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Publié le 07 juin 2010Lecture 6 min

Déclenchement du travail après 37 SA en situations particulières

A. RICBOURG - Hôpital Lariboisière, Paris

 Dans les situations obstétricales à risque (utérus cicatriciel, grossesse gémellaire et siège), un déclenchement doit être justifié par une indication médicale fondée et des conditions obstétricales favorables. Certaines précautions sont à prendre pour ne pas majorer les risques inhérents à ces situations. 

Décision obstétricale fréquente, le déclenchement est pratiqué de manière très variable dans les maternités, y compris dans les situations particulières que sont l’utérus cicatriciel, la grossesse gémellaire et la présentation du siège. Comme toujours, avant de poser la question « comment déclencher ? », il faut d’abord répondre à celle-ci : « pourquoi déclencher ? », ce d’autant que ces situations obstétricales ont leurs propres risques, ce qui justifie encore plus l’évaluation du bénéfice-risque d’un déclenchement.   Utérus cicatriciel Il est implicite qu’il s’agit d’utérus unicicatriciel puisqu’un déclenchement sur un utérus pluricicatriciel semble inconcevable. La Cochrane Collaboration, en 2009, soulignait qu’aucun essai randomisé n’a jamais été réalisé permettant de comparer l’intérêt d’une césarienne avant tout travail à une épreuve du travail.   Quels sont nos moyens de déclenchement ? Le misoprostol (Cytotec®) est à proscrire, comme en témoigne une étude randomisée réalisée en 1998 comparant le déclenchement du travail par misoprostol à celui par ocytocique (1). Cette étude a dû être arrêtée en raison d’un trop grand nombre de ruptures utérines dans le groupe misoprostol. Les prostaglandines E2 n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché en cas d’utérus cicatriciel et sont par conséquent déconseillées dans cette indication par l’ACOG. M. Lydon-Rochelle(2) a conduit une étude rétrospective incluant toutes les patientes primipares césarisées pendant une période donnée accouchant durant cette même période de leur deuxième enfant par voie basse. Le risque relatif de rupture était multiplié par 15 en cas de déclenchement par prostaglandines E2 comparativement à la césarienne avant tout travail. Les seuls modes de déclenchement à retenir sont l’amniotomie et l’ocytocine.   Quels sont les risques d’un déclenchement sur utérus cicatriciel ?   La rupture utérine Son incidence varie de 0,2 à 1,2 % dans la littérature. Cette complication potentiellement gravissime est imprévisible. Tous les facteurs de risque étudiés ont une très mauvaise valeur prédictive positive, que ce soit le délai entre 2 césariennes, l’âge maternel ou d’éventuelles complications postopératoires. En 2004, M. Landon (3) a publié une étude multicentrique prospective observationnelle de plus de 17 000 épreuves du travail versus 150 000 césariennes programmées. Le taux de ruptures utérines augmente de manière significative en cas de travail déclenché par prostaglandines et ocytociques ou ocytociques seuls. Ces ruptures utérines augmentent les taux d’hémorragies du postpartum, de transfusions, d’hystérectomie d’hémostase et, bien sûr, de mortalité périnatale.   La déhiscence de cicatrice Ayant un tableau clinique souvent moins bruyant, la déhiscence de cicatrice est moins étudiée et son pronostic obstétrical est mal établi.   L’échec de l’épreuve du travail Un échec d’épreuve du travail engendre des transfusions supplémentaires, des endométrites et des asphyxies néonatales. En revanche, de manière plus positive, il n’augmente pas le taux d’hystérectomies d’hémostase et « réussit » malgré tout dans plus de 70 % des cas (3). En conclusion, en cas d’indication indiscutable sur col favorable avec une équipe obstétricale sur place, on peut déclencher des utérus cicatriciels. Ainsi, comme le recommande la HAS : « en sélectionnant des patientes ayant une forte probabilité d’accouchement par voie basse et en évitant les prostaglandines, on peut minimiser le risque de rupture utérine ».   La grossesse gémellaire On se place a priori dans le cadre de grossesses gémellaires bichoriales biamniotiques puisque l’on est au-delà de 37 SA ; les monochoriales, qu’elles soient mono- ou biamniotiques, ont le plus souvent accouché avant ce terme.   Les indications En pratique, ce sont les mêmes que pour les singletons en y ajoutant les anomalies de croissance de l’un ou des deux.   Comment déclencher les grossesses gémellaires ? La littérature est très pauvre sur le sujet. En théorie, les prostaglandines ne sont pas autorisées. Doit-on modifier son attitude en fonction de la présentation ? Là encore, la littérature est peu contributive. Le seul point largement débattu est la date du déclenchement. Une étude japonaise rétrospective a comparé le taux de mort-nés ou de mortalité précoce chez des singletons et des jumeaux (4). Il y a une augmentation significative de la mortalité périnatale avec l’âge gestationnel : – 37-39 SA : 1,1-1,2 % – 40 SA : 1,8 % – 41 SA : 2,2 % – 42 SA : 3,7 % Par ailleurs, peu d’études ou des études de très faible puissance ont pu conclure à l’intérêt d’un déclenchement systématique. Il n’y aurait aucune différence en termes de mortalité néonatale, de durée de travail ou de césarienne. Ainsi, la HAS conclut : « Dans les grossesses gémellaires, la morbidité périnatale est augmentée après 39 SA (grade A). Bien que les données de la littérature ne permettent pas de conclure sur l’intérêt d’un déclenchement systématique, en cas de grossesse gémellaire non compliquée, il est recommandé de ne pas dépasser 39 SA + 6 jours. ».   Le siège Concernant la présentation du siège, la littérature est encore plus pauvre quant au déclenchement ; ces dernières années, le débat était plutôt centré sur la voie d’accouchement. La HAS précise que « la présentation du siège n’est pas une contre-indication absolue au déclenchement artificiel du travail en cas de bonnes conditions obstétricales ». À noter qu’aucune indication de déclenchement n’est spécifique à cette présentation. Pour le déclenchement du siège, il y a davantage de questions que de réponses. Par exemple, les gels de prostaglandines sont théoriquement contre-indiqués par le Vidal®. Or, certaines équipes en préfèrent l’usage, afin de respecter le plus longtemps possible les membranes. On peut également se demander si un déclenchement ne permettrait pas de protéger du risque de rupture de membranes incontrôlée et donc de procidence du cordon. Il paraît licite de proposer un déclenchement en cas d’indication médicale et si les conditions locales sont favorables.   En conclusion Face à ces situations particulières, il est inutile de multiplier les risques et donc de déclencher un siège sur utérus cicatriciel ou une « gémellaire » sur utérus cicatriciel. Précisons aussi que ces situations sont, à elles seules, pour certaines équipes, des indications de césariennes itératives ; en cas de déclenchement, ces équipes doivent être prudentes et motivées.

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