Publié le 16 avr 2014Lecture 4 min
Fleur intime
P. BRENOT, Psychiatre, Directeur des enseignements de Sexologie et Sexualité Humaine à l’université Paris Descartes www.sexologie.blog.lemonde.fr
Cette « fleur intime » a fait couler tant d’encre, de larmes et de sang dans les siècles passés que l’on peut s’étonner, en quelques décennies, qu’elle ait quasiment disparu, au point que personne aujourd’hui n’en prononce plus le nom en Occident !
Botanique Quelle est cette fleur qui naît au ventre de chaque femme ? C’est l’hymen virginal, encore nommé l’« honneur des familles » ou « le dernier rempart de la pudeur », qui n’est aujourd’hui qu’un appendice « de trop » dont certaines filles jeunes tentent de se débarrasser au plus tôt ! À quoi sert l’hymen ? Au plan de l’anthropologie et de la physiologie, nous n’en savons pas grand-chose. Cette fine membrane qui est spécifique de la femelle humaine n’existe chez aucun de nos cousins primates. Et parmi les mammifères, hormis la femme, on ne connaît d’hymen que chez la taupe et la hyène. Mais n’en tirez pas de conclusion hâtive, cette particularité n’implique aucune parenté ! Si l’on n’en connaît pas la signification biologique, on en sait l’importante valeur culturelle car la symbolique humaine s’est emparée de cette fragile membrane pour en faire un signe de pureté, la porte de l’amour, le rempart de la vertu… Etre puceau, pucelle, être neuf ou neuve*, sont les qualités de l’enfant et de l’adolescent encore vierge. Mais puceau et pucelle ne signifient pas la même chose. Pour les uns (garçons), cela relève du déclaratif, pour les autres (filles), de la preuve matérielle qu’il faut encore montrer, en milieu traditionnel, pour prouver sa « pureté ». On pense tout de suite à Jeanne d’Arc, examinée à plusieurs reprises et déclarée pucelle, ce qui lui permit par la suite d’être canonisée ! Le « totem de l’hymen », selon le mot d’Hélène Michel Wolfromm, s’est aujourd’hui effacé, mais sa valeur symbolique de rempart moral subsiste en milieu traditionaliste et pour certaines femmes immatures dont le corps infantile n’est pas encore prêt à l’amour. Mais on sait aussi l’inconstance de cette fine membrane et les variabilités de son aspect qui ont nourri tous les fantasmes et permis tous les alibis. À la fin du XIXe siècle, Georges Cuvier, l’inventeur de l’anatomie comparée, aura cette très juste réflexion quant à l’inconstance de l’hymen : « La présence de l’hymen ne prouve ni la pureté, ni même la virginité de celles qui le possèdent. On cite des femmes qui l’ont conservé même après leurs couches et des jeunes filles qui ne l’ont jamais eu. » Qualité virginale Si, à l’heure actuelle, la virginité n’est plus un avantage en Occident, il est des milieux, en général confessionnels, pour qui sa valeur reste intemporelle. C’est le cas de l’Islam et de toutes les sociétés du pourtour méditerranéen qui perpétuent la coutume de la défloration nuptiale, où la preuve virginale le sang sur les draps doit être montrée pour attester de la pureté de la mariée. N’oublions pas que le mot grec hymendésignait à la fois la membrane virginale et le cri rituel que l’on poussait lors de la cérémonie nuptiale. Il fut aussi, à Rome, Hymen, le nom du Dieu du mariage. Alors, comment allier tradition et modernité sinon par des artifices techniques, réfection chirurgicale ou pose d’un hymen « plastique » artificiel « made in China » qui délivre quelques gouttes de sang au bon moment. La langue populaire parlait de rempucelage au citron, technique empirique astringente qui devait faire illusion pour un temps ! « L’état de virginité est supérieur à l’état de mariage », affirmait le Concile de 1563. À croire que pendant des siècles, ce précepte fut consciencieusement suivi, puisque la vertu des novices, puis des hirondelle sa été longtemps reconnue. Mais c’est le célibat prolongé qui a laissé dans la langue populaire les formules les plus terribles et les moins élégantes pour désigner l’état de virginité au long cours : on parlait de mourir la semence dans le corps, ou encore :son pucelage se moisit. C’était le lot des vieilles filles qui, si elles n’avaient coiffé Sainte Catherine, avaient abandonné tout espoir de perdre leur fleur. Montaigne confirme le poids du pucelage non consommé : « Je trouve plus aisé de porter une cuirasse toute sa vie plutôt qu’un pucelage. » (Essais, III 5) * P. Brenot, Les Mots du Sexe, L’Esprit du Temps, 2001.
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