Ménopause
Publié le 31 mar 2025Lecture 16 min
La Women’s Health Initiative (WHI) réévaluée à la lumière d’un recul de deux décennies

La Women’s Health Initiative (WHI) est un essai clinique mis en place aux États-Unis en 1993 dans le but spécifique d’évaluer l’efficacité des traitements hormonaux de la ménopause (THM) lorsqu’ils sont prescrits dans une optique de prévention vis-à-vis des pathologies chroniques liées à la carence estrogénique postménopausique et au vieillissement. Les inclusions ont été interrompues prématurément, le comité de pilotage et de sécurité de l’essai ayant estimé que les préjudices observés étaient supérieurs aux bénéfices procurés. Toutefois, le suivi des femmes a pu être poursuivi plusieurs années après la fin de la période des inclusions, avec une durée d’observation cumulée de plus de 13 ans pour l’ensemble des paramètres, et jusqu’à 20 ans pour certains. C’est une analyse synthétique des résultats observés, incluant ce recul, qui est présentée dans l’article de JoAnn E. Manson et coll(1). Une réflexion sur les enseignements que l’essai a apportés pour la pratique clinique complète cette synthèse.
Dans les années 1980 ont été publiées plusieurs études cliniques concluant que les THM faisaient montre d’un bénéfice qui s’étendait au‐delà du seul traitement des symptômes vasomoteurs. Pêle‐mêle : diminution de l’incidence des coronaropathies, diminution de l’incidence des fractures ostéoporotiques, ralentissement du déclin cognitif, plus faible mortalité toutes causes confondues. Il s’en était suivi une explosion de prescriptions de THM, y compris chez des femmes à distance de la survenue de leur ménopause (jusqu’à un tiers des prescriptions étaient faites à des femmes de plus de 60 ans). Les études sur lesquelles ces résultats étaient basés étaient généralement observationnelles. Par contraste, la plupart des essais contrôlés ne confirmaient pas ces données. Ils montraient généralement une absence de bénéfice, et certains avaient même suggéré un risque accru de complications cardiovasculaires durant la première année après la randomisation.
La WHI se proposait de départager les avis par une étude menée selon une méthodologie robuste : un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé contre placebo. La WHI a été menée sous l’égide des National Institutes of Health (NIH).
Inclusions
Les inclusions ont débuté en 1993. Le protocole prévoyait d’inclure des femmes de 50 à 79 ans, en bonne santé globale (absence de pathologie faisant craindre une survie inférieure à 3 ans). Deux hormones ont été utilisées, les estrogènes conjugués équins (ECE ; 0,625 mg/j) et l’acétate de médroxyprogestérone (MPA ; 2,5 mg/j), administrés par voie orale et prescrits en continu. Ces composés ont été choisis parce qu’ils étaient à l’époque les plus utilisés dans l’indication THM aux USA. L’étude comportait deux bras, selon que les femmes incluses avaient toujours leur utérus (bras « THM combiné », les ECE étant associés au MPA) ou qu’elles avaient subi une hystérectomie (bras « ECE seuls »).
La durée prévue initialement était de 9 ans. Mais, lors de sa dixième analyse intérimaire, le comité de pilotage et de sécurité de l’essai a jugé que les préjudices observés étaient supérieurs aux bénéfices. Dans le bras « THM combiné », le gain cardiovasculaire escompté n’était pas au rendez‐vous : pas de diminution du taux de cardiopathies coronaires, mais, par contre, augmentation des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des embolies pulmonaires.
En regard, l’incidence des cancers du sein était augmentée. Les inclusions ont donc été interrompues en 2002 dans ce bras, soit après une durée médiane de 5,6 ans. Pour le bras « ECE seuls », on n’observait pas d’amélioration des indicateurs cardiovasculaires mais un taux d’AVC augmenté. Les inclusions ont été interrompues en 2004, soit après une durée médiane de 7,2 ans.
Entre 1993 et 1998, 27 347 femmes ménopausées ont été incluses (bras « THM combiné », 16608 femmes ; bras « ECE seuls », 10739 femmes). L’âge moyen des femmes lors de leur inclusion dans l’essai était de 63 ans ; dans chaque bras, environ un tiers avaient un âge inférieur à 59 ans.
Après la fin des inclusions, plus de 80 % des femmes alors en vie ont été volontaires pour que leur surveillance soit poursuivie. Pour elles, les résultats sont disponibles pour une durée médiane de suivi cumulé de 13 ans pour la majorité des paramètres, et pour certains, comme le cancer invasif du sein, de 20 ans.
Analyse
L’étude comportait deux critères de jugement principaux : l’incidence des cardiopathies coronaires pour le volet efficacité ; celle des cancers invasifs du sein pour le volet sécurité. Une vingtaine de critères secondaires étaient également relevés. Ils concernaient la pathologie cardiovasculaire, la pathologie tumorale et les fractures. Huit de ces critères étaient regroupés en un index synthétique global. L’incidence des complications observées est exprimée sous forme de pourcentages annualisés. Les incidences observées dans les groupes traitement hormonal ou placebo sont comparées à l’aide de hazard ratios (avec un intervalle de confiance à 95 %). Quand il y a lieu, la différence de risque absolue entre traitement hormonal et placebo est exprimée pour 10 000 femmes et par an.
L’analyse globale est complétée par une analyse stratifiée par sous‐groupes chronologiques. Dans ce cas, les participantes sont réparties par tranches de 10 ans, selon leur âge lors de l’inclusion dans l’essai (50‐59 ans ; 60‐69 ans ; 70‐79 ans), ou selon le délai écoulé depuis la survenue de la ménopause à ce moment (< 10 ans ; 10‐19 ans ; > 20 ans). Les hazard ratios de chacune des trois tranches chronologiques sont comparés entre eux par une analyse de tendance.
Dans l’analyse reprise ci‐dessous, seules les valeurs de p strictement < 0,05 sont considérées comme statistiquement significatives.
Résultats : THM combiné ECE + MPA(1)
Pathologies cardiovasculaires
• Pathologie coronarienne
Sous ce terme sont regroupés les infarctus et les décès par pathologie coronarienne. Au moment de l’arrêt de l’essai, soit au délai médian de 5,6 ans, le THM n’a ni apporté de bénéfice ni eu d’effet délétère, comme illustré dans le tableau 1, avec un hazard ratio correspondant statistiquement non significatif (figure 1A). Dans le détail, pendant cette période, l’incidence des accidents coronariens est augmentée par rapport au groupe‐témoin pendant la première année de prise, puis baisse rapidement. Au délai de 5,6 ans, il y a un retour à l’équilibre.
Par la suite, comme le montre le suivi prolongé à 13 ans et à 18 ans, l’incidence des pathologies coronariennes ne diffère plus entre les groupes « THM combiné » et placebo (tableau 1, figure 1A).
Dans le groupe traité, on n’observe pas d’augmentation du risque relatif de complications coronariennes par rapport aux témoins en fonction de l’âge croissant lors de la randomisation (tableau 2, figure 1B). Dans le détail, le taux de complications varie en fonction du délai écoulé depuis l’installation de la ménopause. Il n’y a pas d’augmentation du risque lorsque la ménopause est survenue < 10 ans ou 10‐19 ans avant la randomisation. Chez les femmes qui ont été incluses dans l’étude au délai de 18 ans après la survenue de la ménopause, on constate cependant un excès d’accidents coronariens. Il est de 19/10 000 femmes par an à la fin de la phase d’intervention et de 14/10 000 femmes lors du suivi cumulé.
Les flèches symbolisent l’incidence comparée de survenue des complications cardiovasculaires entre groupe actif versus placebo, aux termes de 5,6 ans, 13 ans et 18 ans. La comparaison entre groupe ECE+MPA et placebo est représentée dans les colonnes de gauche, et la comparaison entre groupe ECE et placebo est représentée dans les colonnes de droite.
Les flèches indiquent une incidence augmentée (flèche rouge) , inchangée → ou diminuée (flèche verte) entre les groupes « traitement hormonal » et placebo, respectivement.
*critère de jugement principal, volet efficacité.
Les flèches symbolisent l’incidence comparée de survenue des complications cardiovasculaires entre groupe actif versus placebo, aux termes de 5,6 ans, 13 ans et 18 ans. La comparaison entre groupe ECE+MPA et placebo est représentée dans les colonnes de gauche, et la comparaison entre groupe ECE et placebo est représentée dans les colonnes de droite.
* La flèche en pointillé indique qu’il existe une incidence augmentée pour le sous‐groupe « délai après la ménopause > 20 ans » par rapport au placebo, mais il n’y a pas d’augmentation pour l’évolution entre les trois sous‐groupes de délai dans le groupe traité (p = 0,08).
Figure 1. Pathologie coronarienne, groupe ECE+MPA.
La figure montre l’incidence comparée de la pathologie coronarienne dans le groupe ECE+MPA comparée à celle du placebo. A. Ensemble de la population, comparaison à l’issue de la phase d’intervention (5,6 ans), puis lors du suivi cumulé à 13 ans. B. Population stratifiée selon l’âge à l’inclusion, évaluation à 5,6 ans. L’incidence est exprimée sous la forme de hazard ratio. ° : différence non significative.
• Autres paramètres cardiovasculaires
Pendant la phase d’inclusion, les taux d’AVC et d’embolies pulmonaires sont plus élevés dans le groupe « THM combiné » (tableau 1). Leur incidence se normalise par la suite, si bien qu’au délai de suivi cumulé de 13 ans, on ne constate plus de différence pour les deux paramètres (tableau 1). La mortalité par pathologie cardiovasculaire n’est pas affectée par le THM combiné. L’analyse stratifiée par âge montre que les risques d’accident vasculaire cérébral, d’embolie pulmonaire et la mortalité par pathologie cardiovasculaire ne sont pas influencés par l’âge lors de l’inclusion ou le délai entre survenue de la ménopause et l'inclusion.
Autres paramètres
• Cancers du sein
L’incidence des cancers invasifs du sein est plus élevée dans le groupe « THM combiné » au délai médian de 5,6 ans. Cette augmentation persiste aux délais de suivi cumulés de 13 et 18 ans (tableau 3). La mortalité par cancer du sein est plus élevée au délai de 5,6 ans et persiste au délai de suivi cumulé de 13 ans. Mais on n’observe plus de différence au délai cumulé de 18 ans.
Les flèches symbolisent l’incidence comparée de survenue des complications cardiovasculaires entre groupe actif versus placebo, aux termes de 5,6 ans, 13 ans et 18 ans. La comparaison entre groupe ECE+MPA et placebo est représentée dans les colonnes de gauche, et la comparaison entre groupe ECE et placebo est représentée dans les colonnes de droite.
Les flèches indiquent une incidence soit augmentée (flèche rouge) , inchangée → ou diminuée (flèche verte) entre les groupes « traitement hormonal » et placebo, respectivement.
*critère de jugement principal, volet sécurité ; **NA : pas de données
• Autres cancers
La baisse d’incidence des cancers colorectaux observée au moment de l’arrêt de l’essai dans le groupe « THM combiné » ne se maintient pas au délai cumulé de 13 ans (tableau 3). L’incidence des cancers de l’endomètre suit une évolution inverse : pas de différence observée à 5,6 ans, suivie d’une baisse d’incidence au délai de 13 ans de suivi cumulé. L’incidence des cancers de l’ovaire est inchangée.
• Fractures de hanche
Leur incidence est plus basse dans le groupe « THM combiné » comparée au placebo pendant la phase d’intervention. La baisse se maintient, bien qu’atténuée, au délai cumulé de 13 ans (tableau 4).
Les flèches symbolisent l’incidence comparée de survenue des complications cardiovasculaires entre groupe actif versus placebo, aux termes de 5,6 ans, 13 ans et 18 ans. La comparaison entre groupe ECE+MPA et placebo est représentée dans les colonnes de gauche, et la comparaison entre groupe ECE et placebo est représentée dans les colonnes de droite.
Les flèches indiquent une incidence soit augmentée (flèche rouge), inchangée →, ou diminuée (flèche verte) entre les groupes « traitement hormonal » et placebo, respectivement.
*critère de jugement principal, volet efficacité.
• Indicateurs globaux
Le nombre total d’événements indésirables constitutifs de l’index synthétique est plus élevé lors de la phase d’intervention (tableau 5). L’excès d’événements indésirables est alors de 20 pour 10 000 femmes et par an. Il n’y a pas d’effet en fonction de l’âge de début de la prise. L’augmentation n’est plus constatée au délai cumulé de 13 ans.
On n’observe pas de modification de la mortalité toutes causes lors de l’analyse à 5,6 ans comme au délai cumulé de 13 ans. Ce paramètre n’est pas modifié selon l’âge de début de la prise hormonale (tableau 5).
Les flèches symbolisent l’incidence comparée de survenue des complications cardiovasculaires entre groupe actif versus placebo, aux termes de 5,6 ans, 13 ans et 18 ans. La comparaison entre groupe ECE+MPA et placebo est représentée dans les colonnes de gauche, et la comparaison entre groupe ECE et placebo est représentée dans les colonnes de droite.
Les flèches indiquent une incidence soit augmentée (flèche rouge), inchangée →, ou diminuée (flèche verte) entre les groupes « traitement hormonal » et placebo, respectivement.
*critère de jugement principal, volet efficacité.
Résultats : THM par ECE seuls(2)
Pathologies cardiovasculaires
• Pathologie coronarienne
Pendant la phase d’intervention, la prise d’ECE seuls ne s’accompagne pas de modification du taux d’accidents coronariens (tableau 1). Le hazard ratio ne diffère pas significativement de 1 (figure 2A). Cette neutralité est observée même en première année de prise. Elle se confirme pendant la période de suivi jusqu’à 18 ans (tableau 1). L’ana‐ lyse avec stratification chronologique montre également une absence d’effet de l’âge à l’inclusion dans l’essai (figure 2B).
Figure 2. Pathologie coronarienne, groupe ECE
La figure montre l’incidence comparée de la pathologie coronarienne dans le groupe ECE seuls, comparée à celle du placebo. A. Ensemble de la population, comparaison à l’issue de la phase d’intervention (7,2 ans), puis lors du suivi cumulé à 13 ans. B. Population stratifiée selon l’âge à l’inclusion, évaluation à 7,2 ans.
L’incidence est exprimée sous la forme de hazard ratio. ° : différence non significative.
En revanche, on observe des résultats dissociés pour la survenue des seuls infarctus du myocarde. Leur taux augmente avec l’âge des femmes lors de l’inclusion dans l’essai, alors qu’il ne varie pas avec le délai écoulé depuis l’installation de la ménopause (tableau 2).
• Autres paramètres cardiovasculaires.
Un excès d’AVC est relevé pendant la phase d’intervention. Il a disparu au délai de 13 ans (tableau 1). On n’observe pas d’augmentation des embolies pulmonaires, que ce soit pendant la phase d’intervention ou au délai de 13 ans (tableau 1). Leur taux est indépendant de l’âge des femmes ou du délai écoulé depuis l’installation de la ménopause lors de l’inclusion dans l’essai (tableau 2).
La mortalité par pathologie cardiovasculaire n’est pas affectée par la prise d’ECE seuls, que ce soit au terme de 7,2 ans ou aux délais de suivi cumulés de 13 ans et de 18 ans (tableaux 1 et 2).
Autres paramètres
• Cancers du sein
Alors que le THM par ECE seuls est neutre sur l’incidence des cancers invasifs du sein pendant la phase d’intervention, on observe une diminution d’incidence à 13 ans, qui se poursuit à 18 ans (tableau 3). La mortalité par cancer du sein est également diminuée à ces délais (tableau 3). Il n’apparaît pas de tendance liée à l’âge ou le délai écoulé depuis la survenue de la ménopause lors de la randomisation.
• Autres cancers
L’incidence des cancers colorectaux est inchangée, que ce soit pendant la phase d’inclusion ou au recul de 13 ans. Cependant, on observe une fréquence accrue chez les femmes qui ont commencé la prise hormonale après 70 ans. L’incidence des cancers de l’ovaire est augmentée, mais dans les deux groupes, avec un taux faible.
• Fractures de hanche
Une diminution de l’incidence des fractures du col est observée à 7,2 ans. Elle est plus marquée lorsque le traitement hormonal a été commencé plus de 20 ans après la survenue de la ménopause. Mais elle ne persiste pas au délai de 13 ans (tableau 4).
• Indicateurs globaux
La mortalité toutes causes et l’index synthétique ne sont pas affectés par la prise d’ECE seuls, que ce soit lors de l’analyse à 7,2 ans ou au délai cumulé de 13 ans (tableau 5). Mais on observe une tendance à l’augmentation en fonction de l’âge de début de la prise.
Synthèse
Paramètres cardiovasculaires
Globalement, on observe peu d’effets du THM. Au délai d’observation médian de 5,6 ans dans le groupe « THM combiné », comme au délai de 7,2 ans dans le groupe « ECE seuls », on ne constate ni augmentation ni diminution d’incidence de la pathologie coronarienne. Dans les deux groupes il existe au début une augmentation d’incidence des AVC, ainsi qu’une augmentation d’incidence des embolies pulmonaires dans le groupe « THM combiné ». Mais pour l’ensemble des paramètres « vasculaires », la situation est normalisée à 13 ans.
Dans aucun des deux groupes, on observe pour les paramètres cardiovasculaires d’effet flagrant de l’âge des femmes lors de l’inclusion dans l’essai ou du délai écoulé depuis l’établissement de la ménopause, que ce soit lors de la phase d’inclusion ou par la suite. Les seules différences notées sont discordantes : une augmentation d’incidence des infarctus avec l’âge croissant dans le groupe « THM combiné », et avec le délai croissant du délai écoulé depuis l’établissement de la ménopause dans le groupe « ECE seuls ».
Cancers
Dans le groupe « THM combiné », l’incidence des cancers invasifs du sein, qui était augmentée dès 5,6 ans, se confirme par la suite. Par contre dans le groupe « ECE seuls », c’est au contraire une diminution de l’incidence des cancers du sein que l’on observe au délai de 13 ans. Dans le groupe « THM combiné », on observe une incidence diminuée des cancers de l’endomètre.
Fractures du col
La diminution d’incidence des fractures du col, constatée dans les deux groupes lors de la phase d’inclusion, persiste uniquement dans le groupe « THM combiné ».
Apport de la WHI à la pratique clinique
En conclusion de leur article, JE Manson et coll. font valoir que deux idées‐forces notables pour la pratique clinique se dégagent à partir des constatations faites dans la WHI.
• La prise de THM n’apporte pas de bénéfice, en particulier cardiovasculaire, et cela, quel que soit l’âge des femmes. Le THM n’a donc pas d’indication dans la prévention des pathologies chroniques rencontrées après la ménopause, en particulier pathologies cardiovasculaires, AVC ou dégradation des fonctions cognitives.
• Chez les femmes les plus jeunes, le taux de base des accidents cardiovasculaires est faible, donc leur surcroît de survenue en valeur absolue est limité. Le THM peut donc être utilisé pour traiter les symptômes ménopausiques gênants peu après la ménopause, si elles n’ont pas de contre‐indication et qu’elles souhaitent bénéficier d’un traitement hormonal. D’autant, ajoutent les auteurs, qu’il est possible que les formulations pharmaceutiques plus récentes que celles qu’ils ont utilisées (estradiol, progestérone micronisée, dydrogestérone), les posologies plus faibles et la voie transdermique s’accompagnent d’une incidence moindre des complications thrombotiques. Néanmoins la différence n’a pas été confirmée par des essais contrôlés. Dans tous les cas, le surcroît de cancers du sein nécessite une surveillance attentive.
Discussion
Lors de leur publication, les résultats observés dans la WHI avaient fait l’objet de vives critiques. Les controverses se sont apaisées avec le temps, et, au recul de deux décennies, il apparaît que les recommandations professionnelles en vigueur sont, dans leur majorité, en phase avec les résultats de la WHI.
Néanmoins, les résultats rapportés dans la WHI ne font pas l’unanimité, et les raisons de la discordance entre études observationnelles et essais randomisés restent à éclaircir. Une première explication met en cause un biais statistique. Du fait de leur conception même, les études randomisées, comme la WHI, analysent des femmes dont le traitement est de début récent. Or, un excès d’accidents se produit lors de la première année du traitement, pour diminuer par la suite, et aboutir à un résultat neutre. En revanche, les études observationnelles, du fait de leur méthodologie d’analyse transversale, considèrent des femmes qui sont en majorité à distance de l’instauration du traitement, donc chez lesquelles la période la plus propice aux accidents est passée.
Une deuxième explication est d’ordre physiopathologique. Elle s’appuie sur la théorie dite du « délai critique » : les estrogènes auraient un effet préventif sur le développement de l’athérosclérose lorsqu’ils sont administrés sur des tissus encore sains ou porteurs de lésions endothéliales d’athérosclérose encore minimes ; ils auraient cependant un effet délétère lors‐ qu’ils sont mis en place, alors que des lésions sont déjà établies, en particulier en présence de plaques d’athérome(2). Les femmes incluses dans les études observationnelles sont essentiellement des femmes jeunes qui utilisent le THM pour contre‐ balancer les symptômes post‐ménopausiques. Leur ménopause est de survenue récente lors de la mise sous traitement. Leurs vaisseaux sont le plus souvent sains. À l’inverse, dans la WHI, le THM a été utilisé dans un but de prévention de pathologies chroniques. Dans de nombreux cas, il a été prescrit à distance de la survenue de la ménopause, chez des femmes dont les vaisseaux sont déjà remaniés par l’athérosclérose.
Plusieurs méta‐analyses, dont l’une publiée dans la Cochrane Database(3), montrent que si le traitement hormonal est commencé chez des femmes de moins de 60 ans et/ou au délai de moins de 10 ans après la survenue de leur ménopause, on observe une diminution de la mortalité toutes causes d’environ 30 à 40 % ; une diminution des accidents cardiovasculaires de 30 à 50 % ainsi qu’une diminution de la mortalité par accidents cardiovasculaires.
Outre les études observationnelles, il existe un corpus d’études qui confortent l’hypothèse de la fenêtre d’opportunité temporelle et la dualité de l’effet des estrogènes sur les vaisseaux. Au nombre de ces preuves on compte : des essais randomisés d’imagerie vasculaire quantitative, évaluant l’évolution des lésions athéromateuses sous THM ; des études expérimentales chez l’animal ; et des essais randomisés centrés sur la survenue de diverses complications cardiovasculaires comme les AVC.
Dans ces conditions, c’est l’absence d’effet de l’âge ou du délai écoulé depuis la survenue de la ménopause pour la presque totalité des paramètres cardiovasculaires observés dans les analyses stratifiées des données de la WHI qui ne s’explique pas.
Le problème de l’opportunité d’élargir les indications de THM dans une optique de prévention est donc loin d’être réglé. L’attitude actuelle de prescription prudente reste d’actualité. Mais assister un jour prochain à un retour de balancier dans les recommandations n’est pas exclu.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :