Publié le 05 mar 2013Lecture 4 min
Révolution
P. BRENOT, Psychiatre, Directeur des enseignements de Sexologie et Sexualité Humaine à l’université Paris Descartes
L’une des plus grandes révolutions de l’humanité s’est produite il y a cinquante ans avec l’invention de la pilule contraceptive : la dissociation de la sexualité et de la fécondité. Depuis l’aube des temps ont existé des tentatives de libération de la femme de ses contraintes biologiques, tampons et herbes contraceptives en Haute Egypte, éponges stérilisantes, préservatif masculin puis féminin, coït interrompu et stratégies d’accouplement à dates prévues, comme la célèbre méthode du gynécologue japonais Kyusaku Ogino, méthode de contraception par abstinence sexuelle. Mais aucune d’entre elles n’a eu une telle répercussion, modifiant le statut de la femme dans la société, permettant la libération sexuelle et l’évolution des mœurs que nous connaissons aujourd’hui, seulement en Occident. Domination masculine Il n’est pas neutre de rappeler que la plus vraisemblable justification de la domination masculine, spécifique à l’espèce humaine, est de permettre au mâle « possesseur » de telle femelle de s’assurer ainsi de sa paternité qui, sinon, serait très incertaine. Faut-il rappeler que la presque totalité du monde primate et mammifère, dont nous sommes issus, ne connaît pas la paternité (ni la notion de couple ou de famille) en raison même de cette caractéristique des mammifères : la grossesse cachée, qui ne permet pas à la femelle de faire un lien de causalité entre une copulation parmi des dizaines (pour optimiser la fécondité) et une naissance huit mois plus tard, comme chez le chimpanzé. À l’opposé, dans le monde ovipare de la ponte immédiate et de la gestation externe, 90 % des oiseaux sont monogames car cette preuve instantanée que constitue l’oeuf fécondé dit en quelque sorte : « C’est toi le père, tu restes ici pour l’élevage ». On peut encore préciser que cette monogamie ovipare n’a qu’un temps, celui de l’élevage des petits, puisque chaque oiseau, mâle ou femelle, refait un autre couple avec un autre partenaire la saison suivante, une fois l’élevage terminé. Résistances à la contraception Les tentatives contraceptives ont ainsi été depuis toujours des tentatives d’émancipation féminine leur permettant, si peu soit-il, de s’affranchir de cette mainmise masculine sur leur corps, leur progéniture, leur disponibilité et la jouissance qu’elles pouvaient en tirer. La réalité de ces arguments trouve confirmation dans les peines très sévères, le plus souvent la peine capitale, attachées dans toutes les sociétés à l’adultère féminin, alors que son comparse dans le délit n’était, en général, que faiblement condamné. Ces tentatives contraceptives n’étaient cependant que très faiblement efficaces. À l’opposé, la pilule contraceptive va totalement libérer les femmes de l’emprise masculine sur leur corps, leur destinée, leurs désirs et permettre une autonomie de la vie sexuelle indépendamment du désir de fécondité. Sa mise en place s’est tout de même faite avec beaucoup de résistances politiques de la part des hommes, notamment en France où, en 1967, il ne faudra pas moins de deux ans entre la loi autorisant la pilule et le décret d'application permettant sa mise sur le marché ! Il faut encore rappeler que les femmes n’avaient pu se libérer de la tutelle sociale de leur mari que deux ans plus tôt. Ce n’est en effet qu’en 1965 que leur avait été octroyé le droit de gérer leurs biens propres et d’ouvrir un compte bancaire ou d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari. Cette révolution contraceptive permet aujourd’hui en Occident l’avènement d’une véritable ère de liberté où les femmes ne craignent plus la mainmise des hommes sur leur destinée. C’est réellement une nouvelle étape de l’humanité. Malheureusement, et faute d’information suffisante, on compte toujours 200 000 IVG par an en France aujourd’hui, soit un avortement pour trois naissances.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :