Publié le 27 aoû 2006Lecture 8 min
Faut-il encore réaliser des touchers vaginaux ?
C. D' Ercole, R. Shojai, CHU Nord, Marseille
À l’époque où l’evidence based medicine remet en cause un certain nombre de dogmes, il apparaît nécessaire de réfléchir à la justification objective de la pratique de ce geste en obstétrique.
Le TV en début de grossesse Limites L’augmentation du volume utérin et les modifications de la consistance du col sont des signes évocateurs d’une grossesse, mais ils sont non spécifiques et relativement tardifs. Le TV n’est pas performant pour diagnostiquer une grossesse précoce. Il est difficile actuellement de ne pas utiliser les examens paracliniques pour diagnostiquer une grossesse débutante (hCG) et établir une datation fiable (LCC). Echographie cervicale. Intérêts Il est cependant utile de réaliser un TV au cours de la première consultation de grossesse afin de dépister une grossesse manifestement plus évoluée que ne le laisserait supposer la date des dernières règles. Par ailleurs, la grossesse est, pour un certain nombre de patientes, la seule occasion de bénéficier d’une consultation gynécologique systématique. Associé à l’examen au spéculum, le TV permet de dépister une pathologie associée (cancer du col, tumeurs ovariennes et myomes) ou d’orienter le diagnostic en cas d’anomalie en début de grossesse (métrorragies, douleurs pelviennes). La découverte clinique d’un élément inhabituel ou pathologique au TV imposera de réaliser plus précocement la première échographie obstétricale prévue à 12 SA. Associé à l’examen au spéculum, le TV permet de dépister une pathologie associée. Intérêt du TV pour le dépistage de la MAP dans une population asymptomatique et à bas risque Le TV fait partie de l’examen obstétrical mensuel en France. Son but principal est d’évaluer une modification du col d’un examen à l’autre afin de dépister une menace d’accouchement prématuré. Toutefois, la pratique systématique du TV à chaque consultation au sein d’une population asymptomatique et à bas risque ne permet pas de diminuer l’incidence de la prématurité. Un essai prospectif randomisé avait été réalisé dans sept pays européens en 1994. Les auteurs avaient comparé le taux de survenue d’accouchement prématuré entre un groupe de 2 803 patientes examinées à chaque visite prénatale (6 examens en moyenne pendant la grossesse) et un groupe de 2 799 patientes chez qui l’examen était évité dans la mesure du possible (1 examen en moyenne). Le taux d’accouchements prématurés était de 6,7 % dans le premier groupe versus 6,4 % dans le second groupe (différence non significative). La pratique systématique du TV à chaque consultation au sein d’une population asymptomatique et à bas risque ne permet pas de diminuer l’incidence de la prématurité. Intérêt du TV dans le diagnostic de la MAP La dilatation, l’effacement de l’orifice interne du col et sa consistance sont les critères habituels pour diagnostiquer le risque de travail prématuré. Cependant, la valeur prédictive d’un col dilaté à 2 cm ou plus avec un effacement = 50 % chez une patiente présentant des contractions utérines douloureuses n’excède pas 50 %. Bien sûr, plus la dilatation cervicale est importante ou le score de Bishop élevé, plus le risque d’accoucher dans les 48 heures ou avant 37 SA est élevé. Le TV présente une bonne valeur prédictive positive d’accouchement prématuré en cas de critères sévères, mais en cas de modifications cervicales modérées, sa valeur pronostique est médiocre. Une meilleure approche des patientes présentant un risque réel d’accouchement prématuré est donc indispensable pour cibler nos efforts de prévention et de traitement et, ainsi, espérer réduire l’incidence de la prématurité. De nouveaux outils ont été proposés depuis quelques années, tels que le dosage de la fibronectine fœtale dans les sécrétions cervico-vaginales et la mesure du col utérin. L’échographie du col apporte en effet un progrès dans l’identification des patientes à risque d’accoucher prématurément et cette technique a une valeur prédictive légèrement plus élevée que le toucher vaginal. Évaluation du bassin La technique clinique d’évaluation des mesures du bassin est éminemment subjective et assez peu reproductible. L’examen du bassin est lié aux dimensions des doigts de l’examinateur et à son expérience. De plus, l’examen du bassin correctement réalisé est le plus souvent ressenti comme désagréable par la patiente. Cet examen clinique ne peut donc être qu’un examen de dépistage nécessitant un diagnostic plus précis par radiopelvimétrie si le bassin paraît anormalement petit. Déclenchement du travail à terme L’examen du col utérin par le TV est actuellement l’examen de référence pour tenter de prédire le succès du déclenchement du travail à terme. Le score de Bishop a été proposé en 1964 pour essayer de prédire l’intervalle de temps séparant l’examen par toucher vaginal et la mise en travail spontanée. Les critiques apportées à ce type d’examen sont de deux ordres : une valeur prédictive très imparfaite dans l’évaluation de l’issue du déclenchement et le caractère subjectif et imprécis de l’examen. Quelques études concluent à une supériorité de l’échographie cervicale sur le score de Bishop pour prédire l’efficacité du déclenchement, mais les données de la littérature sont discordantes. Suivi du travail La détermination de la dilatation cervicale est nécessaire pour la prise en charge du travail. Il est donc important que l’estimation de la dilatation soit aussi précise et reproductible que possible. En 1998, Phelps(3) publiait une évaluation de la précision du TV à partir de 828 examens réalisés par 69 examinateurs différents. La détermination exacte d’une dilatation était de 48,6 % et de 88,8 % avec une erreur de ± 1 cm ; la variabilité intra-observateur était de 39,9 % et de 14 % avec une erreur de ± 1 cm. En ce qui concerne l’effacement du col, l’exactitude de la détermination était de 52,9 % et de 85,8 % quand une erreur de ± 25 % était acceptée. Pour un effacement cervical donné, la variabilité intra-observateur était de 37 % et de 7,3 % avec une erreur de ± 25 % tolérée. Le TV, au cours du travail, présente cependant des risques qu’il faut avoir présents à l’esprit (encadré ci-dessus). Les effets délétères du TV Les TV répétés (> 6), au cours du travail, sont associés à un risque accru d’infections néonatales précoces à streptocoque B. La pratique du toucher vaginal en cas de rupture prématurée des membranes (RPDM) semble raccourcir la durée de gestation et augmenter les complications infectieuses. Il est recommandé de ne pratiquer un toucher vaginal en présence d’une RPDM qu’en cas de suspicion de début de travail. L’échographie du col paraît être utile pour prédire le délai de latence. En cas de placenta prævia, et particulièrement si le placenta est recouvrant, le TV doit être évité. Il peut être remplacé par une échographie endovaginale. Ce qu’il faut retenir - Le TV est insuffisant pour réaliser le diagnostic d’une grossesse jeune ; les examens paracliniques (hCG, échographie) sont indispensables pour diagnostiquer précocement et dater le début d’une grossesse. Le TV est cependant utile lors de la première consultation pour dépister une grossesse avancée et une pathologie gynécologique associée. - La pratique systématique du TV à chaque consultation au sein d’une population asymptomatique et à bas risque, dans le but de dépister une menace d’accouchement prématuré, n’a actuellement pas de justification scientifique. - Au sein d’une population symptomatique, le TV est actuellement l’examen de référence pour juger des modifications cervicales. L’échographie du col apporte un progrès dans l’identification des patientes à risque d’accoucher prématurément et cette technique a une valeur prédictive légèrement plus élevée que le toucher vaginal. - La pelvimétrie interne estimée par la clinique est subjective et peu reproductible. Il existe cependant peu de situations obstétricales où une évaluation précise de la pelvimétrie est nécessaire (présentation caudale, traum atismes du bassin, suspicion de disproportion fœto-pelvienne majeure). - Le score de Bishop demeure l’examen de référence pour prédire le succès d’un déclenchement. - La détermination de la dilatation cervicale par TV est nécessaire pour la prise en charge du travail. - La précision du TV est cependant limitée. La variabilité intra- et interobservateur n’est pas négligeable.
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