Imagerie
Publié le 09 mar 2016Lecture 6 min
Les duplications digestives, un cas de duplication gastrique
M. LAMBERT, CPDPN, Créteil
Les duplications digestives sont des entités assez rares, mais qui doivent être évoquées à l’échographie fœtale devant une image anéchogène uniloculaire à paroi régulière plutôt épaisse, de situation contiguë ou à la périphérie du tube digestif et ce, de la bouche à l’anus. L’affirmation du diagnostic en période prénatale est difficile, mais sa possibilité rend nécessaire un bilan échographique méticuleux à la recherche d’éléments malformatifs associés ainsi que la proposition d’un caryotype fœtal. Selon la situation et le volume de la lésion, on devra anticiper d’éventuelles complications afin de préparer la prise en charge chirurgicale du nouveau-né, voire organiser un transfert in utero si le degré d’urgence l’exige.
Madame T. se présente pour une première échographie à 12 SA et 3 jours. Les paramètres requis à l’examen du 1er trimestre sont normaux, la longueur crânio-caudale (LCC) est de 61,4 mm, la clarté nucale est mesurée à 0,89 mm. On remarque la présence d’une image additionnelle ronde, anéchogène, intra-abdominale, juxta-gastrique, de volume comparable à celui de la poche gastrique. Au décours de l’examen, en réunion de diagnostic prénatal, le diagnostic de duplication digestive est évoqué. Les échographies ultérieures (à 18 SA et 3 jours, à 23 SA et 3 jours, à 32 SA et 3 jours) permettent d’objectiver un fœtus eutrophe, sans autre particularité morphologique que cette formation anéchogène intra-abdominale. Après une grossesse d’évolution normale, Mme T. accouche spontanément à 32 SA et 6 jours après rupture spontanée des membranes sans menace d’accouchement préalable et sans facteur étiologique identifiable, d’un garçon de 1 840 g d’apgar 8/8/10. La prise en charge postnatale, notamment la tomodensitométrie, permet de confirmer le diagnostic de duplication gastrique isolée. Le développement staturo-pondéral de l’enfant est normal, mais un reflux gastro-oesophagien persistant conduit à l’indication d’une résection chirurgicale de la duplication, qui est réalisée à 5 mois de vie par laparoscopie. Les suites sont simples. Le petit garçon âgé de 4 ans à l’heure actuelle présente un développement psychomoteur et staturo-pondéral normal. Du suivi échographique on retient que l’évolution foetale était normale et que cette malformation n’a en rien affecté la croissance ou les fonctions vitales du foetus, que la situation, l’aspect et le volume de l’estomac ont été sans particularité aux différents examens. La quantité de liquide amniotique est restée normale du début du suivi échographique jusqu’à l’accouchement. Enfin, puisque nous avions à notre disposition les paramètres échographiques de la lésion de 12 à 32 SA, nous nous sommes intéressés à l’évolution des dimensions de la lésion par rapport à celles du fœtus. Pour cela, nous avons effectué le rapport entre la circonférence abdominale et le diamètre moyen de l’image additionnelle. On remarque que ce rapport est relativement constant de 12 à 32 SA, situé autour de 5 % (tableau). Il semble donc que la croissance volumétrique de la lésion ait suivi régulièrement la croissance fœtale, sans accélération ni ralentissement sensible. Des anomalies assez rares Les duplications digestives (DD) sont des anomalies congénitales assez rares (1/4 000 à 5 000 naissances vivantes) et représentent 0,2 à 0,3 % de l’ensemble des malformations). Ces lésions produisent à l’échographie une image classiquement anéchogène, à paroi lisse, épaisse, régulière. Elles peuvent se présenter sous forme kystique (90 à 95 % des cas) ou plus rarement tubulaire (5 à 10 % des cas). De dimensions variables, elles siègent de manière contiguë ou à la périphérie du tractus digestif, et ce, de la bouche à l’anus. Parfois communicantes avec le tube digestif, elles sont le plus souvent non communicantes (85 %) et isolées. Les localisations les plus fréquemment retrouvées sont iléales (environ 50 % des cas), puis oesophagiennes (30 % des cas), gastriques (10 %) et colorectales (10 %). Les duplications de localisation buccale sont exceptionnelles mais peuvent conduire à une prise en charge chirurgicale post - natale d’urgence. Toutefois, dans ce dernier cas, la constatation échographique d’une déglutition normale in utero et l’absence d’hydramnios seraient de pronostic plutôt favorable quant à la nécessité d’intervenir en urgence pour lever l’obstacle. La duplication gastrique trans-diaphragmatique est possible, pouvant passer à l’échographie du 2e trimestre pour une hernie diaphragmatique. L’existence de duplications plurifocales associant localisations thoracique et abdominale est possible. Quelles complications ? Les complications prénatales des DD sont essentiellement représentées par l’iléus et la péritonite méconiale. Après la naissance, on peut observer une symptomatologie subocclusive ou occlusive par compression, volvulus ou par invagination intestinale aiguë (IIA). Les circonstances de découverte des DD, parfois à plusieurs années de vie, peuvent également être des douleurs abdominales, une péritonite par perforation, un reflux gastro-oesophagien, une rectorragie, une hématurie, une hémoptysie (à type de traces de sang dans l’expectorat) pour certaines formes thoraciques et, dans de très rares cas de duplication duodénale communicante, une pancréatite aiguë. Confirmation du diagnostic La confirmation du diagnostic de DD est histologique avec l’observation d’une tunique musculaire lisse externe en continuité avec la musculeuse du tube digestif et d’un revêtement interne propre à la duplication, comprenant au moins partiellement de la muqueuse digestive. On doit noter qu’il peut coexister au sein de la même lésion des îlots de muqueuse gastrique, colique et respiratoire. Du tissu pancréatique peut également siéger au sein de la lésion. L’aspect le plus fréquemment observé à l’échographie est celui d’un kyste plus ou moins sphérique uniloculé mesurant de 1 à 10 cm de diamètre. Toutefois, on retrouve dans la littérature des formes de duplications tubulaires mesurées jusqu’à 85 cm à l’examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse. À l’échographie, la paroi de la duplication, de type digestif, comporte une couche externe hypo-échogène correspondant à la couche musculaire lisse et une paroi interne échogène correspondant à la muqueuse. Le contenu de la lésion, classiquement anéchogène peut être, beaucoup plus rarement, échogène en cas d’hémorragie intrakystique, d’infection, de communication avec la lumière digestive. Concernant notre observation, à 12 SA, la coupe selon le grand axe de l’embryon, permet de remarquer une image abdominale additionnelle anéchogène (figure 1) arrondie située à distance de l’estomac, lésion qui, sur une coupe transversale de l’abdomen foetal, produit une image plus petite, qui semble « s’effiler » jusqu’au contact de la poche gastrique (figure 2). Le plus souvent isolée, la DD est associée à une autre malformation dans un tiers des cas (avant tout rachidienne ou pulmonaire). Enfin, la possibilité qu’une DD entre dans le cadre d’une aneuploïdie doit conduire, si l’on s’oriente vers ce diagnostic, à la réalisation d’un caryotype fœtal. Figure 1. 12 SA et 3 jours. Figure 2. 12 SA et 3 jours. Figure 3. 18 SA et 3 jours. Figure 4. 18 SA et 3 jours. Figure 5. 22 SA et 3 jours. Figure 6. 32 SA et 3 jours. Figure 7. Volumes respectifs gastrique et de la duplication en 3D mode sono AVC à 32 SA. Rubrique coordonnée par J.-M. LEVAILLANT, Créteil
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