Publié le 12 nov 2007Lecture 10 min
Du bon usage des sérologies virales pendant la grossesse
S.Minjolle-Cha CHU pontchaillou, Rennes
Les sérologies virales sont utilisées dans deux circonstances : la détermination d’un statut immunitaire et le diagnostic d’une infection en cours. Un seul sérum suffit à détecter la présence ou l’absence d’une immunité, alors que le diagnostic d’une infection active nécessite souvent deux sérums prélevés à 10-15 jours d’intervalle (cinétique des anticorps). À chaque fois que c’est possible, il faut privilégier la mise en évidence directe du virus pour authentifier une infection active.
Le problème des réactivations virales accompagnées d’une ré-ascension des IgM peut être résolu par la mesure de l’avidité des IgG spécifiques du virus concerné.
Le problème des réactivations virales accompagnées d’une ré-ascension des IgM peut être résolu par la mesure de l’avidité des IgG spécifiques du virus concerné.
Le suivi viral obligatoire de la grossesse se résume à deux marqueurs sérologiques (dépistage de l’Hépatite B et immunité antirubéole), mais une enquête virale doit être envisagée dans de nombreuses situations. Les principaux virus concernés sont des virus ubiquitaires, qui peuvent, pour certains, donner des réactivations chez une patiente déjà immunisée. Des notions précises doivent être connues pour permettre l’interprétation correcte d’examens simples. Quelques précisions techniques Il est bon de rappeler que le diagnostic biologique d’une infection virale comporte deux volets : – le diagnostic direct, qui met en évidence l’agent pathogène lui-même ou l’un de ses constituants (culture de virus, détection d’antigène viral, détection de génome par PCR, etc.) ; – et le diagnostic indirect, qui met en évidence la réponse immune dirigée contre l’agent infectant (dosage des anticorps ou sérologie). Le diagnostic direct doit toujours être privilégié, car il est le seul à pouvoir affirmer la présence d’un virus et d’une infection en cours. Les dosages d’anticorps sont actuellement le plus souvent réalisés par des techniques immuno-enzymatiques (EIA, ELISA, etc.), au détriment d’anciennes techniques lourdes (inhibition de l’hémagglutination, séro-neutralisation, fixation du Complément), mais plus physiologiques et meilleures indicatrices de la qualité de la protection immunitaire. La sérologie permet d’établir un statut immunitaire grâce à la détection d’IgG spécifiques. Le dosage d’IgM, parfois disponible, est plus délicat à interpréter car une positivité peut correspondre à une réactivation virale, le plus souvent sans danger de transmission au fœtus. Pour distinguer une primo-infection d’une réactivation, on peut faire appel à la mesure de l’avidité des IgG pour un virus donné : une avidité élevée est en faveur d’une infection ancienne, elle permet d’exclure une primo-infection survenue dans les 3 mois précédents. Malheureusement, peu de tests commerciaux de mesure de l’avidité sont commercialisés. Quels virus et quels examens ? Le tableau résume les données de séroprévalence, de fréquence d’infection et de risque de transmission fœtale pour les virus couramment rencontrés. Quel que soit le virus suspecté comme responsable d’une infection en cours, le dosage des IgG spécifiques permet, au moins en cas de négativité, d’exclure la responsabilité du virus. Cytomégalovirus (CMV) Environ une femme enceinte sur deux est à risque de primo-infection à CMV, qui conduit à la contamination d’un fœtus sur deux. Les réactivations, au cours desquelles la virémie est faible ou nulle, représentent un danger minime pour le fœtus. Dans son rapport de 2004(1), l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé) ne préconise pas de suivi sérologique CMV de la grossesse du fait de nombreuses questions non résolues : absence de technique de dosage standardisée, anxiété générée par la mise en évidence d’une séroconversion, prise en charge de la séroconversion non consensuelle, absence de traitement préventif ou curatif de l’infection, etc. La détection de l’infection à CMV repose sur le suivi échographique qui s’attache à détecter des anomalies évocatrices, pour déboucher sur un éventuel diagnostic anténatal par amniocentèse et détection virale par PCR et culture sur le liquide amniotique. La mise en évidence d’IgG et d’IgM anti-CMV au cours d’un examen systématique (qu’il faut proscrire) introduit le doute sur la possibilité d’une primo-infection récente, alors qu’il s’agit le plus souvent d’une réactivation sans conséquence. La mesure de l’avidité des IgG anti-CMV permet, dans ce cas, de trancher. Rubéole La détermination du statut sérologique antirubéole est obligatoire en début de grossesse et, en cas de négativité, doit être poursuivie jusqu’à la 18e semaine d’aménorrhée (SA). Le taux d’anticorps protecteurs a été fixé en 1996 à 10 UI/ml en technique ELISA(2). En cas de séroconversion IgG, il convient de doser les IgM : si elles sont négatives, il peut s’agir d’une « séroconversion apparente », due à un taux d’IgG fluctuant autour du seuil de détection ; des IgM positives sont en faveur d’une primo-infection, mais peuvent s’observer au cours de réactivations, ou dans certaines situations (infection à CMV, EBV, Parvovirus, maladie auto-immune à facteur rhumatoïde, etc.). Pour affirmer le caractère ancien de l’immunité, il est alors possible de mesurer l’avidité des IgG antirubéole. Attention : au cours de la primo-infection, les IgG atteignent leur titre maximal en 3 jours à 3 semaines, et la durée du plateau est très variable. Le taux résiduel d’anticorps est également très variable. Ainsi, un taux élevé stable sur deux prélèvements espacés de 15 jours ne permet pas forcément de suspecter une infection récente. Seul le test d’avidité des IgG permet de conclure. Parvovirus B19 (désormais dénommé Érythrovirus B19) Aucun suivi sérologique systématique n’est recommandé. L’enquête virologique sera nécessaire en cas d’éruption maternelle évocatrice (en nappes, peu ou pas fébrile, éventuellement associée à des arthralgies), survenant souvent dans un contexte d’épidémie chez les enfants d’âge scolaire : la séroconversion IgG associée à des IgM fait le diagnostic. La PCR réalisée sur le sérum permet de confirmer efficacement le caractère actif de l’infection. Varicelle (VZV) La sérologie n’a sa place que pour déterminer en urgence le statut immunitaire d’une femme exposée au virus : contact avec sujet porteur d’une éruption active (lésions non croûteuses) ou ayant déclaré une varicelle dans les 48 h suivant le contact supposé infectant. La présence d’IgG anti-VZV détectée dans les 3 jours qui suivent l’exposition permet de rassurer la patiente. En l’absence d’immunité, on peut proposer sa protection (par Varitect®, immunoglogulines spécifiques souvent difficiles à obtenir rapidement, ou à défaut par Zélitrex®, donné à J7 après le contage, et pendant 8 jours). En cas d’éruption vésiculeuse chez une femme enceinte, la confirmation virologique doit passer par la mise en évidence du virus par culture, éventuellement couplée à une détection d’antigènes viraux par immunofluorescence sur étalement de cellules de la lésion (diagnostic rapide). La mise en évidence d’une séroconversion IgG associée à la présence d’igM est à utiliser lorsque le diagnostic direct est impossible. Herpes simplex (HSV1 et 2) La sérologie n’a presque aucune utilité. Le plus souvent, les techniques disponibles explorent l’immunité anti-HSV sans distinction de type (HSV1+2). Seuls quelques laboratoires disposent d’une technique de détection des anticorps spécifiques de HSV2. L’intérêt de ce dosage est la mise en évidence d’une séroconversion HSV2 devant des signes cliniques compatibles avec une primo-infection, ou bien l’identification d’un couple séro-discordant (femme HSV2 négative, homme HSV2 positif), situation conduisant à conseiller l’utilisation du préservatif pendant la durée de la grossesse. Le dosage des IgM est peu pratiqué et d’interprétation difficile (réactivations). L’enquête virologique ciblant HSV sera déclenchée devant toute lésion suspecte de la muqueuse génitale, et reposera sur la détection directe du virus par culture ± diagnostic direct par immunofluorescence. Une excrétion asymptomatique de virus peut être recherchée au moment de l’accouchement chez toute femme possédant des antécédents herpétiques, par culture virale à partir d’un écouvillonnage du col utérin. Hépatite B La recherche systématique d’une hépatite chronique est effectuée par la détection sérique de l’AgHBs à 6 mois de grossesse (décret du 14 février 1992). En cas de positivité, le bilan est complété en demandant le dosage des IgM anti-HBc : leur positivité est en faveur d’une infection aiguë, leur négativité en faveur d’une infection chronique. Le bilan d’une hépatite chronique repose sur l’exploration du système HBe (Ag et Ac) et la mesure de l’ADN viral circulant. Le risque de transmission au fœtus est limité en cas de séroconversion HBe avérée (AgHBe négatif, Ac-anti HBe positifs) et ADN viral indétectable. Dans le cas inverse, le risque de transmission est plus élevé. Attention aux mutants dits « pré-C », dont la synthèse d’Ag HBe est altérée (Ag HBe négatif, Ac HBe positif), mais associés à une forte charge virale (ADN élevé). Hépatite C Le dépistage sérologique est proposé, notamment en cas de facteur de risque (toxicomanie, antécédent de transfusion avant 1995, infection VIH ou hépatite B, etc.). Une technique de dépistage est utilisée en première intention. En cas de positivité, la confirmation sera faite sur un deuxième sérum par une technique utilisant une source d’antigène différente de la première. Une mesure de la charge virale (ARN circulant) complète le bilan avant prise en charge spécialisée. VIH Le dépistage est proposé à toute femme enceinte, mais requiert son consentement. Deux techniques de dépistage sont réalisées en parallèle. En cas de positivité, la confirmation est effectuée sur un deuxième sérum par Western-blot, et la charge virale est évaluée (ARN circulant) avant prise en charge spécialisée. Conclusion Les sérologies virales sont des examens faciles d’accès, mais qu’il faut savoir prescrire à bon escient. Elles ne doivent pas remplacer la mise en évidence directe du virus ou de ses composants (antigènes, ADN ou ARN) à chaque fois que celle-ci est possible. Toutefois, le diagnostic sérologique est parfois le seul accessible, soit parce que le virus concerné est non cultivable en routine (parvovirus, rubéole, hépatites), soit parce que la phase active de l’infection est terminée. Interpréter la présence d’IgM peut être complexe en raison de possibles réactivations virales. Pour déterminer le caractère ancien d’une immunité, la mesure de l’avidité des IgG spécifiques du virus est fiable. Malheureusement, peu de tests sont actuellement commercialisés.
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