Publié le 20 déc 2024Lecture 6 min
Trois sujets autour de la maternité et de la santé de la femme : conservation ovocytaire, hémorragie du post-partum et contraception en post-abortum
Denise CARO, d'après un symposium avec le Dr Sylvie Epelboin, le Pr Paul Guerby et le Pr Aubert Agostini
La façon d’appréhender et de vivre la maternité a radicalement changé en un demi-siècle. La disponibilité d’un large panel de méthodes contraceptives et la possibilité d’autoconservation des ovocytes hors raisons médicales constituent une indéniable avancée mais posent un certain nombre de questions. Autre progrès, une meilleure maîtrise des hémorragies du postpartum.
L'espérance de vie des femmes s’est allongée et l’âge des grossesses a reculé, d’où l’émergence de projets de vie avec maternité différée plus fréquents. Dix ans après la loi de bioéthique de 2011 autorisant la préservation de la fertilité pour raison médicale, la loi de 2021 permet l’autoconservation des ovocytes à toute femme entre 29 et 37 ans (plus précisément le 37e anniversaire). En France, la Sécurité sociale prend en charge l’ensemble des frais excepté ceux relatifs à la conservation des gamètes (sans limites du nombre de ponctions, de centres consultés, etc.). Toutefois, l’autoconservation est réservée au secteur public (avec quelques dérogations pour le secteur privé), si bien que les délais sont très longs et variables d’une région à l’autre (entre 8 et 14 mois entre la première consultation et la conservation). « L’autoconservation à visée personnelle est une décision de société, c’est une avancée majeure », rapporte le Dr Sylvie Epelboin (hôpital Bichat–Claude‐Bernard, AP‐HP). Toutefois, si la vitrification ovocytaire permet de constituer un stock de gamètes, elle ne solutionne pas le problème de la baisse physiologique de la fertilité liée à l’âge. Les chances de grossesse avec un ovocyte congelé baissent rapidement avec l’âge. Avant 35 ans, il faut 10 à 15 ovocytes pour obtenir une naissance vivante, après 35 ans il en faut 20. Après 40 ans, 3,7 % seulement des femmes ont un enfant par ce moyen(1).
Il faut savoir que la majorité des ovocytes ainsi conservés ne sont pas utilisés, cela semble‐t‐il pour diverses raisons : la femme a pu avoir une grossesse naturelle, n’a pas trouvé de partenaire et a renoncé à une maternité isolée, a craint la lourdeur de l’AMP, n’a pas voulu recourir à un don de sperme, etc. Enfin, rappelons que l’autoconservation est un acte médical qui expose aux mêmes incidents ou complications que ceux de la stimulation hormonale (hyperstimulation, thromboembolie) et de la ponction ovarienne (hémorragie, infection, lésion d’un organe pelvien). « Il convient d’informer clairement les femmes, cela, sans les encourager ni les décourager. Et il faut aussi les accompagner dans leur projet ultérieur », relate le Dr Epelboin.
Quoi de neuf dans les hémorragies du postpartum ?
L’hémorragie du post‐partum (HPP) correspond à une perte sanguine supérieure à 500 cc dans les 24 heures suivant un accouchement par voies basses (AVB) ou une césarienne (C). Celle‐ci est considérée sévère si la perte de sang excède 1000 cc. On estime qu’elle concerne 11 % des accouchements, dont 3 % de forme sévère(2).
En France, la prise en charge des HPP est bien standardisée(3). Elle est assurée par une équipe multidisciplinaire (gynécologue‐obstétricien, sage-femme et anesthésiste). L’oxytocine (dose max 40 UI) est administrée en première intention ; en cas l’échec on fait appel à la sulprostone (250 µg/20 min‐ 250 µg/40 min). L’étape suivante repose sur l’utilisation d’un ballon de tamponnement intra‐utérin (BTIU). Et ce n’est qu’en cas de nouvel échec qu’une embolisation, une chirurgie conservatrice ou une hystérectomie d’hémostase est envisagée. Avec une efficacité globale de 80 à 90 %, le BTIU permet une réduction importante du recours à l’embolisation (8,2 % vs 2,3 % OR : 0,26) et à la chirurgie conservatrice (5,1 % vs 1,4 % OR : 0,26)(4‐6). « Il y a toujours une possibilité théorique de faire mieux », estime le Pr Paul Guerby (CHU de Toulouse).
La technique du vacuum utilisée en chirurgie cardiaque est séduisante. Le chirurgien applique sur la plaie une plaque aspirante ; en quelques secondes le myocarde se contracte et collabe les vaisseaux. Le même principe peut être utilisé en cas d’une HPP ; l’atonie du muscle utérin ne permettant pas de collaber les vaisseaux qui continuent à saigner(7). Constitué d’une boucle dotée de multiples petits trous, placé à l’intérieur de l’utérus, le vacuum permet une aspiration douce qui force le muscle utérin à se contracter et à collaber les vaisseaux en quelques minutes. Le sang est recueilli dans une poche à travers une tubulure. Le retrait du dispositif est simple, rapide et sans douleur. « La technique étant nouvelle, dans la littérature, il n’y a uniquement que des données observationnelles à ce jour », précise le Pr Guerby. Une étude prospective pivotale a montré que le vacuum permet le non‐recours à une méthode invasive dans 94 % des cas(8). Un autre essai portant sur un nombre plus important de femmes (800) a montré une efficacité globale de 92 % pour les HPP après AVB et de 83 % après C. L’arrêt du saignement était obtenu en moins d’une minute dans près de la moitié des cas et en moins de 5 minutes dans près des trois quarts des cas. Le traitement était bien toléré(9). Enfin, une étude de cohorte rétrospective ayant analysé les dossiers de femmes ayant eu recours à un BTIU ou à un vacuum pour une HPP montre que les femmes du groupe vacuum avaient eu significativement moins de transfusions importantes et de pertes sanguines que celles du groupe BTIU(10). « En dépit des biais relatifs à ces quelques études, les premières données de la littérature sont encourageantes ; le principe de traiter l’atonie en faisant contracter l’utérus est séduisant ; des essais cliniques randomisés devront confirmer ces résultats », conclut le Pr Guerby.
Quelle contraception en postabortum et postpartum ?
• En postabortum
Il est recommandé de mettre en place rapidement une contraception efficace, de préférence à durée d’action prolongée telle qu’un DIU ou un implant(11).
En cas d’IVG instrumentale, l’implant ou le DIU au cuivre (Cu) ou au lévonorgestrel (LNG) devraient être insérés le jour de l’intervention. L’insertion immédiate du DIU est peu risquée (très rares infections ou perforations) avec toutefois un taux d’expulsion un peu plus élevé. Les autres types de contraception (pilule estroprogestative [EP] ou microprogestative, patch) devraient également être débutés dès le jour de l’interruption ; l’anneau vaginal dans les 5 jours suivant l’intervention.
En cas d’IVG médicamenteuse, la pilule EP orale, microprogestative ou le patch devraient être débutés le jour même ou le lendemain de la prise de mifépristone. L’implant peut être inséré à partir du jour de la prise du médicament et l’anneau vaginal dans la semaine qui suit celle‐ci. Enfin, un DIU peut être posé dans les 10 jours suivant la prise de prostaglandines après que l’on se s’est assuré par échographie de l’absence de grossesse intra‐utérine. « Attention, il faut laisser le choix à la patiente et ne pas lui imposer une contraception de jour de l’IVG », a prévenu le Pr Aubert Agostini (hôpitaux de Marseille, AP‐HM). « L’important est de garder le lien avec elle pour reparler de la contraception. »
• En postpartum
Après l’accouchement, une femme n’allaitant pas recommence à ovuler dès la 3e semaine(12). Près de la moitié des jeunes mères reprennent une activité sexuelle avant 6 semaines et la moitié d’entre elles n’utilisent pas de contraception. « Il faut parler contraception avant la visite post‐natale, d’autant que bien des femmes ne s’y rendent pas », insiste le Pr Agostini. « Dans le post‐partum immédiat, les contraceptions de longue durée d’action sont recommandées. »
Les recommandations de la HAS sont les suivantes : J0 pose d’un implant ou d’un DIU Cu dans les 48 heures, J21 progestatifs, J28 DIU‐LNG, J42 estroprogestatifs sans allaitement, 6 mois estroprogestatifs en cas d’allaitement (en respectant les contre‐indications des estroprogestatifs)(13).
Symposium organisé par le laboratoire Organon avec la participation du Dr Sylvie Epelboin « chez quelle femme proposer une conservation d’ovocytes ? (Paris), du Pr Paul Guerby « Actualité sur les techniques d’aspiration dans les HPP » (Toulouse), du Pr Aubert Agostini « Post‐partum et post‐abortum : comment prévenir une nouvelle grossesse non désirée (Marseille), congrès Infogyn, octobre 2024.
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