Publié le 04 sep 2006Lecture 12 min
Part des gamètes dans le risque chromosomique après AMP : Evaluation et conséquences pour la prise en charge
F. Pellestor, CNRS-UPR 1142, Montpellier, F. Vialard, CHI Poissy-Saint-Germain, INSERM U407, Faculté de Médecine Lyon Sud
La formation et la transmission des anomalies chromosomiques restent des questions fondamentales compte tenu de l’impact clinique et social de ces anomalies.
De très nombreuses études ont conclu à une augmentation du risque d’aneuploïdie avec l’âge maternel(1), mais également à une augmentation du taux d’aneuploïdies chez les enfants issus des techniques de fécondation in vitro(2). L’évaluation du risque chromosomique gamétique apparaît donc comme essentielle, afin de mieux appréhender les mécanismes de transmission de cas d’anomalies et de donner une information des plus précises aux couples. La part des gamètes dans le risque chromosomique dans la reproduction L’espèce humaine présente comme caractéristique un mécanisme reproductif peu efficace, puisque seulement 20 % des cycles sont fécondants et que seulement 40 % des grossesses arrivent à terme(3). Des études sur produits de fausses couches ont montré une très forte prévalence des anomalies chromosomiques dans la survenue des échecs reproductifs(4). Rappel sur la méiose et la fécondation La méiose est un mécanisme de division cellulaire complexe, propre à la lignée germinale et formé de la succession de 2 divisions nucléaires consécutives à une seule phase de réplication de son ADN. Elle permet d’obtenir des cellules haploïdes à 23 chromosomes à partir d’une cellule à 46 chromosomes. Si, dans la spermatogenèse, une cellule diploïde en méiose génère 4 cellules haploïdes similaires (les spermatozoïdes), la méiose au cours de l’ovogenèse aboutit à la formation d’une seule grosse cellule haploïde (l’ovocyte) et de deux petites cellules résiduelles (les globules polaires) (figure 1). Figure 1. Déroulement schématique de la méiose dans le sexe féminin (à gauche) et le sexe masculin (à droite). Par ailleurs, la spermatogenèse est un processus continu chez l’homme à partir de la puberté, alors que chez la femme, la production des ovocytes ne se fait qu’à raison d’un par mois environ, de la puberté à la ménopause. Enfin, seule la fécondation permet à un ovocyte de terminer sa méiose. Ainsi, l’étude chromosomique des gamètes est donc très différente selon que l’on considère l’homme ou la femme. Analyse chromosomique des ovocytes humains Les premières études chromo-somiques d’ovocytes humains ont été réalisées à la fin des années 60, avec la mise au point de techniques de fixation adaptées à ces cellules. Mais c’est véritablement le développement des protocoles de FIV humaine qui a ouvert la voie à ce type d’exploration chromosomique, en rendant disponibles les ovocytes non fécondés à l’issue de tentatives de FIV (figure 2). Figure 2. Caryotype d’un ovocyte humain au stade de la métaphase II, réalisé en bande R. À noter l’aspect très particulier des chromosomes dû à leur important degré de condensation. Causes des anomalies chromosomiques ovocytaires De nombreuses études cytogénétiques ont ainsi été menées, présentant d’importantes variations dans leurs résultats. Toutefois, les données les plus fiables font état de taux d’anomalies chromo-somiques ovocytaires de l’ordre de 15 à 20 %, et ces études ont permis de mettre en évidence l’implication conjointe des mécanismes de non-disjonction chromosomique et de séparation prématurée des chromatides sœurs dans la survenue des aneuploïdies ovocytaires(5). Le taux d’anomalies chromosomiques ovocytaires est de l’ordre de 15 à 20 %. Les études les plus récentes, basées sur de larges échantillons d’ovocytes humains, ont aussi mis en évidence la prépondérance des anomalies numériques dans les chromosomes de petite taille et ont confirmé l’effet direct de l’âge maternel sur l’incidence des anomalies chromosomiques dans le sexe féminin. La prépondérance des anomalies numériques est mise en évidence dans les chromosomes de petite taille. Apport des techniques de marquage chromosomique Au cours des dernières années, les techniques de marquage chromosomique in situ ont été adaptées aux ovocytes humains, permettant, selon les procédures utilisées, l’identification de 2 à 23 chromosomes (figure 3). Figure 3. Marquage spécifique in situ de 3 chromosomes sur une métaphase d’ovocyte II humain. Cette détection est réalisée par la technique de marquage fluorescent PRINS, portant sur les régions centromériques des chromosomes cibles. Le centromère du chromosome 1 est marqué en jaune, le centromère du chromosome 9 est coloré en vert et le centromère du chromosome 16 en rouge. Diverses approches ont été testées, telles que l’hybridation in situ fluorescente (FISH) multicouleurs, le PRINS, le caryotype spectral ou l’hybridation génomique comparative (CGH). Chacune de ces techniques présente des avantages et des inconvénients, mais dans l’ensemble, les données obtenues confirment le taux de 20 % d’anomalies chromosomiques et la coexistence de divers mécanismes de formation méiotique de ces anomalies (figure 4). Figure 4. Les différents types de malségrégation méiotique, comparée à la ségrégation méiotique normale d’une paire de chromosomes. La non-disjonction chromosomique classique aboutit à la présence de 2 chromosomes homologues dans la métaphase II, alors que la séparation prématurée d’une paire de chromatides se traduit par la présence d’une (ou de 2) chromatide(s) libre(s) dans la métaphase II. Analyse du globule polaire Parmi ces nouvelles approches, une des plus intéressantes concerne l’analyse chromosomique des globules polaires. Cette analyse associe la micromanipulation et l’analyse par FISH, et permet de distinguer les anomalies chromosomiques issues de la première et de la deuxième division méiotique quand les deux globules polaires sont analysés. > Technique Cette technique repose sur la biopsie du premier globule polaire avant réalisation d’une micro-injection(6). La biopsie est réalisée après le recueil ovocytaire et permet de sélectionner les ovocytes normaux avant l’ICSI. Cette biopsie est réalisée par différentes techniques et, en particulier, par laser. Celui-ci permet de réaliser un trou dans la zone pellucide et de prélever le premier globule polaire sans léser l’ovocyte (figure 5). Figure 5. Biopsie du globule polaire sur un ovocyte en métaphase II, avant la mise en fécondation en ICSI. Ce globule polaire est ensuite fixé et analysé avec 5 sondes spécifiques reconnaissant 5 chromosomes différents (ceux les plus couramment impliqués dans les fausses couches) (figure 6a). Figure 6. Marquage spécifique in situ avec le kit Multivysion PB (Abbott) par technique de FISH (chromosome 13 en rouge, 16 en bleu clair, 18 en bleu foncé, 21 en vert et 22 en jaune). Un spot correspond à une chromatide. A : globule polaire normal. B : globule polaire anormal avec division prématurée des chromatides sœurs. C : globule polaire anormal avec non disjonction chromosomique. > Indications Cette technique est proposée en France pour les patientes à haut risque d’aneuploïdies : les patientes de plus de 38 ans et celles en échec d’implantation. Ces résultats confirment ceux obtenus sur les ovocytes cultivés in vitro. D’autres populations semblent être intéressantes, comme celle des patientes en échec d’implantation. Les résultats en diagnostic préimplantatoire (DPI) montrent une forte augmentation des aneuploïdies chez ces patientes et cela semble confirmé dans les résultats préliminaires obtenus avec l’analyse du premier globule polaire. Les autres populations sont les patientes jeunes ayant un antécédent d’aneuploïdie et celles ayant des fausses couches à répétition où les études récentes en DPI montrent une augmentation des taux d’aneuploïdies. > Résultats L’ensemble de ces travaux a clairement démontré que plusieurs mécanismes étaient impliqués dans la survenue des aneuploïdies méiotiques. Parallèlement au processus de non-disjonction chromosomique classique, Angell(7) a mis en évidence l’existence d’un mécanisme de séparation prématurée des chromatides homologues lors de la première division méiotiques, donnant lieu à la ségrégation aléatoire des deux chromatides sœurs libres. Les résultats de plusieurs études montrent que la SPCS est un mécanisme majeur dans la formation des trisomies. Dans notre expérience, chez des patientes de plus de 38 ans (âge moyen 40 ans et 4 mois), le taux d’anomalies retrouvé est de 38,5 % avec, dans 71 % des cas, un mécanisme impliquant la SPCS* (figure 6b). La SPCS est un mécanisme majeur dans la formation des trisomies. La SPCS est un mécanisme majeur dans la formation des trisomies. Durant la méiose, la cohésion entre les 2 chromatides sœurs formant un chromosome, est assurée par une famille particulière de nucléoprotéines appelées cohésines(8). Ces protéines contrebalancent les forces de traction exercées par les microtubules vers les pôles du fuseau de division. Pendant la transition métaphase/anaphase ces protéines clivent, entraînant le mécanisme de ségrégation chromosomique(9). Une dégradation prématurée ou un défaut partiel de ces protéines pourrait entraîner une SPCS. La dégradation progressive de ces molécules pourrait être directement liée au vieillissement maternel. Analyse chromosomique des spermatozoïdes humains À la différence des ovocytes, l’accès aux spermatozoïdes est facile, mais les techniques d’obtention de caryotype des spermatozoïdes ne sont possibles qu’après décondensation du noyau. La technique « Humster » Une technique originale de fécondation in vitro hétérospécifique entre spermatozoïdes humains et ovocytes dépellucidés de hamster (Humster [Humain Hamster] test) a permis en 1978 l’obtention des premières métaphases haploïdes de spermatozoïdes humains(10), puis le développement de l’étude cytogénétique des gamètes mâles chez les sujets normaux et les sujets porteurs équilibrés de remaniements chromosomiques (figure 7). Figure 7. Caryotype d’un spermatozoïde humain porteur d’une cassure du bras long du chromosome 10 (Æ). Environ 10 % des spermatozoïdes de sujets normaux sont porteurs d’anomalies chromosomiques (3 % d’anomalies numériques et 7 % d’anomalies de structure) et la répartition des aneuploïdies reste homogène parmi tous les chromosomes. L’essentiel des études réalisées sur les remaniements chromosomiques a porté sur les translocations qui constituent le type de remaniement chromosomique le plus fréquent dans l’espèce humaine (1/500). Environ 10 % des spermatozoïdes de sujets normaux sont porteurs d’anomalies chromosomiques. Ces études ont mis en évidence une forte variabilité du taux d’anomalies observées dans le sperme de ces sujets, fournissant ainsi des données nouvelles et fondamentales pour le conseil génétique de ces patients. Les nouvelles techniques Désormais, les techniques de cytogénétique moléculaire ont remplacé la technique Humster, permettent d’étudier de façon beaucoup plus facile la ségrégation méiotique et sont accessibles aux différents laboratoires d’AMP (figure 8). Figure 8. Technique d’hybridation in situ sur spermatozoïdes par : A : technique de PRINS ; B : technique de FISH. Résultats Chez les patients normaux, le taux de disomies varie entre 0,1 et 0,25 % par chromosome selon les études(11). En revanche, chez les sujets porteurs de remaniements chromosomiques, ce taux varie en fonction des individus et des translocations et, selon notre expérience, ce taux varie entre 10 et 60 %. à cela, se surajoute un effet interchromosomique non négligeable, c’est-à-dire que les anomalies peuvent toucher des chromosomes non impliqués dans le remaniement chromosomique. Un cas particulier est celui des patients Klinefelter. Il a été rapporté la présence de foyers de spermatogenèse dans certains cas. Cela serait probablement lié à la présence de gonies normales 46,XY, et donc l’existence de mosaïque faible 47,XXY/46,XX. Néanmoins, il existe une augmentation importante des aneuploïdies chez ces patients, liée au développement de ces gonies dans un environnement délétère puisque majoritairement 47,XXY. Des études préliminaires semblent montrer une augmentation des aneuploïdies spermatiques chez les hommes infertiles. Ces résultats permettraient d’expliquer la fréquence augmentée des fausses couches et des aneuploïdies fœtales chez les couples ayant recours à l’AMP. Cela était déjà connu pour les patients ayant de façon homogène des spermatozoïdes macrocéphales avec présence de diploïdie, voire de tétraploïdie, mais récemment une étude a également montré une augmentation des risques de non-disjonction chromosomique chez les patients porteurs d’anomalies homogènes du flagelle. Pistes physiopathologiques Les mécanismes à l’origine de ces aneuploïdies sont encore inconnus. Néanmoins, à partir de l’étude de la méiose de patients porteurs de remaniements chromosomiques, il semble que deux éléments soient importants pour effectuer une spermatogenèse complète, à savoir la non-perturbation du fonctionnement de la vésicule sexuelle et l’absence d’asynapsis (non-appariement des chromosomes homologues) au stade pachytène(12). Conclusion Grâce aux progrès réalisés au cours des vingt dernières années, l’étude cytogénétique des gamètes humains a fourni de nombreuses données sur l’incidence, la distribution et l’étiologie des anomalies chromosomiques. L’évaluation du risque d’apparition d’une anomalie chromosomique est un paramètre essentiel dans le cadre de l’AMP, qui justifie la réalisation d’examens complémentaires chez les couples candidats à l’AMP. Ces examens sont d’autant plus recommandés dans les cas où une anomalie homogène des spermatozoïdes est mise en évidence. Dans les cas d’échec d’implantation et des patientes de plus de 38 ans, si l’apport du diagnostic sur le premier globule polaire paraît évident, la réalisation pratique de cette technique et son coût sont des facteurs très limitants.
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