Plaisir féminin

Catherine a 46 ans ; elle est en couple avec Francis depuis 5 ans et ils ont une petite fille, Marine, de deux ans et demi. La famille est épanouie, ce sont tous deux de bons « planteurs d’enfants », selon le mot de Boris Cyrulnik, c’est-à dire d’excellents parents. En revanche, leur couple est à la dérive, surtout depuis la naissance de Marine, car il ne s’était pas formé sur un mode érotique et les ressorts du désir ne sont déjà plus très présents. Francis exerce maladroitement une pression sexuelle sur Catherine qui n’est pas assez réceptive et quelque peu freinée par l’expression pressante du désir de son partenaire. Comme à l’habitude, il en conçoit une grande frustration motivant de fréquentes colères et freinant plus encore la disponibilité de sa compagne.   Heureuse surprise ! Au début de sa sexualité, Catherine a vécu des relations difficiles et forcées qui l’amènent aujourd’hui à un état de vigilance incompatible avec une sexualité épanouie. Dimanche dernier, cependant, elle raconte avoir été surprise par un abandon involontaire : « On était ensemble pour la première fois depuis longtemps un dimanche. Il sait que j’ai besoin de ça, mais il n’est jamais là. Et je pense que ça m’a fait très peur, car je ne suis plus habituée à ce qu’il soit avec moi. D’ailleurs, j’ai eu très mal au ventre et je le lui ai dit : « Ne m’approche pas, je ne suis vraiment pas bien. » Mais je le connais, il n’abandonne jamais lorsqu’il a quelque chose en tête et il a continué à s’approcher de moi. Moi, j’avais très mal au ventre et je ne voulais pas bouger. J’étais complètement abandonnée et passive. Mais très paradoxalement, j’étais très détendue, car dans ma tête ça ne pouvait pas aller plus loin, puisque je lui avais dit que je n’étais pas bien. Et puis il a continué, je n’ai pas bougé, je me suis laissée faire et, à ma grande surprise, cela a été plutôt agréable, ça a abouti à un rapport où j’ai même joui. Ça m’a beaucoup étonnée. Je pense que tout cela est survenu en raison de ma grande détente et parce que j’étais persuadée qu’il n’allait rien se passer ! En fait, cette détente n’arrive jamais, car il n’y a plus entre nous le contexte amoureux qu’il me faut pour être bien, il n’y a que cette horrible tension permanente de sa demande de rapport sexuel ! ».   Paradoxe Le paradoxe de cette situation de couple, si fréquente, est que la pression de l’homme entraîne une tension féminine incompatible avec le nécessaire abandon réclamé par la sexualité. Deux causes à cela : le manque de maturité érotique de cet homme, très peu conscient du vécu de sa compagne, et la difficulté pour cette femme de faire respecter le rythme de son désir. Il me semble important, dans les difficultés de couple, de leur signifier une maladresse de part et d’autre – et non de pointer un « coupable » – pour éviter de désigner le « porte-symptôme ». Dans ce cas, nous pouvons souligner leur manque mutuel de maturité érotique en précisant la cause de ce manque : l’absence d’éducation à l’érotisme (!), mais en ajoutant aussitôt que personne n’en a véritablement reçu, ce qui a le mérite de lever la culpabilité et d’éviter à chacun de se sentir responsable de la situation. À nous ensuite de les accompagner vers une meilleure disponibilité au désir.