Cancérologie
Publié le 30 nov 2010Lecture 8 min
Techniques d’oncoplastie mammaire à l’usage des non-plasticiens
F. RIMAREIX*, I. COTHIER-SAVEY**, N. LEYMARIE*, G. KARSENTI*, J.-R. GARBAY* - *Institut Gustave Roussy, Villejuif - **Institut Curie, Saint-Cloud
On connaît maintenant les difficultés de corriger les séquelles esthétiques d’un traitement conservateur du cancer du sein. En dehors de facteurs de radiotoxicité, qu’on met actuellement en évidence, la technique d’exérèse et de remodelage est fondamentale. Il s’agit d’une évolution majeure dans le traitement conservateur du cancer du sein. Nous n’aborderons ici que des techniques simples de plastie, qui doivent pouvoir être utilisées par tous les chirurgiens sénologues.
L’oncoplastie mammaire pour cancer peut être curatrice pour traiter les séquelles esthétiques des traitements conservateurs associant chirurgie et radiothérapie, mais ces techniques de « rattrapage » sont aléatoires et difficiles. Il est préférable de privilégier « la vraie » oncoplastie qui prévient les séquelles au stade initial du traitement chirurgical. Elle associe l’exérèse carcinologique à la conservation harmonieuse de la forme du sein grâce à l’utilisation de techniques de chirurgie plastique et esthétique.
Séquelles esthétiques des traitements conservateurs Les principales séquelles du traitement locorégional conservateur sont : – l’asymétrie entre les deux seins, – la déformation du sein traité, – les malpositions de l’aréole, – les séquelles cutanées (augmentées par des facteurs de radiotoxicité). Ces séquelles sont variables selon la localisation tumorale : – pour les quadrants inférieurs et les tumeurs centrales, elles entraînent des rétractions en « bec d’aigle » ; – pour le quadrant supérointerne sur un petit sein de bonnet A ou B : création d’un défect localisé ; – pour les quadrants externes : il existe une attraction de l’aréole en externe. La classification des séquelles esthétiques(1,2) est très utile pour poser les indications chirurgicales de correction de ces séquelles. Classification des séquelles esthétiques • Type I : apparence normale sans déformation, asymétrie de volume ou de forme. • Type II : sein traité déformé. • Type III : déformation majeure avec une fibrose diffuse (moins fréquente grâce à la modification des protocoles de radiothérapie). Traitement chirurgical des séquelles Une réparation s’avère nécessaire dans 5 à 10 % des cas avec une demande actuelle en augmentation. Le plus important est surtout de ne pas méconnaître une récidive qui peut se manifester par une déformation du sein ; il faut donc, dans tous les cas, disposer d’un bilan carcinologique récent. Les indications sont fonction des stades : • Type 1 : 55 % • Sein traité : – abstention à privilégier ; – augmentation par prothèse rétropectorale avec dissection minime de la glande irradiée ; – lipofilling (en cours d’évaluation et actuellement non recommandé par la SOFCPRE dans l’attente des résultats d’études prospectives) ; – gestes mineurs de recentrage de la PAM, reprise de cicatrices, lipoaspiration localisée. • Sein controlatéral : – le plus souvent une symétrisation par plastie mammaire de réduction ; – plus rarement, augmentation par prothèse. • Type 2 : 40 %, demande de chirurgie la plus fréquente. • Sein traité : – reconstruction partielle par lambeau de grand dorsal, les résultats sont bons, mais cette technique compromet une reconstruction en cas de récidive tumorale nécessitant une mastectomie ; – prothèse d’augmentation (non recommandée, car risque de difficulté de surveillance de la glande traitée) ; – lipofilling (non validé). • Sein controlatéral : réduction ou augmentation. • Type 3 : 5 % • Sein traité : mastectomie et reconstruction immédiate par lambeau (malgré tout refusé par la patiente dans un nombre non négligeable de cas) ; • Sein controlatéral : réduction de symétrisation. Le traitement chirurgical des séquelles esthétiques est aléatoire et risqué. Prévention des séquelles : l’oncoplastie mammaire Il s’agit de proposer un geste de remodelage du sein dès le traitement initial de la tumeur avec deux impératifs(3) : – carcinologique : exérèse tumorale complète avec berges saines ; – esthétique : conservation harmonieuse et symétrique du sein. La technique englobe l’incision, le remodelage et la technique de vascularisation de la plaque aréolo-mamelonnaire (PAM). Dans certains cas, on peut être amené à discuter des indications de « vraies » plasties mammaires en T ou verticale ou round-block. Les impératifs pratiques sont d’avoir les deux seins dans le champ opératoire, le bras libre du côté du ganglion sentinelle ou du curage axillaire, et de disposer d’une table de plastie, de manière à ce que la patiente puisse être en position demi-assise. Les repères de l’anatomie « artistique » du sein Utilisés en esthétique, les repères suivants sont très importants à connaître : – pôle supérieur de l’aréole entre 17 et 20 cm de la fourchette sternale. Pour remonter un sein, on glisse les doigts dans le sillon, la pulpe des doigts se place à la hauteur de la localisation de la future PAM. C’est une technique très simple ; – la partie supérieure de l’aréole à 10 cm de la ligne médiane sur une horizontale ; – le segment III sous le pôle inférieur de l’aréole mesure environ 6 cm jusqu’à la ligne du sillon sous-mammaire. Le choix des incisions d’une tumorectomie est fondamental Pour respecter l’harmonie du sein, le choix fondamental des incisions est le suivant : – incisions arciformes dans les quadrants supérieurs, – incisions radiaires dans les quadrants inférieurs, – incisions horizontales à l’union des quadrants internes ou externes, – incision du curage axillaire différente de celle d’une tumorectomie du quadrant supéroexterne. Indications du remodelage glandulaire simple (4) Il faut d’abord vérifier sur la mammographie et à l’examen clinique « le type » de glande mammaire sur lequel on intervient : des lambeaux dans des seins graisseux entraînent une cytostéatonécrose. Des lambeaux sont possibles si le sein est glandulaire. Le remodelage est indiqué lorsque le rapport entre le volume de la tumorectomie/ volume sein est inférieur à 1/4 pour les tumeurs des quadrants inférieurs, même si le sein est petit, car toute perte de substance dans ces quadrants fait « capoter » l’aréole vers le bas en l’absence de remodelage. Il s’effectue par glissement de deux lambeaux glandulaires (décollement de la glande du muscle pectoral et rapprochement par enroulement). Il peut être utilisé pour les autres quadrants, notamment pour des tumorectomies à l’union des quadrants internes ou externes avec exérèse cutanée en ellipse en regard de l’exérèse glandulaire pour « arrondir » le sein. Indications des « vraies » plasties mammaires – Volume tumoral/volume mammaire > 1/4. – Tumeurs des quadrants inférieurs chez des patientes avec bonnet ≥ C ou rétroaréolaires. – Volume tumoral de 3 à 5 cm sur un sein de bonnet ≥ C. – Bifocalité dans le même quadrant : à discuter en RCP. Ces plasties mammaires avec résection carcinologiquement large permettent d’étendre les indications du traitement conservateur (5). Bien évidemment, les indications sont à poser en RCP. Principes techniques de ces plasties : – conserver la vascularisation de la PAM : lambeau portemamelon, dont le pédicule varie en fonction de la zone d’exérèse ; – respecter le cercle veineux péri-aréolaire ; – reconstruire la perte de substance par prélèvement d’un lambeau glandulaire dans un autre quadrant. Figures 1 à 5. Les différents temps opératoires de la plastie mammaire. Figures 6 et 7. Résection centrale en ellipse. La technique d’une plastie à pédicule supérieur portemamelon avec cicatrices en T est la suivante : – dessiner la clé de résection : verticale plus ou moins large, aréole de 4 à 5 cm de diamètre ; – faire la manoeuvre de Biesenberger en repoussant le sein en dedans puis en dehors pour calculer la quantité de glande à réséquer en horizontal ; – décollement rétro-glandulaire ; – lever du lambeau portemamelon à pédicule supérieur « ni trop fin ni trop épais » (pour respecter la vascularisation sans risque de compression du lambeau par son épaisseur) ; – pièce orientée pour anatomopathologie sur liège ou carton ; Figures 8 et 9. Résection centrale en round-block. – prélèvement d’un lambeau glandulaire de comblement de la perte de substance engendrée par la tumorectomie ; – fermeture en deux plans sur un redon aspiratif ; – le curage axillaire s’effectue par la voie d’abord de la plastie sans aucun problème technique (figures 1 à 5). Pour les tumeurs centrales emportant la PAM, trois techniques de remodelage peuvent être utilisées après l’exérèse monobloc en cône de la PAM jusqu’au pectoral (8) : Figures 10 et 11. Résection centrale avec plastie en T. – ellipse (figures 6 et 7), – round-block (figures 8 et 9), – plastie mammaire de remodelage avec cicatrice en T (figures 10 et 11). En conclusion L’oncoplastie permet d’élargir les indications aux tumeurs plus volumineuses(7) car les marges d’exérèse sont plus larges grâce à l’utilisation des techniques de chirurgie plastique, sous réserve de validation en RCP. Elle nécessite cependant une sélection des patientes et une maîtrise des techniques de chirurgie plastique mammaire. Elle peut faciliter la radiothérapie sur les seins volumineux ainsi que la surveillance des seins traités(6).
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