Publié le 09 mar 2016Lecture 5 min
Aplasie vaginale : annonce et prise en charge
C. LOUIS-SYLVESTRE, Département mère-enfant, Institut Mutualiste Montsouris, Paris ; Centre de Référence des Pathologies Gynécologiques Rares (CRPGR)
L’aplasie vaginale touche environ 1/4 000 filles, cette pathologie n’est donc pas si rare et tout praticien généraliste, gynécologue ou pédiatre peut être amené à la diagnostiquer et être ensuite confronté à une annonce difficile. Cet article a pour but de donner quelques pistes pour se sortir de cette situation délicate.
Première consultation et bilan L’aplasie utéro-vaginale, qui correspond le plus souvent à un syndrome de Rokitansky, est en général diagnostiquée devant une aménorrhée primaire chez une jeune fille qui a, par ailleurs, des caractères sexuels secondaires normaux. L’examen clinique révèle une vulve normalement conformée mais avec une simple cupule vaginale plus ou moins souple et dépressible. Le toucher rectal, quand il est possible, révèle l’absence d’utérus. À ce stade-là, le diagnostic peut déjà être suspecté, mais il ne doit en aucun cas être déjà asséné tant cette pathologie va impacter l’avenir… Il va falloir en effet annoncer l’absence de vagin et donc de possibilité de sexualité vaginale, et l’absence d’utérus et donc de grossesse. Des examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic (le plus simple étant une échographie pelvienne, voire une IRM) et d’autres peuvent être nécessaires pour caractériser au mieux la malformation. Ces examens permettent de faire le diagnostic différentiel avec une dysgénésie gonadique ou une insensibilité aux androgènes et permettent un bilan de la malformation (anomalies rénales, osseuses, etc. fréquemment associées). Cette annonce est extrêmement difficile à faire pour un médecin qui n’y serait pas formé. Le délai que ces examens imposent peut être mis à profit pour organiser une annonce diagnostique qui pourra ainsi se faire dans les conditions les moins délétères possibles, par exemple dans un centre de référence. L’annonce Lors de l’annonce du diagnostic ou lors des premières consultations de prise en charge, un certain nombre de points positifs peuvent être soulignés : – les ovaires sont fonctionnels, il y a donc une fonction hormonale normale, un phénotype féminin normal (seins, vulve, etc. normaux) et une production d’ovocytes ; – il n’y a pas de coupable et, en particulier, il ne s’agit pas d’un comportement délétère de la mère de la jeune fille pendant la grossesse (une des premières questions posées…) ; – une sexualité autre que vaginale est immédiatement accessible, le clitoris est présent et fonctionnel ; – il existe des solutions qui pourront être mises en œuvre le moment venu : création d’un néovagin, parentalités autres (adoption, peut-être un jour greffe d’utérus, etc.). Il faut penser à éviter des mots comme « malformation » ou « stérilité » qui laissent des empreintes indélébiles et qui ne sont pas indispensables pour décrire la situation. Les principes de la prise en charge La prise en charge devra s’articuler selon deux axes : « physique » et psychologique. • Une prise en charge psychologique doit absolument être proposée d’emblée, tant à la jeune fille qu’à ses parents : on sait en effet que chacun d’eux peut avoir besoin à un moment ou un autre d’un soutien. Elle sera idéalement initiée dans un centre de référence avec des psychologues aguerris aux problèmes spécifiques que pose ce syndrome, mais pourra absolument être poursuivie ultérieurement hors de ce cadre. Les associations, les forums et les groupes de parole, peuvent apporter une aide précieuse et leurs coordonnées doivent être fournies. • En ce qui concerne l’aspect anatomique de cette pathologie, les possibilités de création d’un néovagin peuvent être évoquées dès les premières consultations, mais il faut se garder de les organiser tant que la jeune fille n’y est pas prête et n’en exprime pas le besoin. Il existe des techniques non chirurgicales d’autodilatations de la cupule vaginale avec des bougies, et des techniques chirurgicales, nécessairement plus risquées, mais qui procurent des résultats plus rapides. Les avantages et les inconvénients de ces différentes approches sont détaillés et peuvent être trouvés dans deux documents de référence(1,2). Quasiment toutes les techniques de création d’un néovagin peuvent nécessiter un entretien de la cavité en l’absence de rapports réguliers. Cet entretien est astreignant et peut être évité si la jeune fille a une vie sexuelle. Idéalement, il faudrait donc ne créer un vagin que chez une jeune fille qui a un projet de rapports dans un délai de quelques mois. Certaines jeunes femmes choisissent, par ailleurs, de ne pas créer de vagin et de développer une sexualité autre. Ce choix doit bien sûr être respecté, d’autant qu’un néovagin peut être créé à tout âge et qu’il leur sera donc possible ultérieurement de changer d’avis. En pratique • Il s’agit d’une situation difficile à gérer pour le médecin qui se trouve en première ligne. Des documents de référence peuvent aider à fournir les premières réponses(1,2). • Des centres hautement spécialisés peuvent aider à orienter ou initier la prise en charge. • Le Centre de référence des pathologies gynécologiques rares tient à jour une liste des services français susceptibles de recevoir ces jeunes filles ou de donner des conseils aux praticiens de proximité(3).
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