Publié le 12 fév 2021Lecture 6 min
Hyperactivité vésicale de la femme – Actualisation du traitement de 1re ligne
Bruno DEVAL, Ehud GRINSTEIN Chirurgie pelvienne fonctionnelle et oncologie, Geoffroy Saint-Hilaire, Paris
L’hyperactivité vésicale (HAV) est un syndrome défini par l’ICS (International Continence Society) comprenant plusieurs symptômes appartenant au groupe des troubles irritatifs du bas appareil urinaire : survenue d’urgenturies avec ou sans incontinence urinaire, habituellement associées à une pollakiurie ou une nycturie. Ce syndrome est évocateur d’une hyperactivité détrusorienne parfois mise en évidence par un examen urodynamique, mais non spécifique car pouvant également être due à d’autres types de dysfonctionnement du bas appareil urinaire(1). Par ailleurs, le terme d’hyperactivité vésicale idiopathique suppose qu’il n’y ait pas d’infection urinaire ni de pathologie locale organique évidente. L’objectif de cette mise à jour des terminologies et de la pathophysiologie de l’HAV est de fournir des outils cliniques pratiques pour une prise en charge selon les recommandations actuelles de la littérature.
Épidémiologie
L’HAV touche environ 17 % de la population féminine, sa prévalence augmentant avec l’âge pour atteindre 30 % des femmes au-delà de 65 ans(2). Il s’agit d’une affection sous-diagnostiquée, puisque seulement 27 % des patientes reçoivent un traitement et à peine 60 % consultent un médecin(3). L’impact négatif sur la qualité de vie est supérieur en comparaison à d’autres maladies comme le diabète ou la dépression(4). Le traitement devrait avant tout viser la diminution de l’invalidité sociale et psychologique, mais malgré les multiples options thérapeutiques et la disponibilité de nouveaux principes acifs, jusqu’à 40 % des patientes vont rester réfractaires au traitement(2).
Physiopathologie
Une HAV peut être la conséquence de lésions locales, de traumatismes du système nerveux central, d’obstructions mécaniques périphériques ou d’un dysfonctionnement neuroendocrinien. Cependant, elle reste idiopathique dans l’immense majorité des cas(5). L’HAV est principalement la conséquence de contractions musculaires involontaires suite à une stimulation de récepteurs muscariniques durant la phase de stockage. Le détrusor se contracte sous l’effet de la stimulation de récepteurs muscariniques et se relâche sous l’effet d’une stimulation sympathique sur les récepteurs β. La stimulation sympathique entraîne par contre une contraction du sphincter urétral qui contient des récepteurs α. Durant la phase de stockage, le sympathique stimule donc le détrusor à se relâcher et provoque une contraction du sphincter urétral, tout en inhibant le système parasympathique.
Le cortex cérébral intègre les informations liées au remplissage de la vessie et impose une inhibition du centre mictionnel situé au niveau du tronc cérébral. Lorsque la vessie atteint sa capacité maximale et que les circonstances le permettent, le cortex cérébral va lever son inhibition sur le centre mictionnel, le système sympathique sera inhibé et le parasympathique va entraîner un relâchement du sphincter urétral et une contraction du détrusor.
Au niveau local, on retient des altérations du muscle lisse augmentant son excitabilité ou la destruction de la barrière urothéliale, fréquemment liées à l’âge. Au niveau central, une HAV peut être la conséquence d’une diminution de l’inhibition suprapontique ou d’une altération de la neuromodulation centrale. Ces conditions entraînent une baisse de la capacité de traiter les informations afférentes, comme par exemple un volume vésical plus important que la réalité(6).
Évaluation et diagnostic
Une bactériologie est indispensable afin d’exclure une infection urinaire basse. L’examen clinique permet d’exclure un prolapsus urogénital, une masse pelvienne compressive ou une atrophie post-ménopausique.
Certaines conditions médicales comme un traitement diurétique, la prise de neuroleptiques, une fonction rénale altérée, une insuffisance cardiaque obstructive, une hyperkaliémie, un diabète sucré ou insipide, l’hypothyroïdie et des troubles d’anxiété ou de dépression doivent être exclues. Du côté neurologique, il faudra penser avant tout à une sclérose en plaques ou à des lésions traumatiques médullaires(7).
L’anamnèse devrait être ciblée sur les circonstances comportementales, notamment la consommation de tabac, d’alcool, de caféine, de théine et l’apport hydrique quotidien. Elle peut déjà former le point de départ d’une approche thérapeutique. Un calendrier mictionnel permet d’objectiver sur plusieurs séquences de 24 heures les apports hydriques, les volumes de vidange, la fréquence des mictions, d’éventuelles urgenturies et des pertes involontaires associées. Chez les patientes âgées, une investigation cognitive fonctionnelle peut être indiquée. Une cystoscopie permettra d’éliminer une tumeur ou une lithiase intravésicale, un processus inflammatoire interstitiel ou trigonal, et de visualiser des trabéculations détrusoriennes, signes anatomiques d’une « vessie de lutte » fréquemment associée à l’HAV.
Les différentes composantes d’un examen urodynamique ne sont pas in dispensables mais permettent d’obtenir des informations précieuses :
La cystométrie de remplissage permet de poser le diagnostic d’hyperactivité détrusorienne. Celle-ci n’est toutefois pas synonyme d’HAV car seulement 83 % des femmes avec une telle hyperactivité détrusorienne sont symptomatiques et 64 % des femmes symptomatiques ont réellement une hyperactivité détrusorienne à l’examen cystométrique(8) ;
La débitmétrie, l’étude pression-débit et la sphinctérométrie permettent de mettre en évidence une obstruction urétrale ou une autre pathologie de la vidange.
Gestion et traitement conservateur
Hormis des conseils simples à la base des observations faites sur le calendrier mictionnel, l’approche conservatrice comprendra la rééducation comportementale et alimentaire, la rééducation périnéale ainsi que l’entraînement vésical (bladder training).
Parfois, il suffit d’aviser la patiente soit d’espacer, soit de diminuer la consommation des substances nocives. Une réduction de l’apport hydrique journalier de 25 % diminue de manière significative les symptômes. Chez les patientes obèses, une perte pondérale permet d’améliorer significativement une incontinence urinaire(2,5). La physiothérapie périnéale avec biofeedback devrait être proposée à toutes les patientes, le renforcement des muscles du plancher pelvien permettant de regagner le contrôle en supprimant l’envie d’uriner. En particulier, l’entraînement vésical, décrit initialement par Jeffcoate et Francis en 1966, vise à rétablir le contrôle cortical central par l’intermédiaire de séquences conséquentes de vidange vésicale contrôlée(10,11).
Traitement pharmacologique
Anticholinergiques
Les anticholinergiques, inhibiteurs de l’effet excitateur des efférences parasympatiques, ont pendant longtemps dominé la pharmacothérapie de l’HAV. Ils augmentent la compliance et réduisent la pression intravésicale ainsi que les contractions détrusoriennes. Leur efficacité a été démontrée dans de nombreuses études contrôlées par placebo(9,15).
Le glaucome à angle fermé représente la seule contreindication formelle. La répartition des récepteurs cholinergiques entraîne par contre des effets secondaires fréquents comme la sécheresse buccale, la constipation, les troubles visuels et cognitifs. Par conséquent, la compliance est peu satisfaisante avec un taux d’échecs qui s’élève à environ 20 %. Il existe un grand nombre de substances anticholinergiques sur le marché, dont les caractéristiques varient d’un produit à l’autre et permettent ainsi une adaptation individuelle selon l’efficacité, la tolérance, les comorbidités et le mode de vie de la patiente. Chez les personnes âgées et fragiles, l’utilisation des antimuscariniques nécessite une adaptation des dosages(12).
Afin de diminuer les effets secondaires, l’industrie pharmaceutique a développé des formes à libération retardée (oxybutynine, toltérodine, fésotérodine) et des substances sélectives (solifénacine). Récemment, l’imidafénacine, active autant au niveau pré- que postsynaptique, a été introduite sur le marché japonais. Son efficacité est comparable à celle de la solifénacine et la tolérance semblerait supérieure(13).
β3-adrénergiques
Les limites liées aux anticholinergiques ont encouragé le développement de substances pharmacodynamiquement mieux ciblées. Les récepteurs adrénergiques β3 ont pu être identifiés dans le muscle détrusorien et dans l’urothélium. Par l’intermédiaire du messager secondaire AMPc, ces substances entraînent une relaxation du détrusor lors de la phase de remplissage, ce qui améliore la capacité vésicale sans pour autant avoir un effet contraignant sur la phase de vidange. Deux agonistes des récepteurs β3 sont actuellement sujets d’études pharmaco-scientifiques, le mirabégron et le solabégron. L’efficacité et la sécurité d’usage à long terme du mirabégron ont été validées dans plusieurs grandes études récentes incluant plus de 1 000 patientes(16,17).
Autres traitements médicamenteux
D’autres alternatives médicamenteuses aux anticholinergiques, comme la desmopressine, des antidépresseurs, les antagonistes du calcium, les activateurs des canaux potassiques, la vitamine K, les antagonistes des neurokinines et les cannabinoïdes ont été étudiées et proposées. Les données scientifiques sont pourtant insuffisamment solides pour une recommandation dans la pratique thérapeutique. Par contre, la combinaison d’un anticholinergique avec un β3-adrénergique semble être une alternative intéressante, comme le démontrent des études récentes(16,17).
Les estrogènes améliorent la trophicité des structures anatomiques du plancher pelvien et du bas appareil urinaire. Une métaanalyse récente a conclu qu’une thérapie locale tend à améliorer les symptômes de l’HAV(14).
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