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Infectiologie

Publié le 30 nov 2024Lecture 12 min

Varicelle et zona en périnatalité

Mathilde BERGAMELLI, Sage‐femme, docteure en infectiologie*

La survenue d’une varicelle en cours de grossesse peut avoir de graves conséquences pour la femme enceinte ainsi que pour le fœtus et le nouveau­-né. La Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a actualisé en juin 2024 les recommandations de prévention et de suivi de l’infection par le virus varicelle et zona (VZV) en période périnatale et en cours de grossesse(1). En voici les points essentiels concernant la prévention d’une infection, l’identification d’un contact à risque de contage varicelleux ainsi que la temporalité du suivi.

En France, environ 95 % de la population adulte a déjà été au contact du virus de la varicelle et du zona (VZV) et possède donc des anti‐corps anti‐VZV. L’incidence de la varicelle en cours de grossesse est estimée à 1 cas pour 1 000 grossesses. Il n’existe pas de données sur l’incidence du zona en cours de grossesse.   Infection par la varicelle : complications chez le femme enceinte, le fœtus et le nouveau­-né   Le VZV est très contagieux (R0 = 10), la transmission du virus est aérienne et cutanéo‐muqueuse (contact des vésicules avec une peau ou une muqueuse saine). La période la plus à risque de contagion se trouve entre 2 jours avant l’éruption et 5 jours après l’éruption. Il y a toutefois un risque de contagion jusqu’à ce que les vésicules soient asséchées en croûtes. Après une varicelle, le VZV reste latent et peut se réactiver sous forme de zona. Le diagnostic d’une varicelle et d’un zona s’appuie sur la clinique (symptômes et anamnèse). Il n’existe pas d’intérêt à réaliser une sérologie (ni IgG ni IgM) pour le diagnostic. En cas de doute, il est possible de réaliser un écouvillonnage de vésicules (tube de transport virologique) pour rechercher de l’ADN VZV par PCR(2). En cas de primo infection varicelle chez une femme enceinte, il existe dans 10 à 20 % des cas un risque de complications sévères pour la mère (pneumonie varicelleuse). Une infection au troisième trimestre de grossesse, une consommation tabagique et une immunodépression sont des facteurs de surrisques. Les risques fœtaux et néonataux sont variables et potentiellement graves. Ils dépendent du terme de l’infection, de la date de l’éruption maternelle par rapport à la naissance et de la temporalité de l’infection. • Syndrome varicelleux congénital : malformations fœtales si varicelle maternelle avant 20 SA. Le syndrome est rare (1 à 2 % si pas de traitement) et grave (syndrome polymalformatif, lésions cutanées nécrotiques, atteintes cérébrales, ophtalmiques et des membres, RCIU, fausse couches et MFIU)(3,4). • Varicelle néonatale : varicelle d’un nouveau‐né acquise par voie transplacentaire in utero si varicelle maternelle entre 21 jours avant l’accouchement et 7 jours après l’accouchement. La varicelle néonatale peut être bénigne ou grave (atteintes cutanées, multi‐viscérales). Elle survient en général dans les 10 premiers jours de vie(4). La varicelle néonatale grave apparaît chez 20 à 50 % des nouveau‐nés dont la mère a une varicelle entre 5 jours avant et 2 jours après l’accouchement. Elle est fatale dans 20 % des cas sans traitement. En cas de varicelle maternelle après 20 SA et 3 semaines avant la naissance, il n’y a pas de cas rapporté de syndrome varicelleux congénital ou de varicelle néonatale ; • Varicelle postnatale : varicelle du nouveau‐né acquise par voie cutanée ou aérienne, si varicelle maternelle 7 jours après l’accouchement, si zona maternel ou si infection par un tiers. La prise en charge de la varicelle postnatale ne sera pas abordée dans cet article. • Zona du nourrisson : quel que soit le terme de la grossesse à l’infection maternelle, il existe un risque de zona bénin chez le nourrisson.   Prévention de l’infection VZV chez la femme en âge de procréer   Chez la femme non enceinte et en âge de procréer, l’objectif va être de prévenir la survenue d’une varicelle en cours de grossesse en s’assurant d’une immunité. Le suivi gynécologique, la consultation préconceptionnelle en cas de désir de grossesse ou un rattrapage en postpartum (même si allaitement maternel en cours) peuvent constituer des moments adaptés pour aborder la sujet de la varicelle. Il est recommandé de déterminer le statut immunitaire par rapport au VZV. Une femme immunocompétente est immunisée contre le VZV si on retrouve : – un antécédent clinique de varicelle ou de zona ; – un antécédent de vaccination complète (2 doses tracées) ; – un antécédent d’IgG anti‐VZV positives. En cas d’absence d’immunité, on recommandera une vaccination d’emblée de la patiente (encadré 1) ou un dosage sérologique des IgG anti‐VZV, et une vaccination en cas de sérologie négative. On recommandera aussi à l’entourage immédiat de plus de 12 ans non immunisé de se faire vacciner. Et enfin d’éviter tout contact avec une femme enceinte si éruption cutanée VZV.   Prévention de l’infection VZV chez la femme enceinte   Chez la femme enceinte, l’objectif est de prévenir la survenue d’une varicelle en cours de grossesse, en établissant le statut immunitaire le plus tôt possible et en mettant en place de conseils de prévention. Il est recommandé de déterminer le statut immuntaire par rapport au VZV. En l’absence de conclusion sur le statut immunitaire, il est possible de doser les IgG anti‐VZV. Si les IgG sont négatives (patiente non immunisée), on mettra en place des conseils de prévention : – informer sur les risques de la varicelle en cours de grossesse et les modes de transmission ; – éviter les contacts cutanés et sans masque avec une personne à risque d’être infectée par le virus ; – recourir à un avis médical sans délai s’il existe un risque de transmission/contage, afin d’évaluer la mise en place de la prophylaxie la plus rapide possible. On incitera également à la vaccination l’entourage immédiat de la femme enceinte de plus de 12 ans non immunisée et on conseillera d’éviter tout contact avec une femme enceinte en cas d’éruption cutanée liée au VZV. La vaccination est contre‐indiquée pendant la grossesse (vaccin vivant atténué). En cas de vaccination accidentelle, il faudra rassurer la patiente.   Contage maternel, évaluation du contact à risque et prophylaxie chez la femme enceinte   Chez la femme enceinte qui a eu un contact à risque d’infection (encadré 2), l’objectif est d’évaluer le plus rapidement possible le risque de transmission afin de pouvoir mettre en place une prophylaxie médicamenteuse ou une surveillance adaptée si nécessaire. La temporalité est essentielle, la prophylaxie doit être mise en place le plus rapidement possible dès le contact à risque.   La prophylaxie postexposition au virus de la varicelle et du zona comporte deux catégories principales : les immunoglobulines Varicelle‐Zona (VZIG) et les anti‐viraux aciclovir et valaciclovir. • Immunoglobulines varicellezona (VZIG) En cours de grossesse, ces anti‐corps diminuent l’incidence de la varicelle clinique de 50 % chez la mère, protègent du risque de varicelle maternelle grave et réduisent le passage transplacentaire du virus de 90 %. Ces résultats majeurs améliorent grandement le pronostic et justifient la mise en place d’une prophylaxie la plus rapide possible. Les données montrent une efficacité des VZIG si elles sont administrées dans les 10 jours après le contact à risque. Les VZIG VARITECT® sont disponibles en France en accès compassionnel. • Antiviraux aciclovir et valaciclovir Ils sont indiqués dans le traitement des infections à VZV, dans la population générale, chez les femmes enceintes et chez les nouveau‐nés, avec de bonnes données de sécurité maternelle et fœtale. En prophylaxie, les antiviraux réduisent le risque de varicelle s’ils sont mis en place dans les 7 jours après le contact à risque. Chez la femme enceinte qui a eu un contact à risque d’infection, on recommande d’identifier si le contact est à risque (contact dans le même foyer, ou sans masque 1 heure dans la même pièce, ou sans masque 5 minutes en face à face), de déterminer le statut immunitaire par rapport au VZV. En cas de doute sur l’immunité, on peut réaliser une sérologie anti‐VZV en urgence, sans que cela retarde la mise en place de prophylaxie. Si le contact est à risque et que la patiente n’est pas immunisée, il faut identifier de quand date le contact à risque pour mettre en place une prophylaxie : – pour un contact à risque inférieur à 10 jours : immunoglobulines anti‐VZV (VZIG) dès que possible, au maximum 10 jours après le contage ; – pour un contact à risque entre 10 et 14 jours : discuter valaciclovir PO (hors AMM) ; – pour un contact à risque supérieur à 14 jours : pas de prophylaxie (trop tard !). Quel que soit le cas de figure, il est nécessaire d’informer la patiente d’être à l’observation de potentiels symptômes, du risque d’échec de la prophylaxie et de la nécessité de rattrapage vaccinal en postpartum.   Prise en charge de la varicelle en cours de grossesse   En cas de varicelle en cours de grossesse, l’objectif va être de limiter le plus possible les atteintes sévères maternelles, fœtales et néonatales. Par ailleurs on cherche à éviter une épidémie de varicelle en mettant en place les précautions nécessaires (air et contact) sans retarder les soins nécessaires (obstétricaux ou autres). Il est recommandé de mettre en place un traitement antiviral, dans l’idéal, dans les 24 heures après l’éruption de valaciclovir, ou, en cas de varicelle compliquée d’acyclovir (hospitalisation nécessaire). La patiente doit également être informée des risques de transmission de la varicelle (informer son entourage et les professionnels de santé de son infection VZV), que son suivi obstétrical pourra être adapté sans retarder des prises en charge urgente, qu’il existe des risques de complications fœtales potentielles, que des symptômes de complication potentielle devront faire demander un avis médical. En cas d’hospitalisation, des précautions de type air et contact devront être mises en place, en chambre individuelle, jusqu’à fin de la période de contagion (transformation des vésicules en croûtes), et si possible dans une zone sans risque de contact avec d’autres patients à risque de forme grave. Si la varicelle maternelle a lieu avant 20 SA, il faut orienter la patiente vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.   Prise en charge d’un nouveau­-né exposé à une varicelle in utero ou à une varicelle maternelle proche de la naissance   Chez le nouveau‐né exposé à une varicelle in utero, l’objectif est d’estimer le risque pour cet enfant de développer une varicelle afin d’adapter les traitements préventifs ou symptomatiques. Le terme de l’infection et des facteurs propres au nouveau‐né (poids, prématurité) influeront sur les arbres décisionnels. • Chez le nouveau‐né exposé à une varicelle in utero avant 20 SA, il est recommandé ni isolement, ni exploration, ni traitement si le nouveau‐né est asymptomatique. En cas de syndrome varicelleux congénital chez le nouveau‐né, on proposera une prise en charge symptomatique spécialisée. • Chez le nouveau‐né exposé à une varicelle in utero entre 20 SA et 3 semaines avant la naissance, il n’est recommandé ni isolement, ni exploration virologique, ni traitement prophylactique. • Chez le nouveau‐né exposé à une varicelle in utero entre 21 jours avant et 7 jours après la naissance, deux cas de figure : – chez le nouveau‐né né après 28 SA et pesant au moins 1 000 g : ni exploration virologique ni traitement prophylactique ; en cas d’hospitalisation, mise en place de précautions complémentaires de type air et contact, en chambre individuelle, sans séparer la mère et l’enfant ; information des parents sur les symptômes de varicelle devant amener à consulter ; allaitement maternel non contre‐indiqué ; – chez le nouveau‐né né avant 28 SA ou pesant moins de 1 000 g : pas d’exploration virologique ; mise en place d’un traitement prophylactique avec les VZIG dès que possible (au maximum dans les 7 jours après la naissance) ; en cas d’hospitalisation, mise en place de précautions complémentaires de type air et contact, en chambre individuelle, sans séparer la mère et l’enfant ; allaitement maternel non contre‐indiqué. • Chez le nouveau‐né exposé à une varicelle maternelle entre 7 jours avant et 7 jours après la naissance qui est asymptomatique, il est recommandé de mettre en place une prophylaxie VZIG dès que possible, associée à un traitement antiviral acyclovir IV, de prévoir une surveillance de l’enfant pendant 28 jours en informant les parents des risques potentiellement graves d’une varicelle néonatale et des symptômes devant faire consulter. L’allaitement maternel n’est pas contre‐indiqué. • Chez le nouveau‐né symptomatique, à la suite d’une varicelle maternelle entre 21 jours avant et 7 jours après la naissance qui est asymptomatique, il est recommandé de mettre en place un traitement antiviral (acyclovir IV) même si l’enfant a reçu des VZIG et, en cas d’hospitalisation, des précautions complémentaires de type air et contact, en chambre individuelle, sans séparer la mère et l’enfant ; l’allaitement maternel est non contre‐indiqué.   Zona maternel et prise en charge d’un nouveau­-né exposé à un zona maternel   Le virus latent de la varicelle peut se réactiver sous forme de zona. La prise en charge du zona en cours de grossesse est similaire à celle de la population générale : un traitement antiviral peut être mis en place dans les cas de signes de gravité. • Chez une femme enceinte présentant un zona, il est recommandé : un traitement antiviral (acyclovir IV ou valacyclovir PO) en cas de signes de gravité (forme étendue, immunodépression associée, signes neurologiques, zona ophtalmique, zona du cou ou de la face) ; d’informer la patiente afin qu’elle signale l’infection à son entourage et aux soignants, et d’éviter tout contact avec des personnes à risques, de l’absence de risque de syndrome varicelleux congénital. En cas d’hospitalisation, des précautions de type contact s’appliquent (si possible couvrir les lésions non cicatrisées). • Chez un nouveau‐né exposé à un zona maternel, aucune surveillance n’est recommandée si le zona maternel est guéri à l’accouchement. Si le zona maternel n’est pas guéri à l’accouchement on recommande de couvrir les lésions maternelles pour éviter un contact à risque d’infection entre la mère et l’enfant. L’allaitement maternel est non contre‐indiqué, mais il faut couvrir les lésions notamment sur les seins/mamelons.   En conclusion   Les risques graves de la varicelle en cours de grossesse pour la mère, le fœtus et le nouveau‐né rappellent la nécessité d’explorer l’immunisation anti‐varicelle, et ce même si les séroconversions en cours de grossesse sont (heureusement) rares en France. Les moyens préventifs (vaccin, immunoglobulines anti‐VZV) et thérapeutiques (antiviraux) à disposition permettent une prise en charge diminuant considérablement les risques d’atteintes sévères pour la mère comme le nouveau‐né. La vaccination est également conseillée pour les soignants non immunisés s’ils sont au contact de patients à risque (femme enceintes et nouveau‐nés). Enfin la temporalité des traitements prophylactiques et curatifs est essentielle : l’information et le suivi rapide des patientes permets de limiter les infections et leurs conséquences délétères.   *Chercheure au l’institut Karolinska et au département de gynécologie et de médecine reproductive de l’hôpital Karolinska, Stockholm (Suède) L’auteure déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt en rapport avec cet article. Ces recommandations sont basées sur un ensemble d’arguments retrouvés dans la littérature médicale, les cas cliniques et les recommandations internationales. La liste complètes des références peut être retrouvée sur les recommandations en ligne.   Les recommandations « Prévention et prise en charge de l’infection par le virus varicelle zona (VZV) chez la femme enceinte et le nouveau‐né » sont issues d’un groupe de travail pluridisciplinaire coordoné par Pr. C. Charlier et financé par la SPILF (société de pathologie infectieuse de langue francaise). La liste complète des auteurs de ces recommandations est la suivante : C. Charlier, O. Anselem, M. Caseris, M. Lachatre, A. Tazi, M. Driessen, D. Pinquier, C. Le Cœur, A. Saunier, M. Bergamelli, R. Gibert‐Vanspranghels, A. Chosidow, C. Cazanave, S. Alain, K. Faure, A. Birgy, F. Dubos, P. Lesprit, J. Guinaud, R. Cohen, J‐W Decousser, E. Grimprel, C. Huissoud, J. Blanc, G. Kayem, C. Vauloup‐Fellous, Société d’hygiène hospitalière. L’auteure remercie tous les members du groupe de travail varicelle et grossesse pour leur support et la relecture de l’article, particulièrement Caroline Charlier, Christelle Vauloup‐Fellous et Fanny Vuotto. La recherche postdoctorale de Mathilde Bergamelli au Karolinska Institute est financée par la fondation Wenner‐Gren (grant no. UPD2022‐0108) et le financement européen Horizon 2020 innovation (ERIN) (no. EU952516).    

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