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Contraception

Publié le 23 nov 2020Lecture 6 min

La pilule contraceptive pour l’homme : est-ce pour bientôt ?

D. SERFATY, Paris

Le 23 juin 1960, la Food and Drug Administration des États-Unis (FDA) a approuvé la pilule contraceptive pour femmes. Ce fut, dans la vie des femmes du 20e siècle, l’événement le plus important après le droit de vote. Mais aujourd’hui, les hommes, s’ils souhaitent contrôler leur fertilité, doivent avoir recours au préservatif masculin, au retrait ou à l’abstinence périodique, ou bien compter sur l’utilisation correcte de la contraception féminine.

Est-il concevable que la seule méthode de contraception masculine réversible demeure en 2020 le préservatif masculin, quelle que soit la diversité de ses modèles et les tentatives d’innovations dont il est l’objet ? Les dernières en date étant le condom adhésif (Wondaleaf®)(1) et son remboursement par la Sécurité sociale en France (Préservatif eden®) ?

Pourquoi agir en faveur d’une contraception masculine moderne ? La réponse n’est pas seulement de tenter de réduire le nombre de grossesses imprévues et d’IVG. Il s’agit surtout de promouvoir l’égalité hommes-femmes en santé génésique et de permettre aux hommes de prendre la responsabilité de leur vie sexuelle et reproductive. De nombreuses études ont démontré l’efficacité des méthodes hormonales de contraception masculine(2,3) et l’attrait non seulement des hommes, mais également des femmes pour ces méthodes, si elles étaient disponibles(4,5). Cependant l’industrie pharmaceutique a abandonné ses investissements en contraception masculine depuis plus de 15 ans, laissant les organisations à but non lucratif poursuivre la recherche dans ce domaine. Cette recherche semble aujourd’hui féconde. Une contraception masculine moderne : qu’avons-nous à l’horizon ? Si on met de côté les méthodes thermiques de contraception masculine telles que le slip thermique (Mieusset, CHU de Toulouse) dont on ignore les effets secondaires en cas d’utilisation à long terme, il semble que lestrois méthodes suivantes soient susceptibles de faire leur apparition dans les prochaines années: par ordre chronologique, les alternatives à la vasectomie, le gel combiné Nestorone® + testostérone et la pilule contraceptive pour hommes. Alternatives à la vasectomie Ils’agit deméthodes non chirurgicales d’occlusion des canaux déférents, actuellement le RISUG® (reversible inhibition of sperm under guidance) commercialisé sous le nom de Vasalgel®. Cette méthode consiste à injecter dans les canaux déférents une poudre d’un polymère de haut poids moléculaire dissoute dans un solvant biocompatible ayant pour but d’empêcher les spermatozoïdes de passer. En théorie, cette méthode estréversible en injectant dansles canaux déférents du bicarbonate de sodiumqui dissoutle polymère. Cette méthode, séduisante, est efficace chez le lapin(6) et chez le singe rhésus(7). Les essais de Vasalgel® chez l’homme sont en cours. Gel combiné nestorone® + testostérone La contraception hormonale masculine utilise un mécanisme de feed-back similaire à celui des méthodes hormonales de contraception féminine. Chez l’homme, la testostérone intratesticulaire se maintient à un niveau de 40 à 100 fois plus élevé que la testostérone plasmatique circulante. Cette concentration élevée de testostérone intratesticulaire est nécessaire pour assurer une spermatogenèse normale. L’administration d’un progestatif ou d’un antagoniste de la GnRH entraîne une inhibition de la sécrétion de la GnRH ayant pour conséquence une inhibition de la LH et de la FSH. Cela entraîne une diminution importante de la production de testostérone intratesticulaire et plasmatique à unniveauin suffisant pour maintenir une spermatogenèse ainsi qu’une libido et une masse musculaire normales. Par conséquent, il est nécessaire d’administrer de la testostérone par différentes voies (intramusculaire, sous-cutanée ou transdermique) dans le but de maintenir une testostéronémie à un niveau suffisant pour restaurer une libido et une fonction musculaire normales sans réinitier une spermatogenèse(3). Plusieurs contraceptifs hormonaux injectables basés sur ce principe (androgènes seuls ou androgènes associés à divers progestatifs) se sont révélés efficaces(8,9), mais il semble que la voie injectable ne soit plus à l’ordre du jour en raison, en particulier, d’effetssecondaires (acné, exacerbation de la libido, modifications psychiques…[9]). D’où la voie transdermique L’administration quotidienne de 8 mg de nestorone et de 100 mg de testostérone en gel transdermique a entraîné une concentration de spermatozoïdes à moins de 1 million par ml ou une azoospermie chez 89 % des hommes. Plus de 50 % des hommes ont été satisfaits par cette méthode(3). Une étude de phase IIB approuvée par la FDA a débuté en novembre 2018 dans plusieurs pays. Pilule contraceptive pour hommes Implants, injections, gels ou pilules, que préfèrent les hommes s’ils avaient à choisir un contraceptif ? La voie orale semble attirer la grande majorité d’entre eux(5). La NICHD (National Institute of Child Health and Human Development) a développé de nouveaux androgènes qui se lient également aux récepteurs de la progestérone, les « progestogenic androgens ». Ces nouveaux androgènes ne sont pas susceptibles de subir une α-réduction, ce qui peut être bénéfique pour la prostate. Ils composent les 2 pilules hormonales pour hommes en cours de développement. Pilule au DMAU Le DMAU (diméthandrolone undécanoate) (figure 1) d’après le CCTN (Contraceptive Clinical Trials Network) administré par voie orale (ou intramusculaire) est hydroxylé en hormone active, le diméthandrolone un nouveau dérivé de la 19-nortestostérone qui se lie aux récepteurs des androgènes et de la progestérone(3,10-13). Figure 1. Le DMAU, à la dose de 100, 200 ou 400 mg/jour a entraîné une diminution de la testostérone chez 100 hommes âgés de 18 à 50 ans, à des niveaux bas, compatibles avec une contraceptionmasculine efficace et bien tolérée. Ce fut la 1re avancée en contraception masculine depuis 300 ans, invention du préservatif masculin selon Stéphanie PAGE (« DMAU Study » Endocrine News, 1 April 2018). Pilule au 11β-MNTDC La 2e pilule contraceptive pour hommes est à base de11β-MNTDC (11β-méthyl-19-nortestostérone 17β-dodécylcarbonate) (figure 2) (également d’après le CCTN), un autre « progestogenic androgen ». Il s’agit également d’une testostérone modifiée(3,11) ayant des propriétés androgéniques et progestatives. Une dose orale quotidienne de 11β-MNTDC de 200 ou 400 mg a supprimé la testostérone plasmatique de manière réversible chez 40 hommes âgés de 18 à 50 ans et a été bien tolérée selon une récente étude randomisée en double aveugle(3,14). Figure 2. D’autres pilules contraceptives non hormonales pour hommes sont en cours de développement. Il s’agit d’antagonistes ou d’inhibiteurs de protéines ou d’enzymes impliquées dans le processus de la reproduction. Citonslesinhibiteurs(3) de : l’acide rétinoïque (essentiel pour initier la méiose au cours de la spermatogenèse) ; des BRDT (les bromodomaine protéines, essentielles pour la structure de la chromatine au cours de la méiose) ; de l’EPPIN (un facteur épididymaire dont l’inhibition a pour conséquence une inhibition de la mobilité des spermatozoïdes) ; il peut s’agir également de potentialisateurs de l’Adjudin® tel que le F5-peptide(15) ou encore du gaménazole ayant pour cible l’adhésion des cellules de Sertoli et dont la conséquence est la production de spermatides immatures…(3). Conclusion D’après les chercheurs mondiaux en contraception masculine, les deux pilules contraceptives hormonales pour hommes au DMAU ou au 11βMNTDC ne pourront pas être disponibles avant 8 à 10 ans. Quant aux pilules non hormonales pour hommes, elles sont à un horizon un peu plus lointain. En attendant, il faut préparer le corps médical ainsi que les hommes et les femmes de notre planète à l’avènement de la contraception masculine moderne, efficace et bien tolérée. Cette contraception viendra épauler la contraception féminine moderne parue il y a une soixantaine d’années. C’est le but que s’est assigné l’ICMC (International Consortium for Male Contraception), créé à Paris en 2013. Il s’agit d’un réseau dédié à tous les aspects de la contraception masculine, médicaux, chirurgicaux, socioculturels, actuels et futurs, hormonaux et non hormonaux. Ce réseau est ouvert à tous ceux qui le souhaitent et qui sont motivés (www.ic-mc.info). L’ICMC, parrainé par huit sociétés savantes nationales ou internationales, devait organiser le 11 mai 2020, à Paris, à l’Académie nationale de médecine, le 3e congrès international de contraception masculine. Les principaux chercheurs mondiaux en contraception masculine y auraient fait le point sur leur recherche notamment sur les pilules contraceptives pour hommes.

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