Publié le 05 nov 2009Lecture 6 min
Prise en charge multidisciplinaire des femmes génétiquement prédisposées aux cancers du sein et de l’ovaire
P. THIS, Institut Curie, Paris
La prise en charge des femmes génétiquement prédisposées est très délicate, nécessairement multidisciplinaire, et ne peut se concevoir que dans des équipes spécialisées, en raison non seulement des difficultés techniques qu’elle soulève (gestion d’une image radiologique anormale, chirurgie prophylactique) mais aussi de ses aspects éthiques : information détaillée, propositions validées collégialement et décision médicale partagée. Mise au point.
Quelle prise en charge peut-on proposer aujourd’hui à une femme indemne génétiquement prédisposée (GP), porteuse d’une mutation BRCA1/2, et présentant de ce fait un risque très augmenté de cancer du sein et de l’ovaire (tableaux 1 et 2) ? Prise en charge mammaire Deux grandes stratégies peuvent être proposées aujourd’hui : soit la surveillance par IRM mammaire, soit le recours à des méthodes de prévention chirurgicale ou médicamenteuse. La surveillance La première stratégie repose sur un dépistage très attentif afin de détecter précocement des petits cancers du sein potentiellement curables. L'American Cancer Society a récemment recommandé que l’IRM mammaire soit proposée en plus de la mammographie aux femmes GP qui optent pour la surveillance (1). Plusieurs études prospectives chez des femmes GP ont retrouvé, par comparaison aux autres modalités de surveillance, une sensibilité supérieure de l’IRM et des taux de cancers d’intervalle plus faibles (10 % contre 50 %), mais une spécificité inférieure. Il est recommandé un examen clinique tous les 6 mois à partir de l’âge de 20 ans et une surveillance associant mammographie, échographie, et IRM mammaire annuellement à partir de l’âge de 30 ans, ou 5 ans avant l’âge du cancer du sein le plus précoce dans la famille, si celui-ci est survenu avant l’âge de 35 ans. Il est également conseillé d’effectuer un bilan mammaire complet avant la mise en route d’une grossesse. Les méthodes de prévention La mammectomie prophylactique La mammectomie prophylactique (MP) consiste à retirer la glande mammaire et la plaque aérolomamelonnaire et s’accompagne en général d’une reconstruction mammaire dans le même temps. Une revue systématique de la littérature (2) a récemment conclu à des réductions de risque de cancer du sein de 91 à 100 % pour des durées de suivi allant de 3 à 7 ans. Dans le groupe des femmes opérées, les cancers du sein sont survenus après mammectomie sous-cutanée ; aucun n’est survenu après MP totale. Il n’est pas encore possible de conclure sur l’efficacité de la MP en termes de mortalité. Plusieurs études ont tenté de cerner les conséquences psychiques et sociales des MP (3,4). Elles montrent qu’il faut dissocier la satisfaction liée à l’acte prophylactique et celle liée à la reconstruction elle-même, laquelle dépend étroitement des complications, des séquelles et des résultats esthétiques. Les conséquences négatives à long terme de cette intervention, notamment dans le domaine de la sexualité, ne doivent pas être sous-estimées. Le choix de réaliser une MP ne peut donc se concevoir que si la femme concernée est parfaitement informée des autres options que l’on peut lui proposer. La chimioprévention Il existe un faisceau d’arguments pour penser que la tumorigenèse chez les femmes GP est, au moins initialement, sensible aux estrogènes et aux antiestrogènes(5). À ce jour, plusieurs antiestrogènes ont été ou sont testés chez des femmes « à risque de cancer du sein » : le tamoxifène, le raloxifène et les antiaromatases. En France, ces composés ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication ; ils ne peuvent être proposés que dans le cadre d’essais cliniques. Depuis avril 2008, en France, on peut proposer aux femmes ménopausées porteuses d’une mutation BRCA1 ou 2 de participer à l’essai LIBER, une étude multicentrique, de phase IIIb, randomisée, en double aveugle, comparant le traitement par létrozole (2,5 mg/j) au placebo, en prévention du cancer du sein invasif. Prise en charge ovarienne La surveillance par échographie pelvienne est recommandée annuellement dès l’âge de 35 ans chez les jeunes femmes GP. Cette surveillance est malheureusement décevante car elle n’est ni sensible, ni spécifique. En pratique, on recommande aujourd’hui aux jeunes femmes GP une annexectomie prophylactique. Outre la réduction considérable (de l’ordre de 80 à 95 % selon les séries) du risque de cancer de l’ovaire que cette intervention confère (6), on constate également une réduction d’environ 50 % du risque de cancer du sein (7). L’annexectomie prophylactique est recommandée en principe à partir de l’âge de 40 ans, voire dès 35 ans chez les jeunes femmes qui ont réalisé leur désir parental ; elle peut être différée à 45 voire 50 ans, en cas de mutation du gène BRCA2. Elle est suivie d’une ménopause chirurgicale. La prescription d’un traitement hormonal de substitution est controversée. Elle est acceptable chez les jeunes femmes qui le souhaitent, qui sont bien informées de leur risque de cancer du sein, très supérieur à celui des femmes de la population générale, et à condition que ce traitement ne soit pas prolongé au-delà de l’âge habituel de la ménopause (8). Organisation de la prise en charge En France, la prise en charge des femmes GP a fait l’objet d’une expertise collective (9). Depuis 2004, il est recommandé de leur donner une information très complète sur les avantages, les inconvénients et les limites des différentes options. • Actuellement, en France, la majorité des femmes GP optent pour la surveillance par IRM mammaire. • La MP ne peut leur être proposée avant l’âge de 30 ans. Elle doit faire l’objet d’une discussion multidisciplinaire associant le généticien, le gynécologue, le chirurgien reconstructeur ; un entretien avec un psychooncologue doit être réalisé. L’avis et la participation du conjoint à la décision sont conseillés. Un délai de réflexion d’au moins 4 mois doit être respecté. En pratique, de nombreux éléments entreront dans la prise de décision d’une femme d’effectuer cette intervention, notamment les caractéristiques cliniques, radiologiques, son vécu de la surveillance, son histoire familiale, ses responsabilités et l’appréciation subjective de son risque personnel de cancer du sein. • De même, l’annexectomie prophylactique n’est effectuée qu’au terme d’un parcours comprenant une consultation de génétique, une information très complète par le gynécologue sur les avantages, inconvénients et modalités de cette recommandation, un entretien avec un psycho- oncologue, le respect d’un délai de réflexion. • Les indications de chirurgie prophylactique doivent être validées en concertation pluridisciplinaire.
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