« Il va trop vite pour moi »

Injustice ! Mais ici se pose comme une injustice la différence des sexes qui procure orgasme et jouissance à quasiment tous les hommes lors de chaque rapport sexuel, alors que celui-ci n’est jouissif et orgasmique que pour seulement une part des femmes. C’est en effet le résultat de la presque simultanéité de l’orgasme et de l’éjaculation chez l’homme, alors que sa partenaire est soumise à un ensemble complexe de mécanismes physiologiques, psychiques, d’habitude et d’entraînement menant à une jouissance à degré variable. À une époque où nous cultivons l’égalité entre les hommes et les femmes, nous ne pouvons que prendre conscience de cette différence pour tenter une jouissance mutuelle (ce qui a rarement été le cas pendant des siècles) en suivant donc l’ordre des choses : féminines et non masculines. Nous sommes dans une période de valeurs à dominante féminine, c’est aux hommes de prendre conscience de l’existence des femmes dans leurs différences. La sexualité féminine nécessite une longue préparation et des conditions à l’amour, tandis que la jouissance masculine peut être immédiate. Certains hommes semblent ne pas pouvoir facilement contrôler leur émotion sexuelle (on parle d’éjaculation rapide, pour près d’un tiers d’entre eux) ; certaines femmes, peu à l’écoute d’elles-mêmes, semblent au contraire avoir une jouissance très tardive, certaines de façon inconsciemment sadique ! Pour accorder nos violons, il est important de parler et de se faire aider (par un médecin sexologue si besoin), mais sans jamais culpabiliser l’autre car le contrôle de l’émotion sexuelle n’est pas une chose facile. Synchronisation Il est enfin une idée, celle de la jouissance simultanée, qui, lorsqu’elle est obsessionnelle, déstabilise beaucoup de couples. Cette « belle idée » de se rejoindre dans la jouissance confine plus à l’idéal amoureux qu’à la réalité érotique. Combien de couples viennent consulter, catastrophés (!), parce qu’ils ne jouissent pas en même temps ! Il s’agit souvent de la « tyrannie » de l’un des deux partenaires qui tient absolument à cette jouissance comme une preuve de leur amour et de sa réussite idéale, ce qui bloque en général la réalisation de l’autre par émotion interposée : telle femme n’arrivant plus à jouir tant la pression masculine de l’orgasme simultané est fort ; tel homme éjaculant intempestivement ou perdant son érection devant l’exigence de sa partenaire. S’il est un conseil que je peux donner à tous les cliniciens : dédramatiser l’idéal de l’orgasme simultané en conseillant plutôt de vivre l’acte amoureux avec calme et tranquillité, en privilégiant les caresses et un rythme lent du coït, ce qui permettra d’augmenter progressivement l’excitation des deux partenaires pour se rejoindre alors dans un orgasme vécu en commun. Le terme grec « organ » d’où vient le mot orgasme signifie l’explosion d’un fruit venu à maturité. Il faut toujours du temps pour que les choses mûrissent.