Psycho-social
Publié le 29 avr 2024Lecture 14 min
Craintes concernant les compétences maternelles : cheminer avec les patientes difficiles
Reine VANDER LINDEN, psychologue périnatale, Groupe interuniversitaire de périnatalité, Bruxelles (Belgique)
Le métier de gynécologue accompagne des moments d’exception dans la vie des humains, il fait parfois vibrer dans de merveilleuses histoires et entraîne des gratifications auprès de certaines patientes, certains couples… Il suscite aussi des émotions difficiles lors de drames, de perte ou d’atteinte du bébé, dans des réactions agressives, de rejet ou de disqualification au cœur de certaines situations, et ce malgré la qualité des soins offerts. Personne ne choisit ses patientes, et néanmoins il convient de faire face aux agacements ressentis, aux plaintes sans solution, aux craintes d’être l’objet de reproches, et à la nécessité d’assumer la continuité même avec les personnes fuyantes ou agaçantes.
Avoir conscience que ces temps particuliers de la grossesse et de la naissance peuvent être une occasion d’offrir aux patients un espace d’expériences nouvelles, éprouvées dans la sollicitude et le professionnalisme des soignants, pousse à ajuster nos attitudes. Dans ce temps de grande réceptivité psychique, certaines patientes et certains couples n’ont jamais pu bénéficier d’une attention bienveillante, celle qui façonne l’humanité, la capacité d’empathie, qui est à la base d’une régulation adéquate des émotions…
Une place dans la « prévention des difficultés d’attachement »
Pour nombre de sujets, dès leur enfance les conditions de «maternage» ont été déficientes, soit sur le versant de la négligence, soit sur celui de la violence, engendrant des personnalités mal construites, anxieuses, revendicatrices, ou encore fuyantes et peu conciliantes avec les soins proposés.
Cette population rencontrée dans les cabinets de consultation apparaît comme ingrate et peu gérable. Des recherches montrent pourtant le pouvoir transformateur d’un suivi bien ajusté, coordonné et pensé dans un espace pluridisciplinaire(1,2). Les effets sont directement bénéfiques aux enfants à naître et multiplicateurs dans le décours de leur développement, puisque les parents répondent plus adéquatement à leurs besoins(3).
Il faut avoir fait l’expérience de ces harmonies pour les perpétuer, même si pour la grande majorité des parents, elles «coulent de source». Avoir été adéquatement porté pour porter et soutenir à son tour, avoir bénéficié de relations de qualité pour en connaître le mode d’emploi, avoir été sujet de soins bienveillants pour les reproduire comme faisant partie de soi sont autant d’expériences qui ancrent «corporellement» les capacités parentales.
L’accompagnement de la grossesse suppose, dans cette optique préventive, une compréhension de ces dynamiques relationnelles velléitaires, et une adaptation des attitudes de tous les professionnels concernés.
Trois expériences « transformantes »
• Mme P. arrive chez un obstétricien inconnu d’elle pour une seconde grossesse de 15 semaines. Son histoire est tumultueuse. Rejetée par sa mère chaque fois que son comportement n’était pas en adéquation avec les exigences de cette dernière, elle s’est construite sur un mode fuyant et désengagé dans ses relations amoureuse et maternelle. Son premier enfant est placé. Elle consomme des antidouleurs opiacés à forte dose pour gérer son stress et n’est pas constante dans son nouveau couple. Très vite, sa grossesse est définie à risque : gémellaire biamniotique, sur un tableau d’anorexie, avec utilisation de substances et cigarettes, et placenta légèrement prævia. Une hospitalisation s’impose et met les soignants en état d’alerte, car elle se montre peu conciliante, a besoin de fumer régulièrement pour diminuer les tensions qui l’occupent, ne fait pas état de ce qu’elle ressent et se montre insaisissable avec les professionnels. Spontanément, l’envie est de l’éviter ou de lui «faire la leçon»,mais les soignants vont au contraire s’ajuster à son comportement de fuite. Ils nommeront la perception qu’ils ont de la distance qu’elle veut maintenir, traduiront ses urgences à sortir pour fumer comme une ressource par rapport à son stress, chercheront avec elle comment réduire ce dernier, se présenteront régulièrement mais sans insistance pour montrer leur disponibilité, et reprendront ses quelques attaques verbales en indiquant leur souci de rester attentifs à elle, en attendant en retour un respect de sa part.
Le séjour de 8 semaines est semé de tensions, mais son gynécologue régulièrement mis au courant de ce qui se passe revient sur les faits avec elle, dans une position un peu plus extérieure. Elle dira au terme de son hospitalisation que c’est la première fois de sa vie qu’elle n’est pas blâmée et rejetée lorsque ses comportements sont désagréables ou inadéquats; qu’elle s’est sentie respectée malgré ses attaques; qu’à l’inverse sa mère la laissait toute petite sur le pas de la porte durant des heures, et parfois pendant la nuit, lorsqu’elle ne correspondait pas à ce qui était attendu d’elle. Cette expérience nouvelle et respectueuse l’a amenée à entamer un processus thérapeutique, «pour faire différemment qu’avec son premier enfant». Elle a de plus en plus pu s’appuyer sur des relations humaines, en lieu et place de ses médicaments antidouleur, pour gérer les tensions internes qui l’habitaient… Cette expérience éprouvée dans un moment de grande plasticité psychique que représente le temps de la grossesse semble avoir été correctrice d’un schéma installé en elle depuis l’enfance : celui de la crainte d’être jugée et donc d’un évitement systématique dans la relation à autrui.
• Mme T. souhaite accoucher à domicile. Pour cette première grossesse, elle se fait suivre par une équipe de sages-femmes libérales. La dernière échographie avant la naissance inquiète un peu la sagefemme, le bébé est très gros et la patiente de petite taille. La dame est envoyée vers le gynécologue qui l’a vue deux fois durant la grossesse. Celui-ci préconise un accouchement à l’hôpital. Après un travail assez long, il a été décidé de pratiquer une césarienne en raison de l’état du bébé. Selon les soignants, tout se passe bien mais Mme T. sort de la maternité furieuse, prétendant qu’elle a été malmenée par l’équipe qui l’a prise en charge. Elle est référée à une psychologue auprès de laquelle elle se plaint amèrement, et rajoute que les sages-femmes de suivi l’ont lâchée, que le gynécologue était une « brute épaisse » et que, comble du comble, on lui a proposé de réaliser une radio du bassin si elle se lançait dans une seconde grossesse. La psychologue la questionne sur les suites de couches, et apprend que le gynécologue est revenu débriefer la césarienne avec elle, s’étant rendu compte combien les conditions de naissance étaient aux antipodes de ce qu’elle souhaitait. La psychologue renvoie la patiente vers le gynécologue soulignant l’attention qu’il a eu à son égard en venant parler avec elle de ce qu’il percevait de sa déception. Elle refuse de prendre en charge la dame tant que ce contact n’a pas été rétabli et reprend de ses nouvelles après le rendez-vous. Cette rencontre permettra à la patiente de modifier son regard colérique sur les soignants présents lors de la naissance. Le gynécologue reprend les choses avec elle calmement. La patiente pourra dire qu’elle n’a pas été correcte dans son jugement, que tous ont participé à une prise en charge la plus douce possible en vertu de la situation et que dans son histoire elle n’a pas souvent pu compter sur des personnes fiables, ce qui la mettait a priori en position défensive et agressive.
• Mme M. vient pour une première consultation. Sa gynécologue la sent résistante à la régularité d’un suivi. Elle dit que sa première grossesse s’est bien déroulée et qu’elle compte sur ses propres perceptions pour évaluer si tout va bien. La gynécologue accepte la façon de fonctionner de la dame. Ayant senti que dans le couple les choses ne se passaient pas bien elle lui propose de l’appeler 3 semaines plus tard. Ce qu’elle fait. La patiente s’étonne que la gynécologue n’a pas oublié et qu’elle a pensé à elle. Un autre rendez-vous téléphonique est repris 3 semaines plus tard. Une fois encore, la patiente est surprise et la remercie sans pour autant reprendre rendez-vous. Trois fois de suite le même scénario se reproduit. À 27 semaines, la patiente téléphone pour exprimer sa détresse face à cette grossesse non souhaitée dans un couple très instable : «J’ai senti que je ne suis pas “personne” pour vous, alors j’ose venir vous dire ces choses.» À partir de cette confiance construite avec le gynécologue, un réseau se mettra en place autour du couple pour préparer la venue de l’enfant dans des conditions soutenantes et un peu apaisées.
Ces trois vignettes montrent comment les expériences du passé qui déterminent des comportements de repli ou d’agression peuvent se remodeler dans des expériences relationnelles de qualité. La perception de soi est plus aiguisée durant la grossesse, celle que l’on a à travers le regard bienveillant de ceux qui accompagnent ce moment particulier de la vie peut être réparatrice.
Comprendre pour ne pas juger : les schémas d’attachement
Les théories de l’attachement, développées par Bowlby(4) représentent une clé intéressante pour apporter une compréhension de ce que cachent des attitudes telles que l’évitement, l’accrochage adhésif, les réponses agressives à des offres positives, la gestion chaotique des émotions…En se penchant sur les relations les plus précoces entre le bébé et son donneur de soins, Bowlby observe la manière dont les réponses sont apportées aux besoins du tout-petit et s’intéresse à la façon dont celui-ci assimile très vite (dès 18 mois) un modèle de cet attachement. Ce schéma correspond à l’expérience faite de la relation à sa mère ou à la personne s’occupant le plus souvent et continuellement de lui, la figure d’attachement (FA). Il s’intègre comme modèle intérieur des relations d’autrui avec soi-même et vice-versa.
C’est dans les moments de stress que ces schémas sont perceptibles au travers des réactions du petit. Les recherches de Mary Ainsworth(5,6) mettent en évidence à travers une situation expérimentale, dite « situation étrange », la manière dont un jeune enfant réagit après avoir été soumis à une séparation inattendue (et donc vectrice d’un stress) de quelques minutes avec sa figure de référence. Lorsque sa mère revient auprès de lui, l’enfant de 18 mois va soit chercher la proximité pour retrouver du réconfort et un état de calme, soit se détourner en cherchant même à éviter le contact maternel, soit encore – dans une stratégie chaotique – se rapprocher de sa mère, chercher le contact puis s’en détourner, redemander ou se coller tout en manifestant de la colère auprès d’elle. Ces trois réactions, campées ici de façon très caricaturale, reflètent néanmoins trois schémas d’attachement différents. Le premier indique une continuité d’expériences rassurantes, prévisibles et adéquates dans le lien à la mère, générant de la sécurité. Un peu comme si, intérieurement, l’enfant pouvait se dire «J’ai toujours pu compter sur la présence réconfortante de ma FA et donc je sais qu’en cas de stress ou de mal-être j’aurai la consolation nécessaire». Sa vision d’autrui sera positive, sa perception de lui le sera également et se généralisera à sa perception du monde.
L’attitude d’évitement de l’enfant au retour de sa mère suppose, elle, une expérience répétée d’absence maternelle, de réponse inadéquate, de non-compréhension des états intérieurs du petit. Très vite, l’enfant comprend qu’il n’a rien à attendre de sa mère et qu’il ne peut compter que sur ses propres ressources pour faire face à une situation déstabilisante. Il se construit dans l’évitement, généralisant la perception d’autrui comme négative, avec une haute estime de lui-même.
Enfin la troisième réaction observée dans la «situation étrange» sera perçue comme ambivalente, faite d’un souhait de rapprochement mélangé à une colère prenant la forme d’une agression ou d’un rejet. L’enfant a, dans ce cas, pu faire parfois l’expérience d’une réponse consolante et adéquate lors de moments déstabilisants, mais parfois il n’a pu trouver l’appui nécessaire à son réapaisement. Il cherche donc à retrouver dans la proximité le réconfort attendu tout en ayant des doutes sur le fait qu’il puisse le recevoir. L’imprévisibilité de la réaction maternelle le met dans une expectative/attente ambivalente, entre le «j’ai besoin de toi» et la colère de ne pas pouvoir indéfectiblement compter sur cette présence.Dans une généralisation de cette perception, autrui et lui-même sont ressentis comme négatifs.
Ces trois schémas continuent de faire œuvre dans les relations à l’autre tout au long de l’existence mais peuvent cependant se modifier dans des expériences faisant éprouver d’autres modalités, par exemple dans le couple (pour autant que le partenaire tienne le coup et décode le pourquoi de l’évitement ou des attaques), dans un processus thérapeutique… Ils donnent aussi la coloration des attitudes parentales à l’égard de la génération suivante avec les risques de répétitions défavorables pour le bébé.
Agir dans le temps de la grossesse et de la naissance peut modifier ces schémas à partir d’une expérience relationnelle nouvelle avec des professionnels, particulièrement précieuse dans ce temps où de façon consciente ou infra consciente les futures mères se questionnent sur leur capacité à assurer le bien-être d’un enfant.
Une prévention qui touche plusieurs générations
Il n’est plus à démontrer que la qualité du «donneur de soins», mère ou père, est le fondement pour l’enfant d’un développement harmonieux, et du plaisir qu’il prendra dans la relation à l’autre au cours de sa vie. Dans le lien à l’enfant, le schéma d’attachement des parents va orienter les réponses offertes : empathie ou non, disponibilité ou non, ajustées aux indications données par le bébé ou non, appropriées aux besoins de l’enfant ou non, sécurisantes, réconfortantes ou empreintes d’angoisses… L’expérience d’un attachement sécurisant est un atout pour la vie. Dans les autres situations poussant à l’évitement ou à l’attitude de méfiance ambivalente faite d’agrippements et mêlée de rejet d’autrui, les ressources de la personne seront limitées lorsque des difficultés se présenteront, car autrui ne peut être considéré comme un appui possible.
Lorsque, en cours de grossesse, les schémas peuvent se corriger au sein d’une prise en charge disponible et appropriée aux besoins de la patiente, les effets de ces transformations se diffuseront dans la qualité du maternage offert à l’enfant. Le corps, soigné, touché, sujet d’attention dans le suivi prénatal est remobilisé dans ses expériences les plus précoces et peut réorganiser le passé parfois difficile, évitant son déferlement négatif au moment de la naissance. En période prénatale, la mise en place de soutiens, l’introduction de professionnels psycho-sociaux sont acceptées facilement par les parents au motif de préparer les meilleures conditions d’accueil de leur petit. Une fois l’enfant né, toutes les peurs et images négatives de soi, si elles n’ont pu être décodées et travaillées avec les professionnels de l’anténatal, reviennent et coupent l’accès aux aides.
Certes, c’est dans les crises vectrices de stress, les nouvelles bousculantes et les problèmes de santé maternels et/ou fœtaux, que se dévoilent les schémas d’attachement : fuite, agrippement, rejet, agressivité, disqualification… La grossesse représentant déjà un moment déstabilisant dans le décours de la vie humaine, ces difficultés additionnelles sont comme le révélateur puissant de ces derniers. Ces difficultés, encore, permettent précisément de mobiliser des aides spécifiques et ajustées, et deviennent parfois, paradoxalement, des opportunités pour tisser un réseau sécurisant autour des parents. Le chemin d’organisation de l’aide est toujours plus efficient lorsqu’il part du «médical» plutôt que des difficultés sociales ou psychiques.
Nos modèles internes méritent aussi une attention
Personne n’échappe à son histoire, tantôt heureuse, tantôt bousculée… Notre sensibilité et notre disponibilité de professionnels sont aussi empreintes de nos modèles d’attachement dans la sécurité ou l’insécurité : tolérance plus ou moins prononcée face aux patients peu autonomes, déprimés, dépendants, anxieux. Des effets de résonnances rendent l’écoute et l’engagement difficiles.
Pour aider à plus de fluidité, voici quelques moyens pour déjouer ces dynamiques négatives.
Dans le schéma d’attachement évitant, pouvoir reconnaître l’habitude de la personne à se débrouiller seule permet d’introduire une préoccupation qui n’est pas perçue comme intrusive ou envahissante : «Je sens que dans votre vie vous avez dû beaucoup compter sur vos propres forces. Je comprends dès lorsque vous ne pensez pas que mon accompagnement puisse vous être utile.Néanmoins, je me fais du souci pour vous, votre situation…» ou «Néanmoins si Dr X ou Mme Y me demande d’être à vos côtés, j’aimerais reprendre de vos nouvelles dans X jours. Me permettez-vous de vous appeler ?» Cet appel au moment convenu déjoue l’idée qu’une relation fiable n’est pas de ce monde. Répétée, cette invitation «Je me permettrai de vous rappeler dans X jours, vous me direz comment cela va pour vous»ou«Je souhaite avoir de vos nouvelles »fait prendre conscience qu’une ressource indéfectible existe. Tôt ou tard, la personne s’en saisira.
Auprès des personnes présentant un attachement insécurisé, qui testent la fiabilité des professionnels et des équipes avec des comportements ambivalents(flatterie, agression, adhésivité, reproches…), le décodage peut être utile : «Nous nous rendons compte ou sentons que vous avez souvent été déçu de l’aide attendue. Que faire confiance est donc très difficile, que notre partenariat ne peut fonctionner que si ensemble nous pouvons régulièrement faire le point, remettre les pendules à l’heure, parler des déceptions ressenties dans la relation…» En notre qualité de professionnels, nous pouvons entendre la colère, les déceptions, les manquements par rapport à des attentes, c’est la seule possibilité pour éviter la rupture. Une nouvelle rupture peut imposer un nouveau dispositif, des mesures plus difficiles à accepter; il y a donc lieu d’être clairs les uns avec les autres.
En conclusion
Décoder, comprendre, oser analyser les deux pôles de la relation soignant/soigné ouvre des perspectives nouvelles, permet plus de fluidité, et peut parfois apporter une correction des schémas dysfonctionnels. Si les effets sont ressentis parles parents en devenir, ils se sentent davantage sujets partenaires du soin. L’expérience d’un souci respectueux de leurs insécurités, de leurs angoisses et de leurs peurs peut plus facilement, à partir d’une relation qui a du sens pour eux, orienter vers des disciplines spécifiques (assistance sociale, psychologie, psychiatrie…) et ainsi anticiper les appuis qui seront nécessaires à l’arrivée de l’enfant. Ce qui se tisse en anténatal, dans une perspective positive d’amener l’enfant au monde dans les meilleures conditions, restera stable dans la durée. Or, sans ces appuis, une fois l’enfant né, le passé d’échecs, de ruptures, de culpabilité, d’autoflagellation… risque de recouvrir le présent et d’entraîner une répétition de tout ce que les parents souhaitent éviter. Capabiliser les parents demande de comprendre leurs besoins, jamais ou trop peu entendus.
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