Publié le 19 mar 2014Lecture 10 min
Complications après cure de prolapsus par voie vaginale avec renfort prothétique
G. GIRAUDET*, J.-P. LUCOT*, P. COLLINET*,**, M. COSSON*,** *Pôle femme-mère-nouveau-né, Hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU Lille **Université Lille-Nord-de-France
Les complications après chirurgie de renfort prothétique par voie vaginale sont liées, d’une part, à la technique chirurgicale et, d’autre part, à la mise en place du matériel prothétique lui-même. Une bonne maîtrise de la technique est nécessaire et permet de diminuer le taux de complications.
Le traitement du prolapsus avec renfort prothétique s’est développé ces dernières années avec l’apparition de nouveaux matériaux. La Food and Drug Administration (FDA) a publié un bulletin de santé en 2008 alertant les chirurgiens en raison de plus de 1 000 effets indésirables déclarés de 2005 à 20100(1). Les complications les plus fréquemment décrites étaient : érosions vaginales, infections, douleurs, récidive de prolapsus ou d’incontinence urinaire, dyspareunies et complications opératoires (plaies vésicale, rectale, vasculaire ou nerveuse). La Haute Autorité de santé (HAS) a rappelé en 2009 qu’il est nécessaire de réaliser des études prospectives comparatives entre la chirurgie vaginale classique et avec renforcement prothétique(2). Savary a publié une revue de la littérature en 2009 ; il proposait 3 indications de mise en place de matériel prothétique par voie vaginale: traitement d’une cystocèle de grade ≥ 3 (POP-Q), prolapsus sévère avec une cystocèle de grade ≥ 3 et le prolapsus récidivé(3). Une revue de la Cochrane en 2010 retrouve moins de récidives anatomiques lorsqu’une cystocèle est traitée par renfort prothétique comparé à une réparation antérieure classique(4). La chirurgie prothétique par voie vaginale est maintenant une technique chirurgicale bien standardisée qui fait appel à des kits prothétiques. Nous avons l’habitude d’utiliser le kit Prolift® comprenant une prothèse composée d’un treillis de monofilaments de polypropylène prédécoupé avec 4 bras antérieurs (prothèse antérieure) et 2 bras postérieurs (prothèse postérieure), ainsi que des canules et guides permettant le passage des bras prothétiques. Nous disposons maintenant d’un recul d’environ 7 ans concernant l’utilisation de ce matériel prothétique qui a évolué au fil des années(5). Complications opératoires Les complications qui peuvent survenir sont liées aux dissections des fosses paravésicales et pararectales ainsi qu’au passage des canules permettant la mise en place des bras prothétiques en transobturateur et en transglutéal. La technique opératoire est bien standardisée avec la nécessité d’une courbe d’apprentissage par opérateur. Les complications semblent diminuer avec l’expérience. Plaie vésicale Un des premiers temps opératoires consiste à infiltrer largement avec du sérum adrénaliné dilué, afin de faciliter la dissection qui doit respecter le fascia de Halban. Une plaie de vessie peut survenir lors de la dissection, notamment de l’ouverture des fosses paravésicales ou lors du passage des canules lorsque la vessie n’a pas été bien libérée ou n’est pas correctement protégée. Le taux de plaies de vessie varie de 0,7 à 4 %. L’essentiel est de ne pas méconnaître cette plaie. Le diagnostic peut être fait lors d’un test au bleu vésical, en cas d’urines hématuriques ou si une cystoscopie est réalisée. La prise en charge va dépendre du type de plaie. Lorsque la plaie est unique, médiane et franche, il est possible de réaliser une suture directe et de mettre en place la prothèse. Au contraire, si la plaie est proche d’un méat urétéral, en cas de plaies multiples ou à bords contus, il est préférable de réparer la plaie après avis urologique et de ne pas mettre en place la prothèse. Dans tous les cas, une sonde urinaire sera laissée en place 7 à 10 jours. Plaies urétrale et urétérale Le taux de plaies urétrales varie de 0 à 3 % des cas et le taux de plaies urétérales de 0 à 1,5 %. Il convient alors de demander un avis urologique et de ne pas mettre en place le matériel prothétique. Plaie rectale Après infiltration au sérum adrénaliné dilué, une colpotomie longitudinale postérieure est réalisée afin de disséquer les fosses pararectales et d’accéder au ligament sacro-épineux dans lequel passeront les bras prothétiques. Lors de cette dissection, qui est la même que celle réalisée lors d’une intervention de Richter, il est possible de léser le rectum, souvent en raison d’un mauvais plan de dissection. Le taux de plaies rectales varie de 0 à 0,6 %. En cas de plaie rectale, il faut la suturer, mettre en place une antibiothérapie et ne pas poser la prothèse. Se discute alors le retrait de la prothèse antérieure. Plaie vasculaire Un saignement abondant peut survenir dans 0,6 % des cas. En cas de saignement, il faut vérifier que l’on est bien dans le bon plan de dissection. Le saignement s’arrête le plus souvent spontanément. Lorsque ce n’est pas le cas, la mise en place de valves peut permettre de repérer le vaisseau lésé. Lorsque l’origine du saignement ne peut être identifiée, une mèche vaginale est mise en place afin de réaliser un tamponnement en fin d’intervention. Il peut également être utile de remplir la vessie avec 300 ml de sérum physiologique et de clamper la sonde vésicale pendant quelques heures afin d’améliorer le tamponnement, notamment des fosses paravésicales. Une surveillance postopératoire renforcée doit être instaurée. En cas de déglobulisation, un scanner injecté doit être réalisé afin de localiser et mesurer l’hématome et de repérer un saignement actif. S’il existe un saignement actif, on pourra réaliser une embolisation du vaisseau lésé ou une reprise chirurgicale par laparotomie le plus souvent. Complications à distance Une étude rétrospective unicentrique a été réalisée à l’hôpital Jeanne-de-Flandre du CHRU de Lille concernant 524 patientes opérées d’un prolapsus par prothèse de type Prolift® avec un recul moyen de 3 ans(6): 11,6 % de ces patientes ont été réopérées, 6,9 % en raison d’une incontinence urinaire, 3 % pour récidive de prolapsus et 3,6 % pour une complication en rapport avec la prothèse. Exposition prothétique Le taux d’exposition après chirurgie vaginale prothétique est d’environ 7,6 % tout matériel confondu. De Landsheere retrouve un taux d’exposition après Prolift® de 2,5 %. Ce taux est probablement fonction de l’expérience des opérateurs et du matériel utilisé. • Prévention Certaines règles permettent de diminuer le taux d’exposition. Le tissu vaginal prolabé est parfois de mauvaise qualité avec des érosions préopératoires qu’il est préférable de traiter avant la chirurgie par estrogènes locaux. Lorsqu’une hystérectomie doit être réalisée de façon concomitante, la dissection des fosses paravésicales doit être menée a retro. Il convient de limiter les incisions vaginales et de proscrire les incisions en T inversé. La prothèse doit être posée sous le fascia de Halban qui doit être respecté lors de la dissection. Cette dissection est facilitée par l’aqua dissection réalisée par l’infiltration en début d’intervention. Les coagulations sont à proscrire. Il faut également s’assurer que le guide n’a pas perforé les culs de-sac vaginaux. • Diagnostic L’exposition prothétique peut être complètement asymptomatique et découverte lors d’un examen clinique systématique (figure 1). Elle peut aussi entraîner un certain nombre de symptômes : dyspareunies, leucorrhées, saignements, pollakiurie. La prothèse peut être visualisée lors de l’examen au spéculum et perçue lors du toucher vaginal. • Traitement La conduite à tenir sera fonction des symptômes, de la taille de l’exposition ainsi que du type de prothèse. Si le matériel prothétique exposé n’est pas du polypropylène, une résection prothétique large doit être effectuée afin d’éviter les risques infectieux. Si le matériel exposé est du polypropylène, on peut se contenter de surveiller avec un traitement par estrogènes locaux lorsque la taille de l’exposition n’excède pas 1 cm2. Ce type d’exposition régresse parfois seul en 6 à 12 semaines. Si le traitement ne fonctionne pas ou que la prothèse est largement exposée, elle devra être partiellement réséquée avec une fermeture vaginale sans tension (figure 2). Il faudra vérifier l’absence d’érosion ou de plaie vésicale (test au bleu, cystoscopie) ou rectale. Figure 2.Résection localisée de prothèse Érosion prothétique • Prévention Afin de prévenir les érosions, les prothèses doivent être posées sans tension. Les plaies peropératoires doivent être diagnostiquées et la prothèse ne doit pas être posée en cas de plaie rectale ou de plaies vésicales multiples ou contuses. • Diagnostic On doit suspecter une érosion vésicale en cas d’hématurie, de dysurie, de symptômes d’hyperactivité vésicale. Une cystoscopie permettra de localiser l’exposition. Une érosion rectale peut en traîner des ténesmes, épreintes, rectorragies. Le toucher rectal permettra de palper la prothèse exposée. • Traitement Le traitement sera chirurgical avec exérèse large de la prothèse. La prothèse doit être largement réséquée. En cas d’érosion vésicale, il ne suffit pas de sectionner la prothèse exposée par cystoscopie, car les symptômes risquent de persister et l’érosion peut récidiver si on laisse la partie intramusculaire de la prothèse. L’approche sera donc combinée avec un diagnostic cystoscopique puis une résection par voie vaginale, laparoscopique ou laparotomique. infections prothétiques Les infections sont rares avec le polypropylène. La patiente pourra présenter des métrorragies, leucorrhées purulentes. L’examen clinique retrouvera une prothèse exposée ou parfois simplement un petit orifice fistuleux. Le traitement est chirurgical avec exérèse de la totalité du matériel prothétique. La prothèse sera saisie puis tractée et la dissection sera menée de proche en proche. Afin de prévenir ces infections, la chirurgie prothétique voie basse ne doit utiliser que du polypropylène. La prothèse doit être sortie de son emballage juste avant l’implantation et l’opérateur doit changer de gants avant de la saisir. Nous avons également l’habitude d’utiliser une antibioprophylaxie de type céphalosporines de deuxième génération. Rétractions prothétiques Les rétractions sont de moins en moins fréquentes avec les nouvelles prothèses. Elles peuvent entraîner des douleurs chroniques, des dyspareunies pouvant nécessiter la résection de la prothèse. La rétraction peut parfois entraîner une compression rectale responsable d’une dyschésie. Le diagnostic pourra être fait au toucher rectal avec la perception d’une bride constrictive ; l’IRM de statique pelvienne ou la défécographie permettra de confirmer cette compression. La prothèse devra être coupée médialement et réséquée jusqu’aux bras. Synéchies Les synéchies sont rares, mais peuvent entraîner des dyspareunies. Le traitement sera la section de la synéchie qui peut parfois être réalisée en consultation car ces brides cicatricielles sont le plus souvent avasculaires. Conclusion La promontofixation par voie cœlioscopique est actuellement considérée comme le gold standard du traitement des prolapsus. Des études randomisées comparant promontofixation et chirurgie vaginale prothétique sont nécessaires afin de comp arer les complications des deux techniques et de définir leur place dans la stratégie thérapeutique.
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