publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Obstétrique

Publié le 25 sep 2024Lecture 7 min

Hémorragie du postpartum : quoi de neuf ?

Denise CARO, d’après le symposium « Hémorragie du postpartum : vers un changement de paradigme ?

Bien qu’en augmentation les hémorragies du postpartum sont de mieux en mieux prises en charge, les recommandations de 2014 ayant déjà clairement indiqué les étapes du parcours de la patiente de l’antepartum au postpartum. Cependant, en dix ans, des pistes d’amélioration sont apparues. Un symposium organisé lors des journées Paris Santé Femmes leur était consacré.

L'hémorragie du post‐partum (HPP) est définie par une perte de sang supérieure à 500 mL survenant dans les 24 heures suivant un accouchement par voie basse (AVB) ou une césarienne. Une HPP est dite « sévère » quand la perte sanguine excède 1 000 mL(1). L’HPP est en augmentation en Europe comme aux États‐Unis : elle est passée de 4,1 % en 2000 à 6,4 % en 2013 aux Pays‐Bas(2) et de 2,7 % en 2000 à 4,3 % en 2018 aux États‐Unis(3). À noter qu’aux Pays‐Bas la fréquence des formes sévères a chuté, passant de 24 % en 2000 à 5 % en 2013(2). L’HPP est la 5e cause de décès maternels en France (0,9/100 000 délivrances) soit 20 décès entre 2016 et 2018(4). L’HPP sévère est un facteur contributif majeur de morbi‐mortalité maternelle, en raison notamment des complications du choc hémorragique. Elle a également un fort retentissement psychologique lié à la pathologie elle‐même et à sa prise en charge invasive(4). En effet, plus de deux femmes sur trois présentent des troubles psychologiques dans les 6 mois qui suivent une HPP (90 % d’anxiété, 59 % de stress post‐traumatique et 58 % dépression postpartum), sans répercussion toutefois sur le désir de grossesse ultérieure ou sur la fertilité(5).   Identifier les facteurs de risque   L’HPP est une cause de mortalité évitable qui souligne les insuffisances de l’organisation du parcours des patientes avant, pendant et après l’accouchement. D’où l’importance d’identifier les facteurs de risque à prendre en compte. Ils sont de trois ordres : ceux liés à la patiente (nulliparité, âge maternel, antécédent d’HPP, utérus cicatriciel) ; ceux liés à la grossesse (gémellarité, macrosomie, hydramnios, anomalie insertion placentaire, pathologie hypertensive) ; ceux apparus pendant l’accouchement (déclenchement, direction du travail, travail rapide ou long, extraction instrumentale, césarienne en cours de travail). Parmi ces facteurs de risque, les plus importants sont : les antécédents de césarienne en présence ou non de placenta prævia (OR 5,6), une pré‐éclampsie sévère (OR 2,9), une chorioamniotite ou endométrite (OR 2,6), un placenta prævia sans antécédent de césarienne (OR 2,4)(3). Les facteurs de risque d’évolution vers une forme sévère sont : la primiparité, des antécédents d’HPP et/ou de césarienne, le déclenchement de l’accouchement, un travail prolongé, une épisiotomie et un retard de la prise en charge. À noter que la péridurale semble avoir un effet protecteur(6). L’identification de ces facteurs de risque n’a toutefois pas permis pour le moment d’élaborer un score de risque prédictif validé utilisable en pratique clinique courante.   Qu’est­-ce qui a changé depuis 2014 ?   En 2014, des recommandations françaises ont clairement défini la pratique clinique des HPP(7). Bien qu’elles soient assez complètes, il est légitime de s’interroger sur la pertinence d’y apporter quelques modifications ou éléments nouveaux. La prise en charge graduée, une spécificité française, est aujourd’hui réaffirmée, tout comme la prescription d’ocytocine en 1re intention, plus efficace et avec moins d’effets secondaires que le misoprostol selon une étude Cochrane de 2018(8). On ne dispose pas de données comparatives pour les autres utérotoniques (prostaglandines, ergométrine, syntométrine), qui ne sont toujours pas recommandés en France. Quelques arguments nouveaux permettent d’envisager la carbétocine après un AVB ou une césarienne(9), sans élément de preuve suffisant pour la recommander d’emblée(8). L’utilisation des utérotoniques en 2e ligne est moins consensuelle. L’intérêt du sulprostone est son titrage IV qui permet une prise en charge graduée et chronométrée pour une meilleure organisation des soins. Les autres utérotoniques (carboprost, ergométrine) volontiers utilisés dans les pays anglo‐saxons ne sont pas recommandés en France. L’acide tranexamique n’a toujours pas de place pour une utilisation préventive ; son intérêt en curatif est réaffirmé. Le recours à un ballonnet de tamponnement en 3e ligne était déjà évoqué en 2014. Son efficacité réelle reste difficile à évaluer en raison de certains biais. En effet, on hésite moins à recourir à cette technique qu’à la chirurgie en cas d’efficacité insuffisante du sulprostone, et un certain nombre d’HPP se seraient probablement résolues sous sulprostone si on avait attendu plus longtemps. Quoi qu’il en soit, le ballonnet de tamponnement permet d’éviter bon nombre d’embolisations ou d’interventions chirurgicales(10). Pas de grandes nouveautés non plus dans le domaine de la chirurgie. On ne dispose pas de données comparatives. Il faut choisir l’approche la plus simple, la plus rapide à mettre en œuvre, la moins à risque pour la patiente et celle qui est la mieux maîtrisée. Dans ce contexte, il faut préférer les ligatures utérines de réalisation simple, n’exigeant pas de matériel spécifique et sans risque chirurgical, aux ligatures des hypogastriques ou de la fessière associées à un risque opératoire important. Aujourd’hui, on reste démunis pour évaluer rapidement et facilement la tolérance maternelle à l’hémorragie, le taux d’hémoglobine n’étant qu’un indicateur tardif. Il serait donc utile de progresser dans la quantification des pertes, ce que permettra peut‐être demain l’intelligence artificielle.   Arrivée des vacuum intra-­utérins   Comme signifié précédemment, les recommandations de 2014 évoquaient déjà la place du ballonnet de tamponnement intra‐utérin (BTIU) avant de recourir à la chirurgie ou à l’embolisation. Il s’agissait d’une approche novatrice qui, depuis, a fait ses preuves avec une efficacité globale de plus de 90 % et une réduction importante du taux d’embolisation et de chirurgie conservatrice (OR 0,26)(11). Toutefois, le BTIU pose la question de la durée de la surveillance et celle de la séparation entre la mère et l’enfant ; et surtout, il agit selon un mécanisme non physiologique. En effet, normalement la constriction des vaisseaux utérins apparaît quand les muscles lisses se contractent après la délivrance du placenta, ce qui n’est pas le cas en présence d’un utérus atone. Un nouveau système, appelé « vacuum intra‐utérin », en créant un vide par aspiration favorise la contraction utérine et la vaso‐constriction. Plusieurs vacuum sont en cours de développement. Le système Jada®* est le plus avancé. Il utilise un anneau intra‐utérin perforé de faible épaisseur par lequel le vide est réalisé ; le dispositif s’applique uniformément sur la paroi et collapse les artères utérines. Ce dispositif de contrôle hémorragique par pression négative intra‐utérine (PNIU) a été évalué dans différents travaux. La Pearle study est une étude prospective observationnelle multicentrique portant sur une centaine de patientes avec une HPP après AVB (85 %) ou césarienne (15 %). Le critère d’efficacité était la non‐nécessité de passer à une 3e ligne de traitement (chirurgie). Les résultats étaient les suivants : 94 % d’efficacité, un arrêt du saignement en 2 ou 3 minutes, une durée du vide de 144 minutes et une durée du dispositif en place de 3 heures en moyenne, 110 mL de sang recueilli dans le tube collecteur, 98 % de praticiens satisfaits du dispositif (12). Une autre étude observationnelle, la Ruby study, portant sur un nombre plus important de patientes (800) a confirmé les bons résultats de la précédente : absence d’escalade ou de reprise du saignement dans 92,5 % des HPP après AVB et 83,7 % après césariennes, contrôle du saignement en 5 minutes, durée de la procédure 3 heures, profil de sécurité satisfaisant(13). Une seule étude a été comparative ; il s’agit d’un essai rétrospectif portant sur une cohorte de patientes avec une HPP sévère, traitées par BTIU ou PNIU entre janvier 2019 et juin 2021. Le critère de jugement était la transfusion massive. Le taux de transfusions de quatre unités ou plus était de 2,8 % dans le groupe PNIU et de 20,5 % dans le groupe BTIU (OR 0,11 ; p < 0,01) et le taux de transfusions de 2 unités était respectivement de 36,1 % et 57,7 % (OR 0,41 ; p < 0,01) ; les pertes sanguines estimées étaient de 1 500 mL versus 1850 mL (p < 0,02)(14). Au total, bien que peu nombreuses, les données de la littérature portant sur les vacuum intra‐utérins, dont le système Jada®, sont séduisantes avec un mécanisme d’action plus physiologique, une rapidité d’arrêt du saignement et un temps de pose moindre que le BTIU. Des essais cliniques randomisés sont cependant nécessaires pour confirmer ces résultats. *demande de marquage CE en cours. D’après le symposium « Hémorragie du postpartum : vers un changement de paradigme ? » organisé par le laboratoire Organon, avec la participation du Pr Marie‐Pierre Bonnet (hôpital Armand‐Trousseau, équipe EPOPé, Paris), le Pr Olivier Morel (CHRU de Nancy) et le Pr Paul Berveiller (CHI de Poissy–Saint‐Germain‐en‐Laye).

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème