Publié le 23 nov 2009Lecture 9 min
Comment suivre une grossesse cerclée ?
A. CHAUVEAUD-LAMBLING, Institut Mutualiste Montsouris, Paris
On peut imaginer que la surveillance de la grossesse ne soit pas la même en fonction du contexte. En effet, le risque obstétrical n’est sûrement pas identique entre l’évolution d’une patiente ayant eu un cerclage programmé à 14 SA pour antécédent d’accouchement prématuré ou de fausse couche tardive et celle à qui est posé en urgence, à un terme plus avancé, un cerclage sur une poche des eaux plus ou moins bombante. La technique peut aussi différer avec des techniques de cerclage par fil ou par bandelette plus ou moins haute et enfouie.
Interrogations On peut se poser diverses questions devant cette patiente généralement anxieuse et qui attend beaucoup de notre prise en charge. Divers traitements complémentaires peuvent être évoqués, notamment ceux mis en place lors d’une menace d’accouchement prématuré. La surveillance du risque infectieux peut reposer sur un prélèvement vaginal mensuel avec traitement local ou général en ayant pour cible principale le dépistage de la vaginose bactérienne, pourvoyeuse d’accouchement prématuré. L’échographie endovaginale de la mesure cervicale a montré son intérêt dans le diagnostic de la menace d’accouchement prématuré avec un cut off à 25 mm pour la plupart des études. Faut-il faire des mesures régulières, mensuelles après cerclage, et quelle doit être la conduite à tenir selon les résultats ? Le toucher vaginal mensuel est sans intérêt dans la surveillance d’une grossesse asymptomatique et peut être même délétère. Il doit plutôt être remplacé par un examen sous spéculum dont le but est de vérifier si la poche des eaux n’est pas protruse à travers le cerclage (notamment dans les suivis de cerclage à chaud). Aucune indication systématique de corticothérapie à visée maturative foetale n’est à retenir ; sa prescription est à envisager devant une menace d’accouchement prématuré patente, après la limite de viabilité foetale et après discussion avec le couple. Traitements complémentaires AINS L’utilisation d’AINS type indométhacine (Indocid® 100 mg) est la tocolyse recommandée à ces termes précoces, avant la limite de la viabilité. Sans mettre en place une utilisation prolongée mais sur un traitement de 48 heures, elle est souvent envisagée (avant et après cerclage). Pourtant, une récente publication de Visintine (1) en 2008 analyse le risque d’accouchement prématuré (avant 35 SA) sur une série rétrospective de 101 patientes asymptomatiques cerclées entre 1995 et 2006 pour une mesure cervicale < 25 mm entre 14 et 23 SA ; 51 patientes cerclées avaient été traitées et 50 patientes cerclées n’avaient pas reçu d’indométhacine. Il n’y avait pas de différence significative en termes de résultats entre les deux groupes avec un risque d’accouchement spontané avant 35 SA de 39 % dans le groupe traité et de 34 % dans le groupe non traité. Les auteurs concluaient à un possible manque de puissance de l’étude. 17-OH progestérone Le traitement de la menace d’accouchement prématuré et sa prévention sont, à nouveau, sources de prescription de 17- OH progestérone, bien qu’une étude multicentrique récente ne montre pas son intérêt en cas de grossesse unique (in press). On peut avoir envie de traiter ces patientes cerclées à haut risque. Une étude rétrospective de Rebarber, publiée en 2008 (2) sur une série de patientes prises en charge entre 2004 et 2006, compare deux types de surveillance. Ces femmes avaient un antécédent d’accouchement prématuré et certaines étaient cerclées ; 232 étaient traitées par injection hebdomadaire de 17- OH progestérone avec visite hebdomadaire d’une sage femme à domicile et 1 650 étaient surveillées par monitorage biquotidien des contractions. Les résultats sont identiques en termes de taux d’accouchement avant 35 SA. Le traitement par voie vaginale a été évalué et une étude publiée en 2007 (3). Elle met en évidence une réduction du risque d’accouchement prématuré par un traitement quotidien (Utrogestan® 200 mg) de la 24e à la 34e SA chez des patientes ayant des longueurs cervicales ≤ 15 mm. Cette population ne représente qu’un tiers de celles qui accouchent prématurément et l’on ne retrouve pas de notion de cerclage. Il est donc difficile de conclure, mais cette prescription peut être envisagée. Prélèvements vaginaux Les recommandations de septembre 2001 de la Haute autorité de santé sont de dépister une vaginose bactérienne avant 20 SA chez les patientes ayant un antécédent d’accouchement prématuré. Si le traitement est mis en place avant 20 SA, on note une diminution des taux de rupture prématurée des membranes et d’accouchement prématuré (repris par la Cochrane en 2008 avec OR = 0,49). On peut envisager le même bénéfice chez des patientes cerclées. Le traitement recommandé est Flagyl® 1 g x 2/j pendant 7 jours. Le dépistage est aisé sur frottis vaginal avec examen direct après coloration de Gram (figure 1). Figure 1. Frottis vaginal : examen direct après coloration de Gram. Daskalakis en 2006 (4) a étudié l’incidence sur la prématurité du portage de streptocoque B et d’une vaginose bactérienne diagnostiquée lors du 2e trimestre. La série portait sur 1 197 patientes entre 22 et 25 SA sans aucun facteur de risque. Nous sommes donc en dehors du contexte de cerclage. Le taux de prématurité global était de 8,7 %. Lors d’un diagnostic de vaginose, le taux était de 12,5 % (risque relatif [RR] de 2,19) ; lors d’un portage de streptocoque B, le RR était de 0,43 (taux à 7,9 %). Cela nous inciterait à dépister systématiquement la vaginose et la traiter. Le dépistage de germes banaux lors de prélèvements vaginaux (tel le streptocoque B) peut amener à une prescription d’antiseptiques locaux (Colposeptine®), mais on doit éviter les traitements antibiotiques par voie générale, sources de déséquilibre de la flore vaginale avec apparition de germes différents (type E. coli, Klebsielles) multirésistants. En 2006, Shennan a publié un essai randomisé (5) sur une série de 900 patientes à risque d’accouchement prématuré (dont certaines cerclées) ; 99 d’entre elles ont été dépistées par le test de la fibronectine foetale (fFN) à 24 et 27 SA ; 54 ont été traitées par Flagyl® pendant 7 jours et 43 par un placebo. Le critère retenu était l’accouchement avant 30 SA. Le taux est de 21 % dans le groupe traité et de 11 % dans le groupe non traité. Il était conclu à un effet délétère de Flagyl®. Échographie (figure 2) Quels critères ? La métaanalyse de Crane publiée en mai 2008 (6) a rappelé l’intérêt de l’échographie endovaginale avec la mesure du col pour le diagnostic de menace d’accouchement prématuré avec un cut off à 25 mm, prédictif d’un accouchement avant 35 SA. Figure 2. Échographie endovaginale. La même équipe en octobre 2008 a placé le cut off à 30 mm (7). Hedriana en 2008 (8) s’est interrogé sur l’importance d’une certaine mesure de longueur cervicale après cerclage. Il a donc mesuré le col de 57 patientes avant cerclage (autour de 16 SA), 2 semaines après et à l’accouchement chez 2 types de patientes : celles ayant accouché avant 37 SA et celles ayant accouché à terme. Il a trouvé les mêmes mesures dans les deux groupes. En revanche, il retient que, si le col est non mesurable, le risque d’accouchement prématuré, de rupture prématurée des membranes et de chorioamniotite est important. Déjà en 2000, Dijkstra (9) se demandait si la modification de la longueur cervicale grâce au cerclage est un facteur prédictif du terme. Une série de 80 patientes a été étudiée, dont 50 avaient été cerclées de façon programmée et 30 cerclées « à chaud ». La mesure avant cerclage était de 27 ± 10 mm et à 3 reprises après cerclage jusqu’à 32 SA de 34 ± 10 mm. Il concluait que l’allongement du col après cerclage n’est pas prédictif d’un accouchement à terme, qu’entre 20 et 32 SA, la mesure est prédictive de prématurité pour les cerclages programmés et qu’entre 28 et 32 SA, la mesure est prédictive de prématurité pour les cerclages « à chaud ». Cette différenciation semble bien précise, mais on peut retenir que finalement aucune mesure n’est rassurante. Une étude plus ancienne de Guzman publiée en 1996 (10) a été faite sur des mesures en périopératoire dans les cerclages à chaud : avant et après cerclage puis 3 fois jusqu’à 28 SA (largeur et longueur de l’entonnoir, longueur efficace puis après cerclage : au-dessus et en dessous du cerclage) ; 29 patientes ont été prises en charge entre 16 et 26 SA. Une longueur au-dessus du cerclage < 10 mm était prédictive d’un accouchement prématuré. La surface de l’entonnoir avant cerclage n’était pas corrélée à un risque d’accouchement prématuré. En 2003, Rust (11) a publié une étude sur 150 patientes prises en charge entre 1998 et 2001 pour une mesure de col < 25 mm entre 16 et 24 SA. Pour lui, la mesure de la longueur audessous du cerclage n’est pas prédictive d’un accouchement prématuré. Une publication plus récente, en 2008 (12), avait aussi pour but de déterminer si la longueur du col entre le cerclage et l’orifice externe est prédictive d’un accouchement prématuré. Les 70 femmes avaient une indication échographique de cerclage. L’auteur conclut qu’une longueur ≥ 18 mm est associée à une réduction du risque d’accouchement prématuré spontané. Devant des mesures faibles de longueur cervicale, quelle doit être notre conduite à tenir ? Sur quel critère peut-on envisager un deuxième cerclage et doit-on l’envisager ? Tout d’abord, comme pour la mise en place d’un premier cerclage, on peut rappeler l’importance pronostique d’une CRP < 10. Une petite série de patientes publiée par Baxter en 2005 (13) a comparé deux types de prise en charge. Il s’agit d’une étude rétrospective sur des patientes cerclées lors du 1er trimestre pour un antécédent d’accouchement prématuré et chez lesquelles on retrouve une longueur cervicale à 25 mm avant 24 SA. Cinq patientes ont eu un 2e cerclage et il y a eu expectative pour les 19 autres. On retrouve un taux d’accouchement prématuré plus important dans le groupe de patientes ayant eu un deuxième cerclage (accouchement < 24 SA : 80 % vs 16 % et accouchement < 35 SA : 100 % vs 32 %). Conclusion L’arrêt de travail précoce semble être une mesure de bon sens pour un repos, mais sans alitement obligatoire. La mise en place d’un suivi régulier par une sage-femme à domicile joue un rôle important, notamment de soutien psychologique avec la nécessité de réassurance et de réinvestissement de la grossesse. Aucune mesure invasive n’est à mettre en place et il n’y a à l’heure actuelle aucune recommandation de traitement ni d’examen systématique.
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