Publié le 06 jan 2025Lecture 7 min
Lésions du col de l’utérus : les éléments de la surveillance post-thérapeutique
Denise CARO, d’après la communication du Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot (CHU Bicêtre)
Le traitement et la surveillance postthérapeutique des lésions intraépithéliales du col utérin dépendent de leur grade (bas ou haut), de l’âge de la patiente (et de son désir de grossesse) et de la persistance ou non de la positivité du test HPV. L’Institut national du cancer (INCa) a actualisé en 2019 ses recommandations sur la surveillance postthérapeutique de ces lésions.
Le traitement de référence des lésions intraépithéliales de haut grade (LIEHG) repose sur la conisation. Une exception peut être faite chez les femmes jeunes (< 30 ans) avec un désir de grossesse. Elles peuvent alors être surveillées, sous réserve que les lésions soient peu étendues (< 2 quadrants) et qu’il y ait une bonne observance du suivi avec une surveillance tous les 6 mois durant au maximum 2 ans. Pour les lésions intraépithéliales de bas grade (LIEBG), le traitement destructeur n’est pas obligatoire ; il est discuté (mais pas forcément réalisé) si les lésions persistent au bout de 2 ans(1). L’enjeu de la surveillance est le risque de cancer du col. Le risque relatif de cette évolution vers un cancer du col est : non estimable pour les LIEBG, de 1,4 à 2,6 pour les LIEHG traitées et de 8 à 10 pour les adéno‐ carcinomes in situ (AIS) traités(2,3). Les recommandations précédentes de l’ANAES de 2002 étaient basées sur une surveillance cytologique et colposcopique(4). Celles de l’INCa de 2019 font une large place au test HPV. À noter qu’elles ne concernent pas les patientes immunodéprimées et qu’elles sont les mêmes que les femmes aient eu ou non une vaccination HPV(5).
Conduite à tenir face à une LIEBG
La littérature portant sur l’évolution des LIEBG est moins fournie que celle concernant les LIEHG. Aucun facteur de risque de récidive n’a été identifié. « On a très peu de données sur le délai de récidive, mais on a l’impression qu’il y a au moins de 2 ans entre la prise en charge de la LIEBG et l’apparition d’une lésion de haut grade », rapporte le Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot (CHU Bicêtre). Concernant les modalités de surveillance, bien qu’il y ait là aussi peu de littérature, il apparaît que le test HPV a une très bonne sensibilité (100 % vs 88,2 % pour la cytologie) et spécificité (91,4 % vs 80 %), valeur prédictive positive (70 % vs 83,3 %) et valeur prédictive néga‐ive (100 % vs 94,1 %)(6,7).
Dans ses recommandations de 2019, l’INCa indique que la LIEBG doit être traitée que si elle persiste après 2 ans. Il propose ensuite de faire un test HPV à 6 mois. En cas de négativité pour un HPV à haut risque, la patiente est à nouveau incluse dans le dépistage organisé de routine(5). Si le test HPV est positif à 6 mois, on applique le protocole standard, à savoir la réalisation d’une colposcopie avec examen de la vulve et du vagin, et biopsie si besoin. La mise en évidence de lésions implique leur traitement. Si la colposcopie est strictement normale, on fait un test HPV à 1 an. Si celui‐ci est négatif, on en refait un à 3 ans. Un test à nouveau négatif permet à la patiente de rejoindre le dépistage organisé de routine. Si la colposcopie retrouve des lésions, celles‐ci doivent être traitées comme cela figurait déjà dans les recommandations de 2016(1,5).
« En cas de test HPV positif avec une colposcopie non concluante n’ayant pas pu visualiser la jonction, il ne faut pas se précipiter sur le bistouri et faire des conisations diagnostiques à outrance. Il est préférable de continuer à surveiller la patiente », spécifie le Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot.
Un risque de récidive élevé après une LIEHG
Si une biopsie détecte une LIEHG en dépit d’une conisation blanche ou montrant uniquement une LIEBG, la patiente entre néanmoins dans le cadre d’une surveillance post‐thérapeutique d’une LIEHG.
Parmi les facteurs de risque de récidive, le plus important concerne les marges de résection non saines avec un taux de récidive de 17,1 % vs 3,7 %, soit un risque relatif de 4,8 (IC : 3,2‐7,2). Des marges de résection non saines situées au niveau des berges endocervicales sont associées à un risque de récidive plus important que celles localisées aux berges exo‐cervicales (16,3 % vs 7,2 %)(8‐10). « Cela ne signifie pas pour autant qu’on doive reprendre une conisation en berges saines, indique le Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot. La littérature montre que 80 % des reprises ne trouvent pas de lésions histologiques. Il faut préserver l’avenir obstétrical des femmes jeunes. »
Les autres facteurs de risque n’ont pas d’impact sur le risque de récidive, que ce soit ceux liés à la lésion et au traitement (type de traitement, fragments multiples, volume de la pièce, le curetage endocervical positif) ou les facteurs personnels (âge, parité, ménopause, traitement hormonal, usage des préservatifs, tabac). « La seule chose démontrée est qu’il y a moins de récidives chez les femmes qui ont reçu un vaccin HPV en prophylaxie (réduction de 88 à 66 %)(11), précise le Dr Pourcelot. En revanche, la vaccination post‐thérapeutique n’est actuellement pas recommandée. »
Les modalités de la surveillance
La moitié des récidives surviennent dans l’année qui suit la conisation, aussi l’INCa recommande‐t‐il de faire le test HPV dans l’année qui suit le traitement, de préférence à 6 mois. Là encore, le test HPV a une meilleure sensibilité que la cytologie. Associer test HPV et cytologie apporte un faible gain de sensibilité. Et le test HPV associé à l’analyse des marges a une sensibilité de 99,1 %. « Encore faut‐il garder en tête les marges qu’on avait retrouvées lors de la conisation » note le Dr Pourcelot. Concernant l’intérêt du génotypage de l’HPV, s’il n’influence pas la conduite à tenir, il apporte des renseignements utiles. La persistance d’un HPV de même génotype est associée à un risque de récidive plus élevé qu’en cas d’HPV de génotype différent(12). L’intérêt d’un génotypage ne figure pas dans les recommandations de 2019. De la même façon, le dépistage d’un HPV au niveau d’autres sites (ORL, anal…) n’est pas proposé systématiquement dans les recommandations. « Ce qui n’empêche pas de le faire au cas par cas » indique le Dr Pourcelot.
Les patientes qui ont présenté une LIEHG ne rejoignent jamais le dépistage de routine. Elles gardent un risque de récidive et de cancer du col majoré tout au long de leur vie et doivent avoir un test tous les 3 ans sans limite d’âge(5). À noter qu’un âge tardif au moment du traitement est un facteur péjoratif.
Enfin, une patiente avec un antécédent de LIEHG qui a eu une hystérectomie pour une raison ou une autre doit continuer à être surveillée par des tests HPV tous les 3 ans. En cas de positivité du test, une surveillance vaginale est indiquée(5).
Prise en charge d’un adénocarcinome in situ
En cas d’adénocarcinome in situ, l’hystérectomie est recommandée, néanmoins on peut proposer un traitement conservateur chez une femme jeune avec un désir de grossesse. Il faut néanmoins se souvenir que le risque de récidive est plus important qu’après une LIEHG et que les marges non saines sont un facteur de risque majeur de récidive(13). Il faut alors reprendre la conisation pour ne pas passer à côté d’une lésion invasive.
Comme s’agissant des lésions LIEHG, les autres facteurs de risque n’impactent pas significativement le taux de récidive(14). On dispose de peu de données de la littérature sur le suivi de ces femmes après un adénocarcinome in situ et un traitement conservateur(15). Toutefois, là encore le test est plus performant que la cytologie(16). Un test HPV est fait à 6 mois. S’il est négatif on le réitère tous les ans. S’il est positif, on fait une colposcopie avec examen du vagin et de la vulve et biopsies si nécessaire, plus ou moins curetage de l’endocol. Après réalisation du projet parental, l’hystérectomie est discutée(5). Après hystérectomie réalisée d’emblée pour un adénocarcinome in situ, la surveillance est la même, avec un test à 6 mois, puis comme précédemment, selon les cas, tous les ans ou en cas d’HPV positif réalisation d’une colposcopie avec examen du vagin et de la vulve et biopsies(5). Le risque de cancer du col est multiplié par dix à 10 ans, puis il diminue sans jamais disparaître(17). La surveillance doit être faite à vie(5).
« La société de colposcopie a édité des fiches bien faites et très utiles pour expliquer aux patientes la surveillance post‐thérapeutique, précise le Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot. On peut noter sur la fiche la date du prochain rendez‐vous de suivi. »
D’après la communication du Dr Anne‐Gaëlle Pourcelot (CHU Bicêtre) « Conisations : actualités 2024 », Paris Santé Femme(s) 2024.
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