Médecine fœtale
Publié le 09 juin 2017Lecture 7 min
Génétique des omphalocèles
Annick TOUTAIN, Hôpital Bretonneau, Tours
Les omphalocèles sont des malformations congénitales d’étiologies variées, associées dans plus de la moitié des cas à d’autres anomalies, notamment cardiaques ou du tube neural. ces formes syndromiques sont dues à des anomalies chromosomiques dans un tiers à la moitié des cas, ce qui justifie l’étude du caryotype fœtal systématique lors de la découverte anténatale d’une omphalocèle.
De nombreux syndromes, le plus souvent très rares et de mécanismes moléculaires variés, peuvent comporter une omphalocèle comme signe principal ou signe associé.
Ils imposent une exploration échographique fœtale approfondie à la recherche de signes évocateurs d’une cause précise, mais le diagnostic génétique est impossible in utero dans la plupart des cas. en cas d’omphalocèle isolée et de caryotype normal, un conseil génétique rassurant peut être donné : le pronostic est habituellement favorable et le taux de récurrence pour une future grossesse évalué à moins de 1 %.
Rappels
Définition de l’omphalocèle
Les omphalocèles sont des malformations congénitales consistant en un défaut de fermeture de la paroi abdominale, lié à une anomalie de développement de l’intestin primitif dont l’intégration dans l’abdomen ne se fait pas correctement(1). Elles font partie des cœlosomies qui, contrairement au laparoschisis, sont médianes, avec une absence de fermeture de l’anneau ombilical. Dans les omphalocèles, ou cœlosomies moyennes, les organes extériorisés sont recouverts d’une membrane sur laquelle le cordon ombilical est inséré.
Quelques données épidémiologiques(1,2)
– L’incidence de l’omphalocèle est estimée à 2,5/10 000 naissances vivantes.
– Il n’existe pas de tératogène spécifiquement impliqué dans la survenue des omphalocèles.
– La fréquence des anomalies associées est élevée, allant de 40 à 88 % des cas selon les séries.
– Le taux d’anomalies chromosomiques est important, de 35 à 58 % des cas selon les séries.
– Le taux de récurrence des omphalocèles isolées est très faible, évalué à moins de 1 %.
Anomalies associées aux omphalocèles
D’après les données d’EUROCAT (réseau européen de registres régionaux de malformations congénitales), dans plus de la moitié des cas (54 %) il existe d’autres anomalies(2) qui sont responsables d’un taux élevé de décès anténatals ou néonatals. Il s’agit principalement de malformations cardiaques – notamment tétralogie de Fallot, CIA, CIV, transposition des gros vaisseaux et coarctation de l’aorte – présentes dans 30 à 50 % des cas, et de dysraphies du tube neural dans environ 40 % des cas, mais de très nombreux types de malformation ont été décrits.
Ainsi, deux tiers des enfants ayant une omphalocèle et une malformation cardiaque ont, en fait, un syndrome polymalformatif.
Étiologies des omphalocèles et hétérogénéité génétique
Les causes des omphalocèles sont extrêmement variées(1,2). Elles sont différentes selon qu’il s’agit d’omphalocèles syndromiques ou d’omphalocèles isolées.
Omphalocèles syndromiques
Plusieurs dizaines de syndromes pouvant comporter une omphalocèle comme signe principal ou signe associé, sont répertoriées dans les ouvrages(1) ou les bases de données des maladies génétiques(3). Parmi ces syndromes, figurent non seulement des syndromes d’origine génétique, mais aussi des ensembles malformatifs accidentels, tel le complexe OEIS (omphalocèle, exstrophie cloacale, imperforation anale et spina bifida).
Les anomalies chromosomiques constituent dans leur ensemble une cause génétique importante des formes syndromiques d’omphalocèle. La plus fréquente est la trisomie 18, mais d’autres anomalies numériques peuvent être observées comme la trisomie 13, les triploïdies, ainsi que des anomalies de structure variées.
Des omphalocèles ont également été rapportées en association avec la trisomie 21, mais il s’agit probablement d’associations fortuites.
Les autres syndromes d’origine génétique, extrêmement opathies, répondant, selon les cas, aux modes de transmission dominant autosomique, autosomique récessif ou lié à l’X, ou à des mécanismes épigénétiques. Toutefois, beaucoup de ces syndromes sont extrêmement rares ou ne comportent une omphalocèle que de façon exceptionnelle. Seul le syndrome de Beckwith-Wiedemann(4) est relativement fréquent et comporte assez souvent une omphalocèle, justifiant qu’il faille y penser systématiquement lors de la découverte anténatale d’une omphalocèle.
Omphalocèles isolées
Bien que les omphalocèles isolées soient le plus souvent sporadiques, quelques familles ont été rapportées avec des récurrences intrafamiliales suggérant l’existence de facteurs génétiques sous-jacents. Le mode d’hérédité proposé dans ces différentes familles est extrêmement variable, souvent considéré comme multifactoriel, parfois autosomique récessif, suggérant un mode lié à l’X dans une famille, alors que plusieurs familles évoquent un mode de transmission dominant(5).
Dans plusieurs familles, il a été rapporté des cas de hernie ombilicale chez des apparentés proches, suggérant une expressivité variable et une pénétrance incomplète(3).
Démarche du diagnostic prénataldans les omphalocèles syndromiques
Les étiologies des omphalocèles étant très variées et les mécanismes génétiques hétérogènes, on conçoit que l’identification d’une cause précise en anténatal soit très difficile. Nous illustrerons la conduite à tenir lors de la découverte anténatale d’une omphalocèle et les examens génétiques alors possibles, à partir de trois exemples répondant à des mécanismes génétiques différents.
La trisomie 18
Elle touche classiquement 1/8 000 naissances vivantes, mais sa fréquence a considérablement diminué en raison du diagnostic prénatal. Elle conduit souvent à une mort fœtale in utero ou, en cas de naissance vivante, au décès avant l’âge de 6 mois, bien que des survies prolongées aient été exceptionnellement rapportées, donnant alors un tableau d’encéphalopathie sévère avec quasi-absence de développement psychomoteur, atteinte neurologique sévère et hypotrophie majeure. Le phénotype de la trisomie 18 associe un RCIU précoce et sévère constant, des malformations congénitales variées dans plus de 95 % des cas, des anomalies des membres, des éléments dysmorphiques dont beaucoup sont détectables à l’échographie prénatale (tableau 1).
Une telle association impose l’étude du caryotype fœtal qui confirme le diagnostic souvent déjà évoqué cliniquement.
Le syndrome de Beckwith-Wiedemann
Il entraîne une avance de croissance pré- et postnatale avec viscéromégalie, une dysmorphie faciale discrète, parfois des malformations, dont la plus fréquente est l’omphalocèle ; son pronostic est lié :
– au risque d’hypoglycémies néonatales sévères par hyperinsulinisme qui en font toute la gravité sur le plan neurologique ;
– puis au risque tumoral pour des tumeurs embryonnaires (surtout le néphroblastome), risque qui est globalement de 7,5 %, mais qui est en fait variable en fonction des étiologies génétiques sous-jacentes.
En effet, le syndrome de Beckwith-Wiedemann est hétérogène sur le plan génétique (figure). Il est dû à des anomalies moléculaires variées, génétiques, mais surtout épigénétiques de la région chromosomique 11p15.5, qui est soumise à empreinte parentale (processus épigénétique à l’origine d’une expression génique différente selon que l’allèle d’un gène est hérité du père ou de la mère, et principalement régulé par la méthylation de l’ADN).
Ces anomalies entraînent une dérégulation de l’expression de gènes de cette région qui codent pour des facteurs de croissance ou des suppresseurs de tumeur (les gènes dont l’allèle paternel s’exprime favorisent la croissance cellulaire, alors que ceux dont l’allèle maternel s’exprime freinent la croissance).
Figure. Mécanismes génétiques ou épigénétiques du syndrome de Beckwith-Wiedemann
dans la région 11p15.5. Les anomalies de méthylation sont la cause la plus fréquente :
perte de méthylation du gène KCNQ1OT1, ou hyperméthylation du gène H19.
Les omphalocèles se voient surtout en cas de mutation du gène CDKN1C
ou de déméthylation de KCNQ1OT1 (*).
Cette complexité des mécanismes génétiques explique qu’actuellement, en l’absence d’histoire familiale connue (mutation du gène CDKN1C), le diagnostic prénatal moléculaire du syndrome de Beckwith-Wiedemann soit pour le moment impossible à faire. Ce syndrome peut être évoqué écho graphiquement (tableau 2), mais il est bien souvent impossible à confirmer de façon formelle, car beaucoup de signes cardinaux ou évocateurs du syndrome ne sont présents qu’en période postnatale ou au cours de la croissance. Cette suspicion diagnostique, bien que ne débouchant pas sur une confirmation en période prénatale, justifie néanmoins que les pédiatres qui accueillent l’enfant à la naissance en soient avertis, afin que la prise en charge soit optimale visant à éviter le risque d’hypoglycémie.
Le syndrome de Fryns
Il s’agit d’un syndrome rare, considéré comme autosomique récessif, aboutissant souvent au décès en période néonatale, et dont les signes cardinaux sont une hernie diaphragmatique, une dysmorphie faciale, une hypoplasie des ongles et des phalanges distales, et une hypoplasie pulmonaire. De nombreuses autres anomalies et malformations peuvent être associées, notamment l’omphalocèle. Les mensurations fœtales sont le plus souvent normales, voire élevées et il peut exister un hydramnios. Aucun signe n’est constant ni spécifique, ce qui explique que le diagnostic de syndrome de Fryns soit extrêmement difficile à évoquer à l’échographie (tableau 3).
Lors de la détection d’une omphalocèle, la constatation d’un ensemble polymalformatif chez un fœtus eu trophe ou macrosome doit faire rechercher des signes plus suggestifs, au premier rang desquels l’hypoplasie distale des doigts et, avec les progrès dans les moyens d’exploration échographique, notamment des échographies 3D, une dysmorphie faciale évocatrice. Toutefois, aucun marqueur biologique ne permet de confirmer le diagnostic in utero et l’étude génétique est impossible puisque aucun gène n’a été identifié à ce jour.
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