Publié le 07 aoû 2011Lecture 11 min
Grossesses extra-utérines : quelle stratégie ?
H. FERNANDEZ, P. CAPMAS Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre
La grossesse extra-utérine survient dans 1 à 2 % des grossesses et reste encore la première cause de mortalité maternelle du 1er trimestre de la grossesse. La répartition des modalités thérapeutiques est de 10 % de laparotomie, 25 % de traitement médical et 65 % de traitement coelioscopique, et est globalement similaire que l’on soit en France métropolitaine ou en Outre-mer. Un essai thérapeutique, l’étude DEMETER, montre que le traitement coelioscopique conservateur est supérieur en termes d’efficacité immédiate au traitement médical, mais sans tenir compte des résultats en termes de fertilité. Il faut noter cependant que lorsqu’un traitement chirurgical conservateur est programmé, une fois sur 10 une salpingectomie sera réalisée dans le même temps pour échec technique. L’efficacité du traitement coelioscopique conservateur est renforcée par une stricte application technique du geste opératoire et par l’utilisation de méthotrexate dans le postopératoire immédiat.
L’incidence de la grossesse extra-utérine reste stable entre 1 et 2 % des grossesses. Elle est responsable de 3,5 % des décès maternels avec 16 décès de 2001 à 2006 en France (Source CNEMM, INSERM U953 et CépiDc). Les données nationales montrent une stabilité du nombre de séjours MCO (Médecine Chirurgie Obstétrique) de 1997 à 2005 avec un ratio pour 100 naissances vivantes évoluant entre 1,94 en 1997 et 1,61 en 2005 (tableau 1). En 2005, le taux de laparotomies était de 10,5 %, celui de traitements par voie coelioscopique de 64,2 % et celui de traitements par le méthotrexate de 25,3 %. L’analyse de ces résultats en fonction des régions (tableau 2) montre une bonne homogénéité du type de traitement dans toutes les régions, ce qui traduit une bonne pénétration des modalités thérapeutiques quel que soit le territoire. Concernant l’âge, on observe une courbe en U avec deux pics de fréquence pour les moins de 20 ans et au-delà de 35 ans (tableau 3). Stratégie diagnostique La meilleure stratégie consiste à réaliser une échographie vaginale avant même d’avoir une information concernant le taux d’hCG. Cette stratégie, validée par l’étude de Gracia et coll., impose que l’échographiste ait une sensibilité diagnostique connue pour les grossesses intra-utérines > 93 %. Cette analyse montre l’importance de l’auto-évaluation. Considérant que cette stratégie est de manière pragmatique peu réaliste, il s’ensuit que la stratégie la plus rationnelle est de pratiquer un dosage premier d’hCG suivi de la réalisation d’une échographie. Il n’est actuellement pas raisonnable de fixer des seuils d’hCG à partir desquels la nonvisualisation d’une grossesse intra-utérine justifierait de poser le diagnostic de grossesse extrautérine, même s’il n’existe pas de masse latéro-utérine ; en effet, les sécrétions d’hCG sont variables d’une grossesse à l’autre et la compétence de l’opérateur ne doit pas obligatoirement toujours être comparée à celle des échographistes référents qui ont publié dans la littérature des seuils à 1 500 UI/l d’hCG au-dessus desquels le diagnostic de grossesse extra-utérine est posé en absence de visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin. Dosage de l’hCG La métrorragie est le signe clinique le plus classique au cours du 1er trimestre de la grossesse. Sa présence interroge d’emblée sur la viabilité de la grossesse, qu’elle soit intra- ou extra-utérine. L’hCG est une glycoprotéine synthétisée par le trophoblaste. Il est connu que l’absence de doublement ou la stagnation du taux d’hCG est un critère faisant évoquer une grossesse non viable. Un nouveau test urinaire, l’Inexscreen® détecte dans les urines des femmes enceintes deux isoformes, i-hCG et la bêtalibre, de l’hCG. Dans les grossesses d’évolution anormale, on constate une diminution de concentration de la bêta-hCG et de l’isoforme libre de la bêtahCG. Le test, aisément réalisable aux urgences, permet de sélectionner les patientes dont la grossesse n’est pas évolutive, parmi lesquelles on retrouvera majoritairement l’ensemble des grossesses extra-utérines. Ce test est donc une simplification pour sélectionner les patientes devant avoir une recherche plus spécifique d’une localisation ectopique. Traitements Même si les résultats des traitements coelioscopiques conservateurs ou radicaux, des traitements médicaux par méthotrexate systémique ou de l’abstention thérapeutique sont connus, à ce jour aucun essai randomisé n’a comparé les différents traitements afin d’améliorer la stratégie thérapeutique qui doit être basée sur les résultats de la fertilité. Trois études sont actuellement en cours : – l’étude METEX qui compare l’abstention au traitement par le méthotrexate (étude réalisée en Hollande), – un essai thérapeutique aux Pays-Bas et en Scandinavie qui compare traitement coelioscopique conservateur et traitement radical, et – l’étude DEMETER, réalisée en France, étude multicentrique sur 16 centres comportant deux bras, l’un comparant le traitement médical au traitement coelioscopique conservateur, et le deuxième comparant le traitement radical au traitement coelioscopique conservateur. L’étude DEMETER Les inclusions sont terminées depuis mars 2009 et les résultats définitifs en termes de fertilité seront connus à partir de mars 2011. Le traitement coelioscopique conservateur était systématiquement associé à une injection postopératoire immédiate de méthotrexate par voie intramusculaire à la dose de 1 mg/kg. Ce fait était justifié par les travaux de Graczykowsky et coll. et Akira et coll. qui ont montré que, dans ces situations, le taux d’échecs après traitement chirurgical conservateur est de 0 à 2 % comparé au taux d’échecs moyen qui est de 15 %. Cette évolution dans la prise en charge du traitement coelioscopique conservateur est capitale car, à défaut de le proposer systématiquement à toutes les patientes en 2010, il peut paraître souhaitable, voire largement indiqué de le proposer quand on fait un traitement chirurgical conservateur avec un taux d’hCG initial supérieur à 5 000 UI/l. • résultats cliniques de l’étude DeMeTer Actuellement, seul le résultat clinique du bras 1 de randomisation est disponible. Ce bras 1 concernait une randomisation entre traitement médical par méthotrexate intramusculaire et coelioscopie conservatrice ; le critère d’inclusion principal était un score de Fernandez strictement < 13. La définition de l’échec du traitement était, lors d’un traitement chirurgical, la nécessité de pratiquer une salpingectomie initiale si le traitement coelioscopique conservateur s’avérait difficile sur un plan technique, soit de faire une deuxième injection de méthotrexate à distance en cas de non-régression du taux d’hCG. Pour le traitement médical, le critère d’échec était l’indication d’un traitement chirurgical. Au total, 189 patientes ont été incluses dans 16 centres, avec 87 traitements conservateurs et 102 traitements médicaux. Les modalités de surveillance de l’hCG en postopératoire sont exposées dans l’encadré cidessous. Les résultats en termes de guérison montrent 25 % d’échecs pour le traitement médical versus 9 % (OR = 4,45 [1,50-13,19] ; p = 0,01). Cette différence est significative et en faveur du traitement chirurgical quant à la guérison. Dans l’analyse des 8 échecs sur 87 du groupe chirurgie, ce sont des échecs exclusivement par impossibilité de conserver la trompe chez des patientes dont l’indication était justement un traitement conservateur. L’injection systématique et concomitante de méthotrexate après traitement coelioscopique conservateur a montré qu’il n’y avait aucun échec par persistance de trophoblaste sécrétant. Il semble donc que le critère technique opératoire soit un élément important dans l’analyse de ces résultats. Dans le groupe méthotrexate, sur les 102 patientes incluses, 77 ont eu une injection, 22 deux injections et 3 trois injections. Lorsque l’on analyse les situations où il y a eu un écart au protocole, à savoir un défaut de réinjection, on observe 8 échecs sur les 20 écarts. Cela explique donc qu’il existe un réel apprentissage de la gestion du traitement médical si l’on veut limiter le nombre d’échecs observés. Cette situation est probablement l’explication des différences de succès entre les centres experts qui publient leurs résultats avec un taux moyen d’échecs entre 10 et 15 % et des études multicentriques en base de population qui se traduisent le plus souvent par un taux d’échecs tel que nous l’avons retrouvé dans DEMETER, soit 25 %. La différence de délai de retour à la normale de l’hCG est bien évidemment significativement différente entre le traitement médical et le traitement chirurgical et est de 12,5 jours. Ni l’évolution du taux d’hCG, ni l’évolution du taux de progestérone ne sont un critère pour indiquer une réintervention chirurgicale. L’hCG et son évolution sont simplement un marqueur de la nécessité de réinjection. La totalité des réinterventions sont indiquées par l’apparition d’un signe clinique pouvant laisser évoquer une fissuration de la grossesse extra-utérine. • au total – La conclusion de cette première étude DEMETER, qui est actuellement la plus puissante jamais publiée dans la littérature, est un taux d’échecs du traitement médical supérieur à celui du traitement coelio-conservateur associé à l’injection postopératoire de méthotrexate. – Le taux d’échecs de la technique coelioscopie conservatrice reste élevé, proche de 10 %. La décision d’intervention chirurgicale après traitement médical est toujours basée sur des critères cliniques et l’injection de méthotrexate semble avoir une faible morbidité clinique, puisque seule une patiente dans chaque bras a présenté des signes d’hépatite. On ne peut cependant pas encore conclure, en absence de résultat sur la fertilité, s’il existe réellement un avantage du traitement coelioscopique conservateur car, à l’opposé, il faut réfléchir sur le coût de la prise en charge, toujours inférieur après traitement médical, et sur l’acceptation du traitement médical qui reste toujours supérieure pour les patientes. Le point sur le traitement chirurgical conservateur Les données du registre des grossesses extra-utérines d’Auvergne incluant toutes les GEU de 1992 à 2009 continuent à être publiées. L’originalité de ces données est de montrer que le taux d’échecs moyen du traitement coelioscopique conservateur est resté stable durant les 17 années d’enregistrement, entre 4 et 7 %, contrairement au taux moyen de la littérature qui est de 15 %. L’analyse des 1 196 traitements coelioscopiques conservateurs réalisés durant cette période a montré 80 échecs, soit un taux d’échecs de 6,7 %. Aucun facteur de risque d’échec n’a été retrouvé dans une étude multivariée et le seul déterminant expliquant ce faible taux d’échecs est la maîtrise de la technique chirurgicale et sa reproductibilité qui semble similaire quels que soient les centres régionaux. Il est souvent salutaire d’observer que l’analyse des résultats revient à mettre en exergue la base de la chirurgie qui est simplement la technique. Cette technique insiste sur une salpingotomie proximale à l’aiguille fine monopolaire comprenant les trois couches de la paroi tubaire, suffisamment longue pour introduire un aspirateur de 10 mm de diamètre permettant une meilleure succion du trophoblaste et un meilleur lavage de la portion intratubaire. La systématisation de cette technique est probablement à l’origine de ce taux faible de persistance de sécrétion trophoblastique. Fertilité Il existe peu de nouveautés concernant la fertilité en absence d’essais thérapeutiques randomisés suffisamment puissants. Même si le taux de persistance de sécrétions trophoblastiques apparaît toujours supérieur après traitement coelioscopique comparé au traitement par laparotomie, les avantages du traitement coelioscopique ont bien évidemment fait de celui-ci le gold standard du traitement. Les analyses de fertilité semblent montrer une supériorité du traitement conservateur qu’il soit médical ou chirurgical sur le traitement radical. Cependant, l’absence d’essais thérapeutiques fait que, bien évidemment, à ce jour ce ne sont pas les mêmes patientes qui bénéficient d’un traitement radical. L’analyse et les conclusions définitives ne pourront être réalisées que lors de la publication des données de l’étude DEMETER et de l’étude hollandaise sur le même sujet. Conclusion En 2010, la stratégie thérapeutique n’a pas encore délivré tous ses secrets. Le résultat de trois études analysant la fertilité, but ultime du traitement, codifiera mieux, dans l’avenir, les indications thérapeutiques.
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