Publié le 09 nov 2008Lecture 12 min
Le gynécologue face à une fracture-tassement vertébrale récente
D. BARON, Centre Hospitalier Lannion-Trestel, CRRF Trestel, Trévou-Tréguignec
L’ostéoporose est la maladie osseuse métabolique la plus fréquente. La prévention et une prise en charge thérapeutique précoce demeurent le meilleur traitement. Sa fréquence augmente avec l’âge, bien qu’elle ne soit pas une conséquence banale du vieillissement. C’est une maladie silencieuse (indolore) jusqu’à sa complication : la fracture. L’ostéoporose, considérée comme un problème majeur de santé publique, est associée à une morbidité et à une mortalité élevées, ainsi qu’à des coûts de soins de santé exorbitants.
Les fractures-tassements vertébrales représentent près de la moitié des fractures ostéoporotiques. Ces fractures peuvent réduire la qualité de vie (douleur, déformation, impotence fonctionnelle) chez près de 40 % des femmes de plus de 50 ans. La douleur aiguë, parfois chronique, reste un mode fréquent de révélation de la maladie ostéoporotique, malgré les autres possibilités diagnostiques. La prise en charge thérapeutique d’une fracture-tassement vertébrale récente se confond avec celle de la douleur, mais ensuite, il faudra s’atteler à la prévention des fractures futures. Pour un diagnostic précoce ! L’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette caractérisée par une réduction de la masse osseuse, et une altération de la micro-architecture du tissu osseux, responsable d’une augmentation de sa fragilité. Ces deux phénomènes exposent à un risque accru de fractures. Les fractures ne surviennent qu’à un stade avancé de l’ostéoporose, ce qui, en d’autres termes, signifie qu’attendre l’apparition de fractures pour en faire le diagnostic – et donc de la traiter – est déjà trop tardif ! La mesure de la densité osseuse permet un diagnostic plus précoce de la maladie ; plusieurs études prospectives ont en effet démontré qu’une réduction de la densité osseuse d’une déviation standard (DS) multiplie par deux le risque ultérieur de fracture. C’est en raison de cette relation établie entre densité osseuse et risque fracturaire, qu’un groupe d’experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 1994, a proposé de considérer comme ostéoporotique toute femme ménopausée dont la densité osseuse se situe à plus de 2,5 déviations standards en dessous de la densité moyenne de l’adulte jeune (T-score < – 2,5 DS). L’ostéoporose est dite sévère lorsque, à la définition densitométrique s’ajoute l’existence de fractures. Cette augmentation du risque fracturaire, liée à la réduction de la densité osseuse, doit cependant être interprétée en tenant compte des autres facteurs de risque individuels d’ostéoporose comme l’âge, les antécédents personnels et familiaux de fractures, le poids, la prise de certains médicaments, etc. Depuis le 1er juillet 2006, un décret permet le remboursement de l’ostéodensitométrie, mais cette bonne nouvelle ne doit pas nous inciter à changer les prescriptions de cet examen dont l’intérêt reste essentiellement le dépistage individuel plus que le suivi thérapeutique. Cette définition densitométrique de l’ostéoporose est intéressante pour un diagnostic et un traitement précoces de la maladie. En revanche, elle n’est pas suffisante pour analyser les conséquences douloureuses, notamment rachidiennes, de l’ostéoporose. En effet, une faible masse osseuse, telle qu’elle peut être présente chez le sujet âgé, n’est a priori pas responsable de douleurs en l’absence de fractures. Si la fracture de hanche est souvent considérée comme la complication la plus sévère de l’ostéoporose, du fait du taux élevé de mortalité associée, de la morbidité induite et de ses conséquences socio-économiques, il apparaît de plus en plus clairement qu’il ne faut pas minimiser les conséquences de la fracture vertébrale. De plus, il est admis que seul, un tiers des fractures vertébrales est correctement diagnostiqué, notamment du fait de l’absence de douleurs. De plus, nous utilisons le terme de fracture-tassement vertébrale, préférable à celui de tassement qui prête à confusion : déformations, tassements et fractures sont parfois difficiles à interpréter, d’autant que le patient lui-même confond le tassement vertébral et le pincement discal et ne voit pas dans ce terme la notion de gravité. Épidémiologie des fractures-tassements vertébrales ostéoporotiques Plusieurs études ont montré que l’incidence des fracturestassements vertébrales est plus élevée chez les femmes et augmente de façon exponentielle avec l’âge. Cependant, ce type de fracture n’épargne pas l’homme et, lors d’une étude récente, des chiffres de l’ordre de 20 % d’hommes de plus de 50 ans d’une cohorte de 6 362 hommes avaient au moins une fracture-tassement vertébrale. En extrapolant à partir de ces données, on peut estimer que 50 000 à 150 000 nouvelles fractures vertébrales symptomatiques surviennent chaque année en France. En d’autres termes, sur 100 femmes françaises âgées de plus de 50 ans, près d’un quart auront une ou plusieurs fractures- tassements vertébrales durant les 30 ans qui leur restent en moyenne à vivre. Ces données ont une conséquence clinique : à partir de 60 ans, le tassement vertébral ostéoporotique représente l’une des principales étiologies à évoquer devant la survenue d’une lombalgie aiguë. Une maladie multifractorielle L’ostéoporose est une maladie multifactorielle. Si la carence estrogénique secondaire à la ménopause joue un rôle capital dans la perte osseuse, de nombreux facteurs de risque s’y associent en l’accélérant et exposant au risque de fracture. Ces facteurs de risque sont classés en plusieurs catégories (encadré cidessous). FACTEURS DE RISQUE D'OSTÉOPOROSE Facteurs de risque majeurs Facteurs de risque mineurs • Âge ≥ 65 ans • Fracture de fragilisation après 40 ans • Antécédents familiaux de fractures ostéoporotiques (antécédent maternel de fracture de la hanche) • Traitement par corticoïdes d’une durée de plus de 3 mois (asthme, maladie de Horton, PPR, etc.) • Syndrome de malabsorption • Hyperparathyroïdie primaire • Tendance aux chutes • Fracture-tassement vertébrale • Hypogonadisme • Ménopause précoce (avant 45 ans) • Race asiatique et caucasienne • Antécédents d’hyperthyroïdie clinique • Thérapie chronique par anticonvulsivants • Faible apport alimentaire en calcium • Tabagisme • Consommation excessive d’alcool • Consommation excessive de caféine • Poids corporel < à 57 kg • Perte pondérale > de 10 % du poids corporel à l’âge de 25 ans • Héparinothérapie prolongée • Arthrite rhumatoïde • Sédentarité et alitement prolongé Facteurs génétiques : le risque d’ostéoporose est accru chez un(e) patient(e) dont la mère ou une tante maternelle a un antécédent de fracture vertébrale ou de l’extrémité supérieure du fémur. Facteurs nutritionnels et environnementaux : un apport calcique faible (inférieur à 1 g par jour), associé ou non à une carence en vitamine D, favorise la survenue d’une ostéoporose. Une faible exposition solaire, une consommation excessive de tabac ou d’alcool, une vie sédentaire, un indice de masse corporelle faible, des alitements prolongés répétés sont autant de facteurs favorisant la perte osseuse. Les événements fracturaires antérieurs : la survenue d’une première fracture-tassement vertébrale multiplie par 5 le risque de survenue d’une nouvelle fracture-tassement, et ce, indépendamment de l’âge et de la masse osseuse. Une fracture touchant un os périphérique multiplie par 3 le risque de survenue d’une fracture-tassement vertébrale. Certains traitements sont ostéopéniants comme les corticoïdes, et certains sont anticoagulants. Certaines pathologies, y compris leur traitement : la polyarthrite rhumatoïde, l’hyperthyroïdie, l’hyperparathyroïdie, les maladies inflammatoires de l’intestin, l’hypercorticisme, exposent au risque d’ostéoporose. La question se pose actuellement pour le sida et notamment chez les patients traités par des antirétroviraux, mais les données actuelles de la littérature ne permettent pas de conclure avec certitude. Reconnaître une fracture aiguë La fracture-tassement vertébrale est généralement, mais pas toujours, responsable de rachialgies aiguës dorsales ou lombaires. Les symptômes surviennent le plus souvent brutalement, à l’occasion d’un traumatisme minime, d’un simple faux mouvement, voire parfois sans facteur déclenchant retrouvé. Ces douleurs s’accompagnent d’une impotence fonctionnelle majeure et d’une raideur, imposant souvent l’alitement. D’horaire mécanique, exacerbées au moindre mouvement, les douleurs peuvent de ce fait, réveiller la nuit, et même être insomniantes. Les douleurs sont localisées au niveau dorsal et/ou lombaire selon la localisation de la fracture. Une irradiation radiculaire est possible, en hémi-ceinture, voire en ceinture, avec un iléus réflexe, toutefois rare. L’évolution clinique est spontanément favorable, en 4 à 6 semaines. Mais la survenue successive de plusieurs fractures-tassements peut prolonger cette évolution douloureuse. L’examen, difficile, permet de constater une attitude antalgique, une impotence fonctionnelle parfois majeure, une station debout difficile, une reproduction des douleurs lors de la palpation de l’apophyse épineuse de la vertèbre affaissée. La mesure de la taille est importante au moment de la ménopause si elle n’a pas été effectué auparavant (encadré ci-dessous). L’examen neurologique est, dans la très grande majorité des cas, normal. L’existence d’un syndrome sous-lésionnel avec irritation pyramidale, bien qu’exceptionnel est possible dans certains cas de recul du mur postérieur, mais doit faire rechercher une autre cause (myélome, tumeur, etc.). MESURE DE LA TAILLE Il faut une méthode reproductible à des fins de fiabilité. Il est recommandé d'avoir une taille de référence aux alentours de la ménopause. Points techniques • Thorax, fesses et talons fermement appuyés contre le mur, pieds accolés • Menton horizontal • Patient en grande inspiration • Tige horizontale descendue sur le vertex pour la prise de la mesure • La précision d'une toise médicale est de ± 5 mm Une fracture-tassement vertébrale peut être peu symptomatique, voire latente, et découverte fortuitement lors d’un cliché de profil d’une radiographie pulmonaire. Diagnostics à éliminer Sans entrer dans les détails, il faut savoir rester systématique. La survenue d’une fracture-tassement vertébrale apparaissant dans les suites d’un traumatisme minime, voire inexistant, impose d’en rechercher l’origine, même si la plus fréquente est l’ostéoporose. Quoi qu’il en soit, la conduite à tenir est celle de l’exploration d’une dorso-lombalgie ; c’est dire l’importance d’un examen clinique minutieux à la recherche de troubles sphinctériens, d’une atteinte pyramidale, puis de quelques examens complémentaires de débrouillage (Démarche diagnostique cidessus). Une fois le diagnostic d’ostéoporose retenu, on doit s’attacher à en rechercher les facteurs de risque qui seront un élément important du suivi. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE Examens complémentaires Le diagnostic du tassement est radiographique, mais la recherche d’une étiologie repose sur des examens biologiques, c’est-à-dire le bilan inflammatoire, l’électrophorèse des protides et le bilan phosphocalcique, ainsi qu’une densitométrie osseuse qui sera, dans ce contexte, une excellente indication. En cas de découverte de plusieurs fracturestassements vertébrales, il est impossible de chiffrer avec précision la fracture la plus récente, symptomatique, d’où l’éventuel intérêt de la scintigraphie qui permet de le faire. Cette technique a permis de prouver que certaines fractures ont pu passer inaperçues. Évolution d’une fracture-tassement vertébrale récente La douleur, qui est le maîtresymptôme de la fracture-tassement vertébrale, peut durer de 4 à 6 semaines en moyenne, mais parfois plusieurs mois. Les douleurs peuvent se pérenniser lors de la mauvaise prise en charge initiale d’une fracture-tassement rachidienne ; elles sont alors liées à des modifications de la statique rachidienne (cyphose dorsale) ou à une augmentation des contraintes articulaires postérieures. Le risque de survenue de lombalgies chroniques est d’autant plus grand que le nombre de tassements vertébraux et le degré de déformations vertébrales sont élevés. Qualité de vie Quels que soient les outils utilisés pour quantifier la qualité de vie, ils démontrent systématiquement une altération de celle-ci chez les patients souffrant de déformations vertébrales. Chez les patientes souffrant de tassement fracturaire récent, la dimension physique du SF-12 peut être altérée de près de 10 %. Le risque relatif, pour une femme ayant subi une fracturetassement vertébrale récente, de présenter une réduction d’autonomie est doublé par rapport à la population générale, alors que ces femmes présentent 5 à 6 fois plus de risque de consulter un praticien en raison de rachialgies. Les patientes avec fracturetassement vertébrale ont un impact significatif de cette pathologie, sur tous les domaines du QUALEFFO (Quality of Life questionnaire of the European Foundation For Osteoporosis), à savoir la douleur, les fonctions physique, sociale et mentale, la santé générale. Cette diminution de la qualité de vie est corrélée à la survenue du premier tassement fracturaire. De plus, cette diminution est proportionnelle au nombre de fractures-tassements, en particulier au niveau lombaire. Les outils de mesure de la qualité de vie dans l’ostéoporose ont également permis de démontrer l’efficacité des traitements de cette affection, non seulement en termes de nombre de fractures évitées, mais également de bien-être des patients. Conseils hygiéno-diététiques Il faut proposer un régime riche en calcium ± vitamine D. Pour les patients « allergiques » ou intolérants aux produits laitiers, il existe des eaux riches en calcium (Talians®, Contrex®, Hépar®, Thonon®, Evian®, Valvert®, Vittel®, Saint-Amand®). Certains aliments comme certains légumes, les sardines à l’huile, les anchois, les maquereaux en conserve (à manger avec les arêtes), ont un coefficient d’absorption du calcium important par la présence de vitamine D notamment.
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