Publié le 30 oct 2024Lecture 5 min
L’adénomyose : une pathologie aussi complexe que fréquente
Denise CARO, d’après la communication du Dr Mathilde Bourdon
L’adénomyose est définie par la présence de glandes et de stroma endométrial dans le myomètre qui est luimême hypertrophique. Très fréquente, peutelle être considérée comme une évolution normale liée au vieillissement ou bien constituetelle une véritable pathologie nécessitant un diagnostic et un traitement précis ?
L'étude histologique du myomètre montre la présence de lésions d’adénomyose chez 30 % des femmes qui ont eu une hystérectomie pour différentes indications (souvent après l’âge de 44 ans). Cette prévalence élevée conduit à se demander si l’adénomyose pourrait être une évolution physiologique liée au vieillissement(1). Toutefois, ces modifications histologiques s’accompagnent de symptômes. Une étude rétrospective portant sur les dossiers de 111 femmes ayant eu une hystérectomie a montré une association significative entre la dysménorrhée et le nombre de foyers d’adénomyose ainsi qu’entre la dysménorrhée et les métrorragies et le degré d’envahissement du myomètre(2). Pour avoir une vue plus précise de la réalité, les données issues de l’analyse des pièces opératoires après hystérectomie doivent être comparées à celles fournies par l’échographie. Dans une étude portant sur 714 femmes suivies en gynécologie et bénéficiant d’une échographie, 22 % des patientes avaient un diagnostic d’adénomyose, et l’importance des saignements utérins anormaux était proportionnelle au nombre de lésions repérées à l’écho graphie(3).
Dysménorrhée et saignements anormaux ne sont pas les seules manifestations de la maladie. Une étude espagnole met en évidence un lien significatif entre le diagnostic d’adénomyose à l’échographie et une altération du HADS (Hospital Anxiety Depression Scale). Cette étude montre également un fort retentissement sur le travail et la productivité(4).
L’existence de symptômes associés aux lésions d’adénomyose tend à prouver qu’il ne s’agit pas seulement d’un vieillissement physiologique de l’utérus, mais bel et bien d’une pathologie qui peut toucher les femmes jeunes. Cependant, les mécanismes physiopathologiques à l’origine des lésions restent mal connus. Comment et pourquoi les cellules endométriales pénètrent‐elles dans le myomètre ? Probablement en raison de modifications génétiques, épigénétiques et hormonales associées à des contractions utérines anormales qui favorisent la migration de ces cellules en profondeur dans le muscle utérin. Leur présence indue crée de l’angiogenèse, de l’inflammation, de la neurogenèse et de la fibrose, responsables des symptômes (douleurs, saignements, infertilité)(5).
Les enseignements de l’imagerie
Si initialement les lésions ont été identifiées sur les pièces opératoires d’hystérectomie, le diagnostic d’adénomyose repose sur l’échographie +/‐ IRM. L’imagerie a permis de mettre en évidence deux points clés. Tout d’abord, l’adénomyose peut être présente à tout âge de la vie (y compris chez femmes en âge de procréer et chez les adolescentes) ; elle concerne 27,4 % des 13‐25 ans(6). Ensuite, les lésions d’adénomyose sont variables au sein du myomètre : certaines sont préférentiellement dans le myomètre interne et d’autres dans le myomètre externe(7).
Il est important de caractériser les lésions, de là découlent des informations clés sur la pathogenèse. Les lésions d’adénomyose diffuses internes correspondent majoritairement à la migration en profondeur de cellules de l’endomètre eutopique. Les lésions focales et externes résultent de la migration de cellules de l’endomètre ectopique à travers la séreuse(8).
Le profil des patientes diffère en fonction du type de lésions. Les patientes avec des lésions du myomètre externe présentent souvent une endométriose ; à l’inverse, celles avec des lésions internes sont un peu plus âgées, ont plus d’antécédents de grossesse et ont eu davantage des gestes endo‐utérins(9, 10). Concernant les symptômes, les femmes avec une forme diffuse du myomètre interne présentent davantage de saignements utérins anormaux, mais elles ont moins de problèmes d’infertilité que celles avec une forme focale du myomètre externe. Les dou leurs sont présentes dans les deux formes d’adénomyose ; elles concernent plus de la moitié des patientes (dysménorrhée, dyspareunie, douleur pelvienne chronique)(9).
Les options thérapeutiques
« En présence de symptômes faisant suspecter une adénomyose, il est primordial de faire le diagnostic, de caractériser les lésions afin de proposer une prise en charge thérapeutique adaptée », affirme le Dr Mathilde Bourdon (hôpital Cochin, Paris).
Devant des saignements anormaux, la pose d’un DIU au lévonorgestrel est recommandée en première intention(11), tant dans la forme diffuse interne que focale externe(12). La prescription de diénogest ou d’une pilule estroprogestative peuvent être des alternatives(13). La chirurgie (exclusion faite de l’hystérectomie) est envisagée lorsqu’il y a une endométriose associée. Toutefois, le résultat sur la douleur est moins bon qu’en l’absence d’adénomyose(14), l’intervention est plus complexe (plus longue, avec plus de saignement et plus de complications)(15) et les chances de grossesse spontanée sont moindres(16).
La présence d’adénomyose réduit également les chances de succès de la FIV, tout particulièrement chez les patientes avec une forme diffuse interne. Il faut adapter la procédure. La stratégie de Freeze all peut être intéressante. Elle consiste à congeler tous les embryons de la stimulation ovarienne et à transférer l’embryon à distance de la stimulation afin d’éviter un climat hyperestrogénique local néfaste pour l’adénomyose. Différer le transfert augmente les chances de grossesse(17). Il est aussi possible de proposer des traitements médicaux associés à la FIV, notamment en mettant des agonistes du GnRH prolongés avant le transfert pour diminuer l’inflammation et réduire le volume utérin(18).
Enfin, l’adénomyose impacte également le déroulement de la grossesse, avec davantage de complications obstétricales (prééclampsie, petits poids pour l’âge gestationnel, césarienne et prématurité) qu’il faudra surveiller et prévenir(19).
D’après la communication du Dr Mathilde Bourdon (hôpital Cochin, Paris), 21e congrès de la Société de chirurgie gynécologique et pelvienne (SCGP), septembre 2024.
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