux bas de grossesses cliniques en FIV (RR : 0,88, IC : 0,69-1,11). En revanche, la carence en vitamine D est associée à un taux de naissances vivantes significativement plus bas (RR : 0,75, IC : 0,61-0,93), mais pour cette analyse, seules 3 des 5 études ont été retenues par les auteurs. Il est intéressant de noter que l’impact de la vitamine D sur les taux de grossesses en FIV pourrait être différent selon l’origine ethnique des patientes. Ainsi, pour Rudick(3), si le taux de grossesses s’abaisse de manière significative avec la diminution de la concentration en vitamine D (51 % vs 19 %, p = 0,04) chez les femmes caucasiennes, des résultats inverses sont observés au sein de la population asiatique (14 % vs 64 %, p = 0,01). Enfin, une seule étude a rapporté un impact négatif de la vitamine D sur l’issue de la FIV.
Le statut en vitamine D affecte-t-il la réponse ovarienne lors d’un cycle de stimulation en FIV ?
Malgré l’effet démontré in vitro de la vitamine D sur la stéroïdogenèse ovarienne, les différentes études ne mettent pas en évidence d’impact de la concentration en vitamine D sur la réponse ovarienne et ce, quel que soit le protocole de simulation utilisé.
Le statut en vitamine D affecte-t-il la qualité embryonnaire ?
Seul Anifandis rapporte une corrélation négative entre la 25(OH)D mesurée dans le liquide folliculaire et la qualité embryonnaire (r =-0,27, p < 0,05). A contrario, pour 3 autres études, le pourcentage de femmes chez lesquelles il est possible d’effectuer un transfert d’un blastocyste est significativement plus élevé dans le groupe non carencé en vitamine D.
Le statut en vitamine D affecte-t-il l’implantation ?
Si l’impact de la vitamine D n’est ni principalement ovocytaire, ni embryonnaire, son action est donc plus probablement endométriale. Quatre études examinent cette hypothèse (tableau). Rudick est le premier à avoir proposé le modèle de don d’ovocytes qui permet de mieux apprécier le rôle de l’endomètre et est le seul à avoir rapporté une association négative entre un taux de vitamine D < 30 ng/ml et le pourcentage de grossesses obtenues. À l’inverse, les 3 autres études ne montrent aucun impact du statut en vitamine D sur l’implantation. Franasiak a rapporté les résultats d’une étude rétrospective analysant l’impact de la concentration en vitamine D sur le taux d’implantations et le taux de grossesses pour 517 femmes recevant le transfert d’un blastocyste euploïde après screening génétique. L’analyse ne met pas en évidence de corrélation entre le taux de vitamine D et le taux de grossesses. Enfin, dans une étude prospective récente portant sur 280 patientes recevant un transfert de blastocyste congelé et chez lesquelles le dosage de la vitamine D a été réalisé le jour même du transfert, Van de Vijver(4) ne montre pas d’impact de la concentration en vitamine D sur le taux de grossesses.
Une supplémentation en vitamine D permet-elle d’améliorer le taux d’implantations ?
À ce jour, une seule étude randomisée iranienne portant sur un petit effectif de patientes suivies en FIV/ICSI, avec transfert différé d’embryon congelé, permet de répondre à cette question. Cent quatorze femmes insuffisantes et carencées ont été incluses et divisées en 2 groupes de 57 patientes, le premier étant traité par de la vitamine D et le 2e non traité. Au total, 106 femmes ont bénéficié d’un transfert d’embryon congelé. Il n’a été observé aucune différence entre les groupes de femmes non traitées ou traitées en termes de grossesses cliniques (21,80 % vs 25,50 % respectivement, p = 0,81).
Variation saisonnière de la vitamine D et impact sur l’issue de la FIV ?
Une autre manière d’aborder l’impact potentiel de la vitamine D sur les résultats de la FIV est d’observer si ces derniers varient en fonction de la saison durant laquelle la tentative est réalisée. Une fois encore, les études ne sont pas toutes concordantes. Pour Rojanski, c’est au printemps que le taux de fécondations et le pourcentage de top embryons sont au plus haut, alors que le taux de grossesses est au plus bas. À l’inverse, c’est à l’automne que le taux de grossesses est au plus haut alors que le taux de fécondations et le pourcentage de top embryons est au plus bas. À l’inverse, Wunder(5) en 2005, dans une très large étude rétrospective portant sur 7 368 cycles de FIV réalisés en Suisse, ne retrouve aucune différence significative selon la saison pour les taux de fécondations, d’implantations et de grossesses.
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