Publié le 01 nov 2009Lecture 9 min
Traitement et contraception des femmes atteintes du syndrome des ovaires polymicrokystiques
S. CATTEAU-JONARD, Hôpital Jeanne de Flandre, Lille
Le syndrome des ovaires polymicrokystiques regroupe trois composantes intriquées et non systématiquement présentes : l’hyperandrogénie, le syndrome métabolique et les troubles de la folliculogenèse. Le traitement dépendra des symptômes présentés par la patiente. La prise en charge du syndrome métabolique (lorsqu’il est présent) est primordiale.
Physiopathologie Le syndrome des ovaires polymicrokystiques (SOPMK) est la cause la plus fréquente d’anovulation, d’infécondité et d’hyperandrogénie chez la femme ; en effet, 5 à 10 % des femmes en âge de procréer en sont affectées (1). En dépit des efforts considérables pour en déterminer la cause, la physiopathologie du SOPMK reste mal comprise, mais les preuves s’accumulent pour suggérer que les principales anomalies sont primitivement ovariennes. Tout concourt à faire penser que le SOPMK résulte d’un processus exagéré de maturation pubertaire, ovarienne et parfois surrénalienne, sur un terrain prédisposé. En effet, le SOPMK est à l’évidence une maladie programmée, sous-tendue par une prédisposition génétique, encore mal cernée. Le(s) gène(s) concerné(s) a(ont) vraisemblablement un rôle dans la régulation des ARNm codant pour les enzymes impliquées dans la production d’androgènes par les cellules ovariennes (cellules thécales) et peut-être surrénaliennes. Cette maladie, avant tout ovarienne, est programmée, mais elle reste quiescente jusqu’à la puberté car elle ne peut s’exprimer en l’absence de la LH hypophysaire. Toutefois, on ne peut plus donner à la LH un rôle central, comme en témoigne, entre autres arguments, le fait qu’une mutation activatrice du récepteur de la LH n’est pas capable à elle seule d’entraîner un SOPK lorsqu’elle est présente chez les soeurs de garçons présentant une puberté précoce par « testotoxicose ». Il semble donc qu’il faille un deuxième événement pour permettre à la maladie de se révéler. Dans la majorité des cas, ce deuxième événement pourrait être l’exagération d’un phénomène physiologique, à savoir l’acquisition de l’insulinorésistance et de l’hyperinsulinisme qui en résulte, accompagnant normalement le processus de puberté. L’hyperandrogénie est, en effet, amplifiée par l’hyperinsulinisme qui augmente la fraction libre active des androgènes circulants en diminuant sa protéine de transport (sex hormone binding globulin, SHBG) et qui accroît les effets de la LH sur la synthèse stéroïdienne des cellules thécales. C’est ce scénario « physiologique » qui est vraisemblablement en cause dans la grande majorité des cas, surtout s’il existe une prédisposition génétique à l’insulinorésistance « commune », socle du syndrome métabolique ravageant nos populations sédentaires et trop bien nourries. Toutefois, certains émettent l’hypothèse que l’insulinorésistance du SOPMK ne serait pas d’origine génétique mais qu’elle résulterait d’une « reprogrammation in utero » du tissu adipeux, due à l’hyperandrogénie systémique venant de l’ovaire foetal ; ce dernier serait, quant à lui, programmé génétiquement pour être spontanément hyperandrogénique. Cette reprogrammation concernerait également l’hypothalamus, avec, pour conséquences à la puberté, l’hypersécrétion de LH (2). Tout hyperinsulinisme non physiologique est susceptible de révéler une prédisposition génétique au SOPMK, pendant et parfois même avant la puberté. Comment faire le diagnostic de SOPMK ? Rappelons que, chez l’adulte, les critères retenus par la conférence de consensus de Rotterdam (3) pour le diagnostic de SOPMK sont les suivants : – oligo- et/ou anovulation ; – hyperandrogénie clinique et/ou biologique ; – aspect échographique d’ovaires polymicrokystiques (présence de ≥ 12 follicules de 2 à 9 mm de diamètre dans chaque ovaire et/ou augmentation du volume ovarien > 10 ml). Deux critères sur trois sont suffisants pour retenir le diagnostic de SOPMK, après exclusion des autres étiologies d’hyperandrogénie et/ou de dysovulation. En revanche, il convient de rechercher dans tous les cas un syndrome métabolique qui se constitue bien souvent dès l’adolescence, traduisant un hyperinsulinisme. Il se caractérise par une obésité de type androïde (adiposité abdominale avec tour de taille > 80 cm) et plus rarement par un acanthosis nigricans, signe d’insulinorésistance sévère. Une intolérance aux hydrates de carbone (glycémie à jeun > 1 g/l), voire un diabète de type 2 doivent également être recherchés et surtout des anomalies lipidiques (élévation des triglycérides > 1,5 g/l, diminution du cholestérol-HDL < 0,5 g/l), de même qu’une HTA. Une hyperglycémie provoquée par voie orale sera réalisée en cas d’IMC > 30 kg/m2 ou de contexte familial d’insulinorésistance. Le plus important est de déceler le plus précocement possible l’insulinorésistance et l’obésité naissante qui lui sont souvent associées, afin d’en prévenir les complications ultérieures sur la fécondité et les risques métaboliques et cardiovasculaires. Traitement Il dépend de l’âge d’apparition et de l’intensité des symptômes. Traitement hormonal Chez l’adolescente ayant terminé sa croissance et sa puberté, de même que chez la femme, et en l’absence des contre-indications usuelles, le traitement de première intention d’une hyperandrogénie modérée est l’administration de contraceptifs oraux inhibant le fonctionnement ovarien. En réduisant le taux de gonadotrophines et en augmentant celui de la SHBG, ils diminuent les taux circulants de T libre. Il convient d’utiliser des pilules au progestatif non androgénique comme le désogestrel ou le gestodène. Les pilules contenant de la drospirénone, de l’acétate de chlormadinone ou du norgestimate sont, a priori, encore plus adaptées puisque le progestatif a une action antiandrogénique. Cependant, leur réelle supériorité par rapport aux autres progestatifs sur l’hyperandrogénie clinique reste à démontrer. Les pilules contenant 2 mg d’acétate de cyprotérone à action antiandrogénique peuvent, bien sûr, être prescrites mais leur teneur en éthinylestradiol (35 μg) amène quelques réserves pour un usage chez l’adolescente. L’acétate de cyprotérone est le principal traitement antiandrogène en cas d’hirsutisme avéré. Les premiers effets se manifestent sur l’acné et la séborrhée (3 mois), suivis de ceux, plus lents, sur l’hirsutisme (6 mois). Il est important de prévenir les patientes de ce délai d’action et de les inciter à poursuivre les mesures cosmétiques. Pris 20 ou 21 jours par mois à la dose de 50 mg par jour, il est antigonadotrope, dès le premier cycle. Il convient de l’associer à du 17 β-estradiol afin d’éviter des métrorragies par atrophie endométriale. Un minimum d’un an est nécessaire pour une bonne efficacité. Le relais peut ensuite être pris par un estroprogestatif de nouvelle génération, dénué d’action androgénique. La spironolactone est utilisée surtout aux États-Unis pour son action antiandrogène relevant, d’une part, de la diminution de la biosynthèse de la testostérone par inhibition du cytochrome P450 et, d’autre part, de l’inhibition de la liaison de la DHT aux récepteurs des androgènes. Son effet à la dose de 100 à 200 mg/j en continu est net dès le 3e mois d’utilisation. Il est préférable de l’utiliser en association avec un progestatif ou un estroprogestatif car, seule, elle est responsable de troubles du cycle et n’a pas d’effet contraceptif. Enfin, certains proposent d’utiliser le flutamide. Cet antiandrogène non stéroïdien n’a pas l’AMM en France, en tant que traitement antiandrogène chez la femme. Il est cependant proposé par certains, à la dose de 62,5 mg/j, en association avec un estroprogestatif de 3e ou 4e génération, car il n’a pas d’effet contraceptif. Un plus long recul est nécessaire avant de pouvoir en conseiller une large utilisation. Il convient d’associer à ces traitements médicaux des mesures cosmétiques dont la mieux tolérée et la plus efficace est l’épilation laser, toutefois non prise en charge par l’assurance maladie. L’eflornithine, récemment commercialisée en France, est le premier topique ralentissant la croissance du poil, mais il s’agit d’un traitement d’appoint. Traitement du versant métabolique de la maladie EN PRATIQUE • Les pilules estroprogestatives sont à prescrire en première intention chez les patientes présentant un SOPMK avec hyperandrogénie modérée et troubles du cycle. • En cas d’hyperandrogénie clinique majeure, l’acétate de cyprotérone à la dose de 50 mg/j associé à du 17 β estradiol sera privilégié. • Quoiqu’il en soit, il faut profiter de la période contraceptive et de la prise en charge de l’hyperandrogénie pour dépister l’insulinorésistance et en minimiser l’évolution. Chez les patientes en surpoids, une réduction pondérale apporte une amélioration des symptômes d’hyperandrogénie, de l’hyperinsulinisme et du syndrome métabolique. Les pilules estroprogestatives ne semblent pas avoir d’effet aggravant sur l’hyperinsulinisme chez les patientes de poids normal et leurs effets seraient modérés chez les patientes en surpoids. Sans qu’elle soit pour autant une alternative, des études ont montré l’efficacité de la metformine sur le syndrome métabolique mais aussi sur l’hyperandrogénie (4). Toutefois, la métaanalyse de Costello et coll. (5) n’encourage pas à privilégier la metformine comparativement aux estroprogestatifs et l’ajout de metformine aux estroprogestatifs ne semble pas très efficace. POINTS À RETENIR • L’excès de synthèse d’androgènes par les cellules thécales représente le phénomène primitivement responsable du SOPMK. • Le syndrome métabolique n’est pas constant dans le SOPMK, mais l’aggrave. • Après la prise en charge du syndrome métabolique s’il existe, le traitement de première intention du SOPMK est la pilule estroprogestative, en l’absence de contre-indication, et en cas d’hyperandrogénie clinique modérée. L’acétate de cyprotérone sera prescrit en cas d’hirsutisme. De plus, la metformine n’a pas l’AMM chez les sujets non diabétiques en France. Son utilisation pourrait être un bon complément lorsque le syndrome métabolique est au premier plan et résiste aux règles hygiénodiététiques. Cependant, son utilisation au long cours dès l’adolescence, proposée par certains, n’est pas sans poser des problèmes éthiques et économiques. En outre, faute d’un recul suffisant, rien ne démontre à ce jour qu’elle va diminuer le risque cardiovasculaire à long terme.
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