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Publié le 11 nov 2009Lecture 11 min

Accident hypertensif de la grossesse : éviter la récidive

G. DUCARME, P. CHATEL, D. LUTON Hôpital Beaujon, Clichy Université Paris VII

Le suivi de la grossesse chez une patiente ayant eu un accident hypertensif au cours d’une grossesse précédente nécessite une attention particulière, avec une recherche systématique et régulière des marqueurs précoces de récidive (clinique, biologique, échographique et Doppler). L’équilibration d’une pathologie maternelle préexistante et l’opportunité d’un traitement préventif doivent, idéalement, être discutés avant même le début de la grossesse.

Les accidents hypertensifs survenant dans un contexte d’anomalie du développement ou de l’évolution de la vascularisation placentaire au cours de la grossesse se compliquent, chez la mère, de prééclampsie (PE) et, chez le foetus, de retard de croissance intra-utérin (RCIU), d’hématome rétroplacentaire (HRP) ou de mort foetale in utero (MFIU). Les patientes ayant eu une grossesse marquée par un accident hypertensif doivent être considérées comme à risque de récidive. Ce risque est d’autant plus élevé que l’accident hypertensif était précoce au cours de la grossesse, sévère, ou que la patiente présentait une pathologie favorisante sous-jacente (néphropathie, HTA persistante, thrombophilie, antécédents familiaux, etc.)(1). La consultation préconceptionnelle, les mesures thérapeutiques préventives spécifiques et les modalités de surveillance de la grossesse chez ces patientes particulières sont particulièrement importantes. Consultation préconceptionnelle La consultation préconceptionnelle a un rôle fondamental dans la prise en charge d’une future grossesse chez ces patientes aux antécédents vasculaires gravidiques (2). Elle doit tout d’abord répondre à la principale inquiétude du couple : le risque de récidive. Pour le praticien, il s’agira d’authentifier l’antécédent d’accident hypertensif. Pour cela, il faudra rechercher tous les documents disponibles relatifs à la grossesse précédente (courriers détaillés de la maternité, de la pédiatrie, dossier obstétrical antérieur). Les diagnostics évoqués devront alors être vérifiés. On recherchera la protéinurie et la tension artérielle de la patiente pendant la précédente grossesse et les courbes de croissance foetale, afin de rechercher un RCIU dysharmonieux évocateur d’une étiologie vasculaire, de même que l’étude des Dopplers utérins et la présence de notchs ; enfin, la présence de thromboses, infarctus placentaires et nécrose ischémique avec dépôts de fibrine (NIDF), sur l’analyse anatomopathologique du placenta, si elle est disponible, sera en faveur de l’origine vasculaire de l’accident hypertensif gravidique. Cette première consultation réalisée idéalement avant le début de la grossesse doit également permettre à l’obstétricien de rechercher et d’identifier une éventuelle étiologie à cet antécédent d’accident vasculaire gravidique, de rechercher des facteurs prédictifs de récidive, d’envisager un traitement préventif et, surtout, d’organiser la surveillance adaptée de la grossesse en cours.   Facteurs prédictifs de récidive La survenue d’un accident hypertensif lors d’une première grossesse induit un risque de récidive évalué à 10 % (1). Ce risque augmente de façon significative en fonction du terme de survenue de l’accident hypertensif, avec un taux pouvant aller jusqu’à 65 % lorsque celui-ci était précoce (< 27 SA) (1,3). Certaines pathologies maternelles favorisent la survenue et la récidive d’accident hypertensif. Une revue récente de la littérature faite par Barton et Sibai (1) montrait que l’intensité et la coexistence de certaines pathologies maternelles étaient corrélées au risque de récidive. Ainsi, l’HTA préexistante est associée à un risque global de PE de 25 %, mais il est de 15 % si cette HTA est modérée et de 50 % si elle est sévère. Les auteurs insistaient également sur l’existence d’une microangiopathie liée au diabète (et à sa durée d’évolution) ou à une connectivite. Les thrombophilies maternelles devront aussi être dépistées et les auteurs proposaient la recherche d’un syndrome des antiphospholipides (anticorps anticardiolipine, anticoagulants circulants), un déficit en protéine C, S et en antithrombine III, une mutation du facteur V de Leiden et du facteur II (1). Par ailleurs, Fachinetti et coll. ont montré que la présence d’une thrombophilie représente un risque significativement accru de récurrence de PE (odds ratio à 2,5), de prématurité et de petit poids de naissance (4). L’obstétricien devra donc prendre en compte cet ensemble de critères pour nuancer sa réponse faite au couple sur le risque de récidive d’accident hypertensif gravidique. La recherche des facteurs de risque sera également indispensable pour le choix d’un éventuel traitement préventif.   Mesures et traitements préventifs Le contrôle d’une pathologie maternelle favorisant la récidive d’un accident hypertensif gravidique doit être le premier objectif d’un éventuel traitement préventif. L’équilibration d’une HTA, la perte de poids en cas d’obésité et l’équilibre d’un diabète préexistant afin d’éviter les microangiopathies doivent être discutés avec le couple (1). En cas de prévention secondaire, celle-ci devra être précoce et la mise en route d’un traitement visant à diminuer le risque de récidive et ses complications devra être idéalement discuté dès le début de la grossesse sans attendre le deuxième trimestre (5). Une grande variété de traitements préventifs a été évaluée. Seule l’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire (100-160 mg/j) a démontré son efficacité sur la diminution du risque de récidive de PE (-14 %) et sur l’amélioration du terme de naissance et du poids de naissance (6). Cette prescription doit être discutée au cas par cas ; elle est plus particulièrement indiquée chez les patientes ayant eu une forme sévère et précoce de PE (< 34 SA), associée ou non à un RCIU sévère. L’association à un traitement par HBPM à dose préventive est à envisager en cas de thrombophilie sous-jacente avérée, de SAPL documenté ou de MFIU lors de la précédente grossesse. L’utilisation des HBPM permet une amélioration du pronostic obstétrical et présente l’avantage d’une injection quotidienne unique plus facile à gérer (7). Il n’existe pas de recommandations claires sur l’utilisation d’autres traitements préventifs comme les antihypertenseurs, la supplémentation en vitamines C et E (8) ou en huiles de poisson. La supplémentation en acide folique est à mettre en route en période préconceptionelle.   Surveillance de la grossesse Surveillance clinique et biologique Une surveillance précoce et rapprochée de ces patientes est essentielle pour l’amélioration du pronostic de leur grossesse. L’échographie du 1er trimestre doit être absolument bien réalisée, afin de disposer d’une date  de début de grossesse précise. On réalisera éventuellement un bilan biologique pour connaître l’état de base des organes « cibles » de la PE et en permettre une meilleure surveillance (ionogramme sanguin, urée, créatinine, protéinurie des 24 heures, recherche précoce d’un diabète, recherche de thrombophilie, SAPL et d’autres examens en fonction du contexte) (1). À chaque consultation, il faudra rechercher systématiquement les signes cliniques évocateurs de PE, en portant une attention particulière à l’apparition d’une protéinurie, à la mesure de la tension artérielle et à la hauteur utérine (recherche simple de RCIU). L’éducation de la patiente à une autosurveillance des symptômes devant la faire consulter en urgence, comme les céphalées, les phosphènes, les acouphènes, les douleurs épigastriques, les vomissements et les modifications des mouvements actifs foetaux, est indispensable. La fréquence des consultations devra être adaptée. Barton et Sibai proposaient deux consultations par mois à partir de 20 SA, puis 1 fois par semaine à partir de 32 SA (1). Cette fréquence plus élevée de consultation pourra inciter à une prise en charge à domicile par une sagefemme ou par l’HAD. Le bilan biologique chez ces patientes ne fait pas l’objet de consensus quant à sa fréquence ; il devra donc être prescrit au moindre doute clinique sur l’apparition d’une HTA gravidique ou d’une PE.   Surveillance échographique La croissance foetale doit faire l’objet d’une surveillance particulière chez ces patientes à risque de récidive d’accidents vasculaires gravidiques. Elle doit être basée sur une évaluation clinique de la hauteur utérine et la mesure échographique des biométries foetales. Afin d’optimiser la pertinence des mesures échographiques et étudier la dynamique de la croissance, il faudra se baser sur un contrôle bimensuel à partir de 22 SA centré sur les mesures du périmètre abdominal et du périmètre céphalique (paramètres les plus prédictifs et les plus sensibles dans le dépistage du RCIU). Idéalement, ces mesures seront réalisées par le même opérateur pour éviter les variations interindividuelles possibles. L’étude de la vélocimétrie Doppler des artères utérines a un rôle central dans le suivi de ces patientes et un grand intérêt pour évoquer l’origine vasculaire en cas de RCIU. Au 1er trimestre de grossesse, la présence de notchs sur les Dopplers des artères utérines est souvent physiologique à l’échographie de 12 SA, mais l’absence de ces notchs a une bonne valeur prédictive négative concernant la survenue de complications vasculaires (10). Récemment, Prefumo et coll. ont montré que la présence d’index de résistance des artères utérines pathologiques et de notchs à 12 SA a une sensibilité de 75 % et une valeur prédictive négative de 88 % de la récidive d’accident hypertensif au cours de la grossesse (11). Au 2e trimestre (22 SA), la présence de notchs protodiastoliques a une valeur prédictive positive de survenue d’une pathologie vasculaire de 31,2 % pour un RCIU et de 27 % pour une PE. La sensibilité est de 57,6 % pour un RCIU et 81,2 % pour une PE (2). Par ailleurs, si le traitement par aspirine n’avait pas été débuté en début de grossesse, il peut être rediscuté devant cet élément. Une surveillance du bien-être foetal comprenant des RCF répétés, une évaluation échographique de la quantité de liquide amniotique, des Doppler ombilicaux et des mouvements actifs foetaux est à envisager au cas par cas, mais leur prescription doit être large. L’étude de Salim et coll. a montré, sur une cohorte de patientes avec antécédent de complications au cours de la grossesse imputable à une thrombophilie, qu’une surveillance rapprochée et active est bénéfique sur l’issue d’une nouvelle grossesse (9).   Critères de gravité Ils doivent être systématiquement recherchés et conduire à l’hospitalisation de la patiente pour réaliser un bilan complet de l’accident hypertensif en cours et discuter les mesures thérapeutiques d’urgence à mettre en route, voire l’extraction foetale.   Au niveau maternel, ces critères sont : – soit cliniques avec une aggravation de l’HTA malgré un traitement bien suivi (PAS ≥160 mmHg et/ou PAD ≥ 110 mmHg), une prise de poids brutale ou des oedèmes diffus, des céphalées, des troubles visuels, une hyperréflexie ostéotendineuse, des nausées, des vomissements, des douleurs de l’hypochondre droit, une dyspnée, une chute de la diurèse (< 500 ml/24 h) ; – soit biologiques avec une élévation de la protéinurie (≥ 1 g/24 h), une élévation brutale de la créatinine, une thrombopénie (< 100 000/mm3), une cytolyse hépatique, une hémoconcentration (hématocrite > 40 %) et une suspicion d’hémolyse (schizocytes + baisse haptoglobine + élévation bilirubine et LDH).   Au niveau foetal, ces critères de gravité comportent une diminution des mouvements actifs foetaux, des altérations du RCF (disparition des accélérations, aplatissement du tracé, ralentissements, rythme sinusoïdal), une stagnation de la croissance et un RCIU, un oligoamnios sévère et des Dopplers ombilical, cérébral et veineux pathologiques avec redistribution.   Terme de l’accouchement Chez ces patientes à risque avec antécédent d’accident hypertensif gravidique, se posera la question du terme de l’accouchement. Si la patiente ne développe pas de complications au cours de la grossesse, un accouchement à terme est à favoriser. Chez les patientes développant une HTA gravidique sans complication, certains auteurs ont proposé un déclenchement du travail à partir de 38-39 SA si le col est favorable (12). Les récentes recommandations pour la pratique clinique, publiées par la SFAR/CNGOF/ SFMP/SFP en 2008, proposent, en cas de PE non sévère, un accouchement à 36 SA et, en cas de PE sévère, un accouchement à 34 SA (13).

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