Publié le 25 oct 2023Lecture 5 min
Pour une amélioration de l’offre de soins des personnes transgenres
Caroline GUIGNOT, D’après les communications de Thelma Linet (Paris) et de Danielle Hassoun (Paris)
Actuellement, on recense une forte augmentation des personnes qui interrogent leur identité. il importe aujourd’hui aux praticiens de décaler leur regard hétéronormé pour offrir un accueil inclusif et proposer une prise en charge adaptée, notamment concernant les questions contraceptives.
En France, en 2020, sur les 8 952 bénéficiaires d’une prise en charge pour une affection de longue durée (ALD) « transidentité », 70 % avaient entre 18 et 35 ans et 3,3 % étaient mineurs. Ce chiffre – qui n’inclut pas les personnes n’ayant pas fait de demande – est 10 fois plus élevé qu’en 2013. La progression la plus récente est celle du nombre d’hommes trans. Pour mémoire, un homme trans est une personne dont l’identité de genre est masculine, alors que le genre qui lui a été assigné à la naissance sur la base de l’apparence de son sexe est féminin. La femme trans suit la logique inverse. Dans les deux cas, l’identité de genre est différente et indépendante de l’orientation sexuelle qui peut changer ou rester constante au cours de la transition. Les praticiens, qui ont généralement une approche hétéronormée du genre, sont donc souvent confrontés à des difficultés lorsqu’il s’agit d’appréhender la consultation de personnes trans, et a fortiori lorsqu’il s’agit d’une demande de contraception ou d’IVG.
Un besoin de confiance dans la relation de soins
Les personnes trans rencontrent des difficultés d’accès à des soins adaptés et de qualité, d’autant qu’elles sont surexposées à une précarité sociale. Elles craignent souvent l’accueil maladroit, discriminant ou le refus d’accueil, le mégenrage et les questions inadaptées. Elles ont souvent vécu des situations difficiles ou en ont entendu parler dans le cadre communautaire. Elles ont donc besoin de se sentir en confiance dans la relation de soins.
Il est indispensable que les professionnels de santé soient sensibilisés à cela. Des associations militantes proposent de former les équipes afin de les aider à adapter leur posture et leur vocabulaire et à proposer un accueil bienveillant et des soins adaptés. Il peut ainsi être utile de donner quelques signaux indiquant un accueil inclusif dans la salle d’attente (flyer ou poster, pas forcément directement spécifiques aux personnes trans), former les personnes chargées de la gestion administrative, disposer de toilettes non genrées. Lors de la première rencontre, il faut éviter les erreurs de genre en limitant l’utilisation du monsieur/madame, en privilégiant l’utilisation des nom et prénom, et en s’enquérant du pronom que souhaite utiliser la personne, et ce en gardant en mémoire que ces choix peuvent évoluer au cours du parcours de transition. Il faut éviter les auscultations inutiles, s’enquérir des besoins et des souhaits de la personne. Et bien sûr, éviter de préjuger de la possibilité et de l’intention, ou du désir de grossesse en se basant sur leur genre.
La question de la contraception
Dans cette population, la chirurgie de réassignation de genre n’a rien de systématique. À défaut d’études françaises, les études américaines indiquent que 14 % des hommes transgenres ont eu recours à une hystérectomie. Au niveau de l’ALD, le nombre de demandes de prise en charge chirurgicale était de 462 en 2020, avec 60 % de chirurgie de féminisation et 40 % de masculinisation.
La question de la contraception d’un homme transgenre se pose donc légitimement dès lors qu’il a conservé son utérus et ses ovaires, et qu’il a des rapports sexuels avec un homme cisgenre ou avec une femme transgenre qui peut produire et émettre des spermatozoïdes. En effet, une ovulation peut survenir en cas d’aménorrhée sous testostérone, le rétrocontrôle exercé par cette hormone sur les taux de LH et FSH étant insuffisant pour garantir une anovulation. Ainsi, 20 % des hommes trans ayant eu l’expérience d’une grossesse sous aménorrhée étaient sous testostérone au moment de la conception. De fait, une grossesse peut survenir chez les hommes transgenres en l’absence d’utilisation d’une contraception efficace, ou par manque d’information sur la possibilité d’ovulation sous testostérone. Selon une étude américaine, les hommes transgenres enceintes qui envisagent un avortement pensent pour un tiers d’entre eux à la pratiquer sans supervision médicale, par crainte de l’accueil qui leur sera fait, par crainte d’être mégenrés ou de la prise en charge médicale.
Chez ces personnes, toutes les options contraceptives peuvent théoriquement être envisagées en complément de la testostérone, même si les études cliniques menées dans cette population sont insuffisantes pour évaluer correctement la balance bénéfice-risque. Eux préfèrent souvent éviter les estrogènes (féminisants) et les contraceptifs qui favorisent les mastodynies ou les saignements. Ils évitent aussi les DIU qui imposent un examen pelvien. Chaque méthode hormonale présente des avantages et des inconvénients qu’il convient de passer en revue et de discuter avec ces patients. Une étude américaine indique qu’en pratique, 60 % des hommes transgenres déclarent utiliser un moyen de contraception, principalement via des préservatifs masculins (49,2 %) puis des contraceptifs oraux (33,9 %). Le choix de la méthode s’avère finalement indépendant de la prise de testostérone (hormis pour ceux qui recourent à un DIU). Le recours à l’IVG peut s’avérer nécessaire en cas d’absence ou d’échec du recours à une contraception efficace.
La contraception d’une femme transgenre se pose chez celles n’ayant pas eu d’orchidectomie et pouvant produire et émettre des spermatozoïdes lors de rapports sexuels avec une femme cisgenre ou avec un homme transgenre ayant conservé son utérus et ses ovaires. En effet, les estrogènes ont un effet sur la morphologie testiculaire, mais l’azoospermie n’est pas atteinte systématiquement et impose le recours à une contraception, d’autant que certaines femmes transgenres utilisent des doses faibles ou irrégulières d’estrogènes pour maintenir une capacité d’érection et avoir des rapports avec pénétration. Seuls les préservatifs ou la vasectomie sont véritablement efficaces chez ces patients.
D’après les communications de Thelma Linet (Paris), « Incongruence de genre : accueil d’une personne demandant une transition médicale » et de Danielle Hassoun (Paris) « Contraception et avortement chez les personnes transgenres », Pari(s) Santé Femmes, Lille, 2023
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