Gynécologie de l'enfant et de l'adolescente
Publié le 31 mar 2008Lecture 10 min
Les vaccins HPV prophylactiques : où en est-on ?
P.FAUCHER, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris
Tous les efforts doivent converger vers une couverture optimale de la population concernée par la vaccination contre le HPV. Informer largement et favoriser l’acceptabilité du vaccin, tant auprès des professionnels de santé qu’auprès de la population générale, permettront de ne pas réserver ce moyen de prévention qu’à une partie privilégiée de la population féminine et de reproduire les inégalités déjà existantes avec le dépistage par frottis cervico-vaginal.
Tous les efforts doivent converger vers une couverture optimale de la population concernée par la vaccination contre le HPV. Informer largement et favoriser l’acceptabilité du vaccin, tant auprès des professionnels de santé qu’auprès de la population générale, permettront de ne pas réserver ce moyen de prévention qu’à une partie privilégiée de la population féminine et de reproduire les inégalités déjà existantes avec le dépistage par frottis cervico-vaginal. Le 9 mars 2007, la Direction Générale de la Santé a publié l’avis du comité technique des Vaccinations et du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France concernant la vaccination prophylactique contre le papillomavirus humain. Ce vaccin est recommandé aux jeunes filles de 14 ans et doit être proposé aux jeunes filles et jeunes femmes de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard, dans l'année suivant le début de la vie sexuelle. Les professionnels de santé Information sur la vaccination L’implication des professionnels de santé sera un élément déterminant pour faire accepter aux parents de vacciner leurs enfants contre l’HPV, mais plusieurs difficultés sont néanmoins à prévoir. Le niveau de connaissance des praticiens concernant l’infection à HPV Deux études américaines indiquent que la connaissance de l’infection HPV est relativement modeste chez les pédiatres et chez les médecins généralistes. À l’inverse, une enquête récente menée auprès de gynécologues obstétriciens et de généralistes à Mexico indique un niveau de connaissance de l’infection à HPV assez élevé. Une étude conduite chez des infirmières britanniques a montré que celles-ci connaissaient la relation entre l’infection à HPV et le cancer du col, mais ne comprenaient pas la différence entre HPV à haut risque et à bas risque, ni quels sous-types étaient associés au cancer du col. Il n’existe pas encore d’études publiées en France sur le niveau de connaissance des praticiens. De toutes façons, il est clair qu’il faudra former les professionnels de santé en complétant leur connaissance de l’infection par HPV et en leur donnant des outils pour communiquer efficacement avec la population. En dehors des journaux scientifiques, il existe d’autres moyens pour que les professionnels de santé puissent obtenir des informations sur le HPV et la vaccination : formation médicale continue, conférences ou forum lors de congrès médicaux, création de sites internet, etc. L’attitude des professionnels face à la vaccination HPV Quatre études anglo-saxonnes ont indiqué une relative préférence des professionnels à vacciner plutôt les « vieux » adolescents que les jeunes et ont mis en évidence l’importance de la couverture du geste par les organisations professionnelles. Il semble exister une gêne à parler de vaccination contre des IST à des préadolescents et à leurs parents, conséquence de la difficulté qu’éprouvent les praticiens à parler de sexualité avec des adolescents, comme cela a été montré par plusieurs études. Aborder le thème de la sexualité au cours d’une consultation (surtout si le motif de la consultation est tout autre) semble difficile pour certains praticiens qui perçoivent ces très jeunes adolescents comme étant à bas risque de contracter une infection par HPV. La crainte d’une réaction négative des parents devant une discussion engagée avec leur enfant sur les IST peut être un frein non négligeable. Enfin, certains cliniciens peuvent craindre que les jeunes vacciné(e)s perçoivent les rapports sexuels comme sans danger et s’engagent dans des conduites à risque. Il n’est pas certain qu’on puisse transposer le résultat de ces recherches à l’attitude des praticiens français. Pratique de la vaccination On peut se demander quels professionnels de santé seront les plus disponibles et les plus engagés pour pratiquer l’acte de vaccination. Il est certain que les pédiatres sont les médecins ayant la plus grande pratique de la vaccination, suivis par les médecins généralistes. Les gynécologues sont, en revanche, peu concernés par la vaccination en dehors de celle contre la rubéole. Il est donc possible que l’acte de vaccination soit plus difficile à entrer dans la pratique courante d’un gynécologue, comparé à un pédiatre ou à un médecin généraliste. L’âge de 14 ans recommandé pour la vaccination en France semble, à première vue, trop tardif pour la clientèle du pédiatre et trop précoce pour le gynécologue. Le généraliste semble donc en première ligne, mais il lui faudra prendre du temps pour aborder le thème de la sexualité avec ses jeunes patientes. Communication vers la population générale Il est crucial de fournir à la population une information claire, simple et facilement assimilable sur la vaccination HPV. Les messages doivent s’adresser non seulement aux parents et aux adolescent(e)s, mais aussi aux représentants de la société civile, aux enseignants et aux médias. En parallèle, il sera nécessaire de fournir des informations sur l’efficacité du vaccin, sa sécurité, ses effets secondaires potentiels, le degré et la durée de la protection qu’il va conférer et son coût. Les familles doivent également connaître la logistique de l’administration du vaccin ainsi que le calendrier vaccinal. Les messages sur le vaccin doivent être préparés de telle sorte que la population soit convaincue du risque de l’infection à HPV et demande la vaccination, sans toutefois générer trop d’anxiété ou promettre des bénéfices exagérés. Les obstacles au développement de la vaccination Plusieurs obstacles sont à prévoir. Un niveau médiocre de connaissance sur le HPV Les résultats de plusieurs études montrent un niveau de connaissance assez bas de la population sur l’infection à HPV. En Angleterre, moins de 1 % des personnes interrogées pouvaient nommer le HPV comme la cause du cancer du col utérin et 14 % savaient qu’il existe un lien entre ce cancer et une IST. En Allemagne, seulement 3,2 % des personnes interrogées savaient que le HPV est un facteur de risque du cancer du col utérin. Aux États-Unis, moins d’un tiers de la population générale a déjà entendu parler du papillomavirus. En France, 81 % des femmes ne connaissent pas la cause du cancer du col de l'utérus et seulement 9 % des femmes savent que le cancer du col de l'utérus provient d'un virus. Des informations difficiles à transmettre L’information délivrée sur l’infection à HPV peut être confuse, anxiogène et stigmatisante. Par exemple, il semble difficile de comprendre la distinction entre HPV à bas risque et à haut risque ou comment l’infection HPV peut être à la fois incurable et transitoire. L’information selon laquelle l’infection HPV est incurable et très facilement transmissible peut générer beaucoup d’anxiété. Le coût du vaccin Dans l’état actuel des choses en France, un coût de 437,82 euros est un frein au développement du vaccin, particulièrement dans les catégories sociales à revenu modeste ne bénéficiant pas de mutuelles complémentaires. Le remboursement par l’Assurance Maladie est donc indispensable. Des oppositions « de principe » Bien que l’opposition à la vaccination soit souvent la conséquence d’un défaut ou d’une mauvaise information, des individus ou des organisations peuvent s’opposer à la vaccination pour des raisons morales, philosophiques ou religieuses. L’attitude spécifique des parents En France, les résultats de l’étude ENJEUX montrent que 65 % des mères pensent faire vacciner leur fille de 15 à 17 ans et 59 % de 11 à 14 ans. Les parents sont surtout sensibles à la proposition de protéger leur enfant contre une infection sévère avec un vaccin efficace, quelle que soit la source de cette infection (en particulier sexuelle). Il semble aussi que les parents soient plus enclins à accepter un vaccin contre une infection pour laquelle aucun autre moyen de lutte n’est possible. Le fait que le préservatif ne prévienne pas complètement le risque d’infection à HPV est donc un argument à mettre en avant. L’acceptabilité de la vaccination HPV par les parents dépend d’autres facteurs que la simple connaissance de l’histoire naturelle du HPV et l’analyse de leur influence est essentielle pour favoriser la diffusion du vaccin. Les facteurs socio-environnementaux La couverture médiatique de la vaccination est un facteur qui peut influencer les individus. En France, les fausses informations données par la presse sur le risque de sclérose en plaques associé à la vaccination contre l’hépatite B ont eu des conséquences catastrophiques sur la couverture vaccinale. En dehors des médias, les individus sont également soumis aux croyances et aux normes du groupe social auxquels ils appartiennent (Health Belief Model). Ils sont également soumis à l’influence de l’opinion de groupes de pairs. Les gens font vacciner leurs enfants parce que tout le monde le fait et que cela semble normal de le faire ou parce que c’est ce que les « bons » parents font. L’interface avec le système de santé L’attitude des professionnels de santé concernant la vaccination (degré de recommandation, expérience personnelle des vaccins) a été étudiée pour connaître dans quelle mesure celle-ci pouvait influencer la décision des parents de faire vacciner leurs enfants. Le meilleur facteur prédictif de l’acceptation parentale a été la confiance des parents envers le praticien. Les facteurs personnels Pour les parents ayant peu de ressources ou peu de temps à consacrer à la santé de leurs enfants, l’importance de la vaccination peut passer après d’autres problèmes (drogues, violence, fréquentations, etc.). La crainte des effets secondaires chez l’enfant est un obstacle habituel à la réalisation d’une vaccination. Certains parents peuvent rejeter un vaccin contre une infection sexuellement transmissible. Ils ne peuvent envisager que leurs enfants puissent avoir dans un proche avenir une vie sexuelle, mettant en avant certaines caractéristiques psycho-comportementales ou physiques de leurs enfants qui les placeraient dans un bas risque d’être infecté par le HPV (timidité, immaturité émotionnelle, tendance à l’isolement, négligence vestimentaire, etc.). C’est la crainte de devoir discuter de sexualité avec leurs enfants qui représente un élément majeur du rejet de la vaccination. Certains parents peuvent aussi penser qu’en approuvant la vaccination HPV, ils encourageraient leurs enfants à avoir des rapports sexuels précocement et à suivre des comportements à risque. L’attitude des adolescent(e)s Bien que la décision des parents soit le plus fort facteur prédictif de l’acceptabilité du vaccin, il ne faut pas négliger la communication directement vers les adolescents et les jeunes adultes. En France, 80 % des jeunes filles de 15 à 17 ans et des jeunes femmes de 18 à 25 ans se feraient vacciner. Des stratégies innovantes ont été développées pour informer les jeunes sur la vaccination et pour les aider à en parler avec leurs parents. Il semble, par ailleurs, que le fait que l’adolescent(e) ait un(e) ami(e) déjà engagé(e) dans une activité sexuelle soit un facteur notable d’acceptabilité du vaccin. Il n’en reste pas moins que la faible perception de la notion de risque qui existe à l’adolescence peut être un frein à la pratique de la vaccination HPV.
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