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Publié le 21 nov 2010Lecture 11 min

Rubéole et grossesse : très rare et très grave

M. GUILLET, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart

La rubéole est une infection virale commune de l’enfance, asymptomatique dans la moitié des cas et le plus souvent bénigne. Toute la gravité de cette maladie tient à la possibilité d’une contamination foetale pouvant être à l’origine d’une rubéole congénitale malformative. La sévérité de cette pathologie justifie largement sa prévention par une vaccination généralisée. 
 

Épidémiologie Le recensement des infections maternelles rubéoleuses a débuté en 1972. À cette époque, le taux d’incidence des infections maternelles rubéoleuses en cours de grossesse était compris entre 15 et 45 pour 100 000 naissances vivantes. Depuis 1986, année d’introduction du vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole chez les petits enfants des deux sexes, on assiste à une diminution drastique de cette incidence. En 2007, seulement 5 cas d’infections maternelles ont été recensés par l’Institut national de veille sanitaire. Le taux d’incidence des rubéoles congénitales a évolué de façon parallèle. Ainsi, aucun cas de rubéole congénitale malformative n’a été notifié en 2006 et 2007 (figure 1).   Suivi sérologique pendant la grossesse Recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) En octobre 2009, la HAS a émis de nouvelles recommandations concernant la surveillance sérologique de la rubéole au cours de la grossesse. Compte tenu de la situation épidémiologique actuelle, la HAS recommande de réaliser une sérologie rubéolique lors de la première consultation prénatale. Celle-ci sera effectuée en l’absence de preuve écrite de l’immunité ou en l’absence de deux doses de vaccin. Attention : ces recommandations concernent les femmes enceintes asymptomatiques consultant dans le cadre d’un suivi de grossesse, en dehors de toute notion de contage et à l’exclusion de la survenue de signes cliniques évocateurs. L’objectif principal du dépistage prénatal de la rubéole est d’identifier les femmes enceintes non immunes, afin de leur proposer une vaccination contre la rubéole après l’accouchement. Le second objectif est de permettre le diagnostic précoce d’une primoinfection rubéolique maternelle au cours de la grossesse, afin de proposer une prise en charge adaptée.   Figure 1. Taux dʼincidence des infections rubéoleuses chez les femmes enceintes et des rubéoles congénitales malformatives ; France métropolitaine 1986-2007 ; données INVS, réseau Renarub. Dans le cadre du dépistage prénatal de la rubéole, les modalités se limiteront à une seule sérologie réalisée en début de grossesse. Chez les femmes enceintes séronégatives, le test de dépistage sera répété à la fin de la période considérée comme critique en cas de primo-infection rubéolique maternelle, c’est-à-dire vers la 20e semaine d’aménorrhée (SA). En effet, compte tenu de l’épidémiologie actuelle et de la faible incidence des infections rubéoliques en cours de grossesse, la probabilité que les IgG spécifiques détectées lors de la 1re sérologie soient le témoin d’une primo-infection en début de grossesse est extrêmement faible et ne nécessite donc pas une seconde sérologie de contrôle ou la recherche des IgM spécifiques. Par ailleurs, il est nécessaire d’insister sur le fait que seules les IgG spécifiques doivent être recherchées dans le cadre d’un dépistage systématique de la rubéole. La détection des IgM ne devrait être réservée qu’à la démarche diagnostique, dans le cadre d’un contage ou en présence de signes cliniques évocateurs.    Pourquoi faire une seule sérologie si elle est positive ? Certains laboratoires, en présence d’IgG spécifiques, ont l’habitude de demander un 2e prélèvement à 2-3 semaines d’intervalle, afin de mettre en évidence une augmentation éventuelle des anticorps, et diagnostiquer ainsi une infection rubéolique, asymptomatique ou non, renseignée cliniquement. En fait, cette augmentation des anticorps, correspondant à un doublement du titre sur deux prélèvements distincts, est bien sûr observée lors d’une primoinfection, mais également lors d’une vaccination, d’une réinfection ou encore, beaucoup plus fréquemment, en raison de stimulations polyclonales non spécifiques du système immunitaire. Par ailleurs, une stabilité des anticorps, retrouvée dans la majorité des cas, peut être faussement rassurante : – lorsque l’on détecte les anticorps totaux (IgG, IgM et IgA), par inhibition d’hémagglutination ou avec le test au latex, le plateau des anticorps peut être atteint en quelques jours (figure 2).   Figure 2. Cinétique dʼapparition des anticorps totaux et des IgG spécifiques. Ces anticorps apparaissent au moment de l’éruption, c’est-à-dire en moyenne 15 jours après le contage. Lorsque l’on recherche les IgG spécifiques au moyen de techniques de type ELISA, le plateau est atteint un peu plus tardivement, en 1 mois environ, selon les techniques et les patientes testées. Ces IgG apparaissent généralement dans les 4 à 7 jours suivant la survenue des symptômes, soit 3 à 4 semaines après un contage ; – le 2e prélèvement est bien souvent demandé 2 semaines après le 1er ; cet intervalle de temps peut ne pas être suffisant pour mettre en évidence une augmentation significative du titre des anticorps. Des titres stables ne permettent donc pas d’exclure de façon formelle une primo-infection récente ; cependant, d’après notre expérience, si les titres sont stables et < 100 UI/ml (quelle que soit la technique utilisée), une primo-infection rubéolique est très improbable. Des titres élevés d’anticorps n’ont aucune signification, et ne sont surtout pas synonymes de primo-infection !   Pour quelle raison doit-on faire une sérologie de contrôle à 20 SA si la patiente est séronégative ? En cas de primo-infection rubéolique maternelle, la contamination de l’embryon ou du foetus se fait par voie hématogène transplacentaire. Le risque d’infection foetale dépend de l’âge gestationnel auquel survient la primo-infection rubéolique chez la mère. En effet, plus la contamination survient tôt au cours de la grossesse et plus l’atteinte foetale est fréquente. En cas de primoinfection avant la 11e SA, la fréquence de l’infection foetale rubéolique peut atteindre 90 %. Ensuite, elle diminue progressivement pour atteindre 25 % vers la 23-24e SA et augmente de nouveau au cours du 3e trimestre de la grossesse pour atteindre 100 % à son terme (figure 3).   Figure 3. Taux de transmission au foetus en fonction de lʼâge gestationnel auquel survient la primo-infection maternelle ; dʼaprès Miller et coll. (1982). En revanche, les anomalies sévères, pouvant justifier une interruption médicale de grossesse (IMG), ne sont plus vues après la 20e SA. En effet, la sévérité de l’atteinte foetale varie, elle aussi, avec le terme de la grossesse. Ainsi, lorsque la primo-infection maternelle survient au cours du 1er trimestre, la fréquence des anomalies congénitales peut atteindre 70 à 100 %. Entre la 11e et la 18e SA, les données sont plus parcellaires, mais les malformations congénitales recensées se limitent, le plus souvent, à une surdité isolée. Enfin, après la 18e SA, les anomalies sévères de type cardiaque, oculaire, neurologique et auditif, pouvant justifier une IMG, ne sont plus retrouvées (figure 4). Ainsi, un contrôle de la sérologie à 20 SA permet de couvrir la période critique pour le foetus.   Pourquoi ne pas rechercher les IgM spécifiques ? Les IgM apparaissent environ 15 jours après le contage ou la vaccination et atteignent un pic en 7 jours. Après primo-infection, elles vont être détectables pendant 3 semaines à 3 mois, selon les sujets testés et les réactifs utilisés. Après vaccination, la persistance des IgM est moins bien connue, mais elle est souvent plus longue (plus de 6 mois, voire plus d’un an) (figure 5). Les IgM spécifiques sont détectées, non seulement lors d’une primo-infection récente ou lors d’une vaccination, mais également lors d’une réinfection (situation très exceptionnelle), ou encore à cause de stimulations polyclonales non spécifiques du système immunitaire. En raison de ces différentes situations au cours desquelles les IgM peuvent être détectées, la mesure de l’avidité des IgG peut s’avérer nécessaire pour confirmer ou infirmer un diagnostic d’infection récente. L’utilisation de cette technique repose sur le fait que l’avidité mature avec le temps après le début de l’infection. Ainsi, en dehors de toute vaccination, une avidité faible des IgG rubéoliques évoque une infection récente, tandis qu’une avidité élevée permet d’exclure une primo-infection récente.   Vaccination de la femme en âge de procréer Selon les dernières mises à jour du Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru en avril 2010, pour les femmes nées avant 1980, non vaccinées contre la rubéole, il est recommandé d’injecter une dose de vaccin trivalent au lieu du vaccin rubéoleux seul. Pour celles nées entre 1980 et 1991, séronégatives pour la rubéole et n’ayant jamais été vaccinées contre la rougeole, il est recommandé d’injecter une dose de vaccin trivalent.   Figure 4. Anomalies foetales en fonction de lʼâge gestationnel auquel survient la primo-infection maternelle. Il n’est pas nécessaire de vacciner une femme pour laquelle des résultats confirmant une immunité contre la rubéole sont disponibles. De même, il n’est pas recommandé de revacciner des femmes ayant reçu 2 doses de vaccin préalables et ce, quel que soit le résultat de la sérologie si elle a été pratiquée. Le vaccin est extrêmement efficace, même si la réponse immunitaire qu’il entraîne est différente de celle induite par une infection naturelle. En effet, après vaccination, les titres d’IgG obtenus sont plus faibles que ceux obtenus après une primo-infection. Cela nous conduit à nous poser deux questions : • d’une part, l’immunité conférée par la vaccination sera-t-elle durable ? • d’autre part, le/la patiente estil/ elle protégé(e) si les titres d’anticorps sont faibles ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’immunité conférée par le vaccin durerait probablement toute la vie, même si les anticorps peuvent ne plus être détectés. Il en est de même pour l’infection naturelle, qui induirait une immunité à vie. Une étude réalisée par une équipe finlandaise corrobore ces données puisqu’elle montre que 15 ans après une 2e dose de vaccin trivalent, 100 % des individus vaccinés ont toujours des anticorps détectables. Une équipe allemande, quant à elle, s’est intéressée au type de réponse immunitaire observé à la suite d’une vaccination contre la rubéole de personnes ayant des titres faibles ou indétectables d’IgG. Cette équipe a montré que la réponse immunitaire obtenue après vaccination est toujours de type secondaire (absence d’IgM et indice d’avidité des IgG élevé) lorsque les titres d’IgG étaient faibles et parfois de type secondaire lorsque la sérologie était considérée comme négative (signal en dessous du seuil de la technique utilisée).   Tolérance Le vaccin est extrêmement bien toléré chez les enfants. Chez l’adulte, les effets indésirables sont plus fréquents, mais restent mineurs. On peut retrouver une fièvre modérée, une éruption cutanée, des arthralgies ou encore des adénopathies survenant 5 jours à 4 semaines après la vaccination.   Vaccin et grossesse S’agissant d’un vaccin vivant atténué, la vaccination au cours de la grossesse est déconseillée. Néanmoins, si le vaccin est administré par inadvertance à une femme enceinte, il n’y a pas d’indication à interrompre la grossesse.   Figure 5. Cinétique d'apparition des IgM spécifiques. En effet, aucun cas de rubéole congénitale malformative à la suite de vaccinations en cours de grossesse n’a été rapporté. En post-partum, il n’y a aucune contre-indication à la vaccination, de même que pendant l’allaitement. De plus, l’administration d’immunoglobulines anti-D, pour la prévention de l’allo-immunisation maternelle, ne constitue pas non plus une contre-indication à la vaccination contre la rubéole.   Conclusion   Les progrès importants effectués ces dernières années dans le domaine de la sérologie ont permis une amélioration considérable du diagnostic et de la prise en charge de la femme enceinte. Mais la qualité de ce diagnostic biologique est fortement conditionnée par le dialogue entre les cliniciens et les biologistes. Ainsi, tout renseignement clinique (vaccination, éruption cutanée…) apporté au biologiste lui permettra d’optimiser la prise en charge biologique de la patiente.   Malgré l’objectif d’éliminer la rubéole congénitale en France en 2010, le niveau de couverture vaccinale demeure intermédiaire, décalant l’âge de survenue de l’infection chez les personnes non immunes et faisant courir un risque important aux femmes enceintes séronégatives. Les efforts pour augmenter la couverture vaccinale des enfants des deux sexes et améliorer le rattrapage des jeunes femmes en âge de procréer doivent donc être maintenus.

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